Pas de cadrage pour l’inspection du travail ! Du soutien, des moyens et des actes pour la protection des travailleur.ses !

Le 25 janvier 2024, un sanglier était pendu puis éventré devant les locaux de l’Inspection du travail. Dans la même semaine, d’autres actions des agriculteur.trices en colère ont visé nos services ou d’autres services de l’Etat, notamment la MSA dont un bâtiment a été incendié. Ces faits interviennent dans un contexte de multiplication des atteintes à l’indépendance de l’inspection du travail, des outrages et des obstacles que nous avons décrit ici.

Le 31 janvier 2024, le DGT adresse un courrier de 4 pages à l’ensemble des agent.es du système d’inspection du travail. Revient-il sur ces événements particulièrement graves ? Juge-t-il utile d’exprimer une quelconque forme de soutien à l’action des agent.es ? Et bien non, il s’agit de les « cadrer », en leur assénant des rappels inutiles, en leur fixant des objectifs chiffrés aux effets nécessairement délétères et en leur faisant croire que la situation s’améliore, sur la base d’informations au mieux incomplètes, au pire mensongères.

Dans un contexte normal, il y aurait déjà beaucoup à dire sur cette lettre de cadrage, mais dans le contexte actuel, elle est tout simplement une provocation inacceptable ! Nos missions de contrôle ont en effet fait l’objet d’une virulente attaque du patronat, notamment agricole, attaque entendue et relayée jusqu’au plus haut niveau de l’Etat : en dénonçant la « paperasse », en pointant un nombre de contrôles qui serait trop élevé, B. Le Maire et G. Attal nous ont désigné.es comme bouc-émissaires et mis une cible sur le dos ! Suite aux annonces sur le « contrôle unique », ni la Ministre en charge du travail, ni le DGT, n’ont jugé utile d’expliquer publiquement que les contrôles de l’Inspection du travail ne pouvaient pas être concernés. Pire, le DGT a adressé un courriel aux DREETS et Responsables de Pôle T qui entretient savamment le doute, en expliquant que nos contrôles gagneraient à être « coordonnés » ou encore « rationnalisés », en lien avec les autres corps de contrôle et que les agent.es doivent faire preuve de « discernement ». Un tel discours qui contribue à délégitimer nos actions de contrôle est contraire aux Conventions de l’Organisation Internationale du Travail sur l’Inspection du travail (article 12 de la Convention 81 et article 16 de la Convention 129 pour le secteur agricole) et au principe du contrôle inopiné, fondement du fonctionnement de l’Inspection du travail devant permettre de constater les situations réelles de travail.

Sur le contenu du « cadrage » il est fictif : les objectifs sont totalement décorrélés des moyens ! Ainsi, afficher la protection des « droits fondamentaux des travailleurs » alors qu’il ne reste que 1700 collègues sur le terrain à l’Inspection pour plus de 20 millions de travailleurs et travailleuses du privé et près de 2 millions d’établissement assujettis au contrôle est un mensonge !

S’agissant des effectifs, le DGT affiche une réduction toute relative des sections vacantes en présentant fièrement le chiffre de 550 agent.es venu.es « renforcer le système d’inspection du travail », sur trois ans. Pourtant la réalité est tout autre et la somme est quasi-nulle lorsqu’on prend en compte les départs en retraite. Sur la base des chiffres du Ministère, 319 membres du corps de l’inspection du travail avaient plus de 62 ans au 1er janvier 2024 et 232 agent.es supplémentaires les atteindront dans les deux prochaines années, soit… 551 agent.es !! Pendant ce temps, de nouveaux projets de suppression de sections circulent dans les services et le nombre des sections vacantes est toujours dramatique (plus de 350)! Avec la logique des intérims, c’est 40% du territoire qui est en réalité concerné : 20% au titre des postes vacants et 20% au titre des postes tenus par un.e agent.e qui assure un intérim et ne peut donc pas exercer correctement ses missions sur son secteur. Et on ne parle toujours pas des absences ponctuelles (maladie, maternité, paternité…), des temps partiels et des décharges d’activité jamais compensés.

Cerise sur le gâteau, nous venons d’apprendre, sans que la DRH n’ait daigné en informer le CSA ministériel, l’annulation du recrutement par voie de détachement dans le corps de l’inspection du travail en 2024. Ce sont donc 100 postes, pourtant annoncés par l’ex ministre Dussopt dans le cadre de la préparation de loi de finance 2024, qui sont purement et simplement perdus ! Et si l’on en croit le directeur de l’INTEFP, la dimension des promotions d’IET serait considérablement réduite après le concours 2024. Dans ces conditions le nombre de sections vacantes grimpera inévitablement en flèche !

Au-delà des beaux discours, le problème essentiel est bien là : pour être plus présent.es sur les lieux de travail, nous n’avons pas besoin que le DGT nous assène un chiffre, quel qu’il soit ! Nous ne raisonnons pas ainsi parce que ça n’a aucun sens, si ce n’est celui de nous stresser et de nous mettre en concurrence ! Il faut avant tout être plus nombreux.ses ! Il faut aussi ne pas perdre un temps précieux dans les méandres administratifs post-OTE… Entre être en contrôle ou en train de s’arracher les cheveux sur Chorus-DT, SUIT ou les imprimantes qui plantent, les explications à donner au service RH du SGCD, celles à donner aux DDETS qui ne comprennent pas qu’ils doivent respecter la ligne hiérarchique de l’inspection du travail malgré d’éventuelles injonctions des préfets concernant l’inspection du travail (ce n’est malheureusement pas difficile à comprendre puisque le préfet est… leur N+1 !), etc.…

S’agissant des campagnes à mener, la question de la prévention des accidents du travail est évidemment une question essentielle, mais la timide campagne de communication lancée l’année dernière, est très insuffisante et les déclarations d’intention de cette lettre de cadrage ne changeront évidemment rien au problème et au triste record européen détenu par la France, en la matière. Il faut des mesures concrètes et des moyens pour faire baisser drastiquement le nombre des accidents du travail. L’arrêt d’activité « températures extrêmes » pour lequel notre syndicat CGT TEFP n’a eu de cesse de se battre et qui, enfin, avait été annoncé par le précédent Ministre du Travail n’a non seulement pas (encore?) vu le jour, mais ne sera pas suffisant s’il n’est pas accompagné d’évolutions réglementaires réellement contraignantes pour les entreprises. On ne peut pas compter sur le bon vouloir des employeur.es qui continuent à voir la prévention des risques comme un coût et non comme un indispensable et impérieux investissement. Chaque manquement constaté doit donc être sévèrement réprimé ! Nos nombreuses revendications en la matière sont rappelées ici.

Des années de saignée dans les effectifs et le fiasco de l’OTE ont mis nos services dans une situation de très grande fragilité, proche de la paralysie. Les agent.es n’ont pas besoin d’être « cadré.es » ou stressé.es par des objectifs chiffrés dont la DGT se fait un étendard. Iels ont besoin d’être soutenu.es, plus nombreux.ses et doté.es de moyens suffisants. 

 

La CGT continue de porter les exigences suivantes :

  • Abandon des objectifs chiffrés, notamment des 100 interventions ;
  • Arrêt immédiat des projets de suppressions de sections ;
  • Plan massif de recrutement pour pourvoir au plus vite les postes vacants et recréer les postes supprimés, poursuite des recrutements dans la durée pour atteindre 5 000 agent.es de contrôle ;
  • Recrutements pour garantir un.e assistant.e pour 3 agent.es de contrôle a minima, proposition de titularisation pour toutes et tous les collègues non titulaires ;
  • Recréation de tous les postes perdus dans les services de renseignement depuis 2011, pour un renseignement accessible aux usager.es, délivré par des agent.es et non par ordinateur ;
  • Sortie de l’OTE et retour à des directions départementales et régionales de périmètre ministériel. 

 

Il est temps de dire STOP à la destruction de l’inspection du travail et à la protection des droits des travailleuses et des travailleurs qui l’accompagnent! Nous appelons les agent.es à se réunir en assemblée générale partout en France afin de décider ensemble des actions de résistance possible en s’inspirant notamment des échanges que nous avons eus lors des assises!

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