Nous voici réuni.es dans le cadre d’un CSA reconvoqué. Pourquoi reconvoqué ? Parce que la majorité des élu.es a décidé de ne pas participer à la réunion initialement prévue le 7 mars dernier, pour les raisons expliquées ici, en détail. En résumé, il s’agissait pour nous de vigoureusement protester face au mépris auquel nous sommes confronté.es depuis la nomination de la nouvelle Ministre en charge de notre Ministère : le mot adressé directement aux agent.es en fin de semaine dernière réalise l’exploit de ne pas dire un mot sur le contexte particulièrement grave qui nous a amené.es à l’interpeller. Et bien entendu, aucune réponse ne nous a été adressée ; pas la moindre réaction au boycott, si ce n’est la reconvocation d’aujourd’hui, sur un ordre du jour inchange. Que faut-il de plus à Madame Vautrin que des menaces explicites de mort contre les agent.es du Ministère et une interpellation unanime de l’ensemble des organisations syndicales ? Que faut-il de plus pour que la Ministre en charge du travail et le DGT daignent défendre publiquement nos missions et nos prérogatives ?
Nous l’avons dit à plusieurs reprises : nos organisations syndicales soutiennent les revendications sociales qui se sont exprimées dans le cadre du mouvement de révolte des agriculteur.trices qui doivent pouvoir vivre décemment de leur travail. Mais nous attendons de notre Ministre qu’elle explique que prendre pour cible les contrôles, a fortiori les agent.es qui les mènent, est une grave erreur et qu’elle ne tombe pas dans la démagogie contre les « normes » ou la « paperasse ». Le nombre des contrôles n’est pas « trop élevé » dans le secteur agricole ! Les causes des difficultés de ce secteur particulièrement accidentogène, où il y a beaucoup à dire et à faire s’agissant des conditions de travail et de rémunération des travailleur.se.s ne sont certainement pas à rechercher du côté des contrôles de l’inspection du travail !
Les annonces du Premier Ministre, reprises pour l’essentiel par le DGT dans son courriel du 8 février 2024, relatives au « contrôle administratif unique » nous inquiètent tout particulièrement : elles ont été entendues par le patronat, bien au-delà du seul secteur agricole, et elles mettent nos services en grande difficulté. Les contrôles de l’inspection du travail ne peuvent pas être concernées, au regard des dispositions des conventions internationales et du code du travail. Encore faut-il le dire – haut et fort, c’est-à-dire publiquement – et surtout, réagir quand la situation l’exige. Or la situation s’aggrave et la Ministre et le DGT restent silencieux… Dans le Lot-et-Garonne, des lignes rouges sont tracées devant l’entrée des fermes, la Coordination Rurale exige du Préfet « la levée de tous les contrôles » et des menaces explicites contre les agent.es de contrôle circulent sur les réseaux sociaux ! Dans le Vaucluse, des patrons se déclarent en « grève administrative » et expliquent tranquillement qu’ils refuseront de recevoir quel qu’agent de l’État que ce soit ! Le ministre de l’Intérieur resterait-il silencieux si des actes d’un tel niveau de violence, de défiance et de gravité étaient commis dans les quartiers populaires ?? Nous demandons à la Ministre et au DGT de réagir, de condamner fermement les attaques menées contre nos services et de rappeler publiquement la légitimité et l’utilité sociale de nos missions et l’étendue de nos prérogatives. Se contenter d’évoquer le « discernement » des agent.es ou de les inviter à procéder aux contrôles « à deux » n’est évidemment pas suffisant. Alors que nous allons commémorer les vingt ans de l’assassinat de nos collègues à Saussignac, nous refusons qu’un tel drame se reproduise.
Il nous faut également revenir sur la question des effectifs : nous dénonçons depuis des années, chiffres à la clé, l’effondrement de nos effectifs, sans que nos revendications ne soient entendues. C’est à présent la Cour des comptes qui tire le signal d’alarme, à l’occasion de la publication de ses observations sur la gestion des ressources humaines du Ministère du Travail : sur la période 2015 – 2021, les effectifs ont baissé de 15% et c’est l’inspection du travail qui a payé le plus lourd tribut, contrairement aux annonces et promesses successives. Ce n’est pas nous qui le disons, c’est la Cour des comptes qui l’écrit : « Dans le détail, entre 2015 et 2021, le principal contributeur aux économies d’emplois a été l’inspection du travail qui a perdu 16% de ses effectifs, soit près de 740 ETP ». Les Ministres et les DRH se succèdent, mais le plan Sapin que nous dénoncions en son temps en tant qu’atteinte inédite aux effectifs de contrôle s’est tranquillement exécuté sur 10 ans et on comprend mieux pourquoi l’administration a systématiquement refusé toutes nos demandes en vue d’un bilan de la réforme : sur tout le territoire, de 3 agent.es affecté.es au contrôle, 1 de catégorie A et 2 de catégorie B, on est passé à 2 agent.es, de catégorie A, certes, mais l’hémorragie est sans précédent, sans parler du sort des centaines de contrôleur.se.s du travail qui n’ont pas bénéficié du plan de transformation d’emploi et qui partent en retraite, sans reconnaissance et sans être remplacé.es ! Nous n’étions pas dupes à l’époque, mais nous ne pensions tout de même pas que nous tomberions si bas : moins de 1700 agent.es affectés au contrôle des entreprises, toujours des centaines de postes vacants, sans parler des absences ponctuelles légitimes… Les recrutements doivent donc impérativement se poursuivre au-delà des trois années annoncées, d’autant plus que les deux premières années n’ont pas fait le plein et que les départs à venir sont encore massifs. Nous demandons un point complet sur les effectifs dans le cadre du prochain CSA, ainsi qu’un bilan des recrutements réalisés dans le cadre du détachement. Sur ce point, nous attendons toujours votre réponse, s’agissant des recrutements prévus au titre de l’année 2024. La pente sera longue à remonter, les efforts en matière de recrutement doivent être non seulement poursuivis, mais encore amplifiés et porter sur toutes les catégories de personnel. Localement, les instances doivent être informées et consultées sur les plafonds d’emploi et les projets de redécoupage qui ne doivent pas avoir pour effet de limiter les recrutements, ni de masquer le manque d’effectifs aux yeux des usager.ères, mais d’équilibrer la capacité de contrôle des agent.e.s sur chaque section. Depuis le détricotage de nos services par la réforme OTE, nos organisations syndicales ont demandé la mise en place d’instances communes DDETS/DR(I)EETS afin que les élu.es des services directement concernés puissent être associé.es aux décisions qui les concernent, notamment celles relatives aux sujets des effectifs et du périmètre des sections. Nous attendons toujours des actions de votre part à cet égard. Une remarque, au passage, s’agissant de la campagne de communication sur le concours de l’inspection du travail : alors qu’il s’agit d’un corps de contrôle majoritairement féminin, la campagne utilise exclusivement le mot « Inspecteur du travail », ce que nous ne pouvons que déplorer.
Sans transition et sans lien direct avec l’ordre du jour que vous nous imposez, sans échange préalable, quelques points supplémentaires que nous souhaitons évoquer :
- Sur les JOP: à propos des conditions de travail des agent.es qui seront directement concerné.es, nous ne reviendrons pas sur les carences en matière d’organisation du travail et de prévention des risques professionnels que nous avons pointées dans le cadre de la réunion de la F3SCT ministérielle du 21/03/2024, mais nous insistons néanmoins sur l’urgence à traiter de ces problèmes ; s’agissant des primes que vous allez annoncer, ou pas, nous estimons qu’elles devraient être servies à tou.tes les agent.es concernées et impactées, notamment en IDF, tant la dégradation des conditions de travail sera le lot de tou.tes. Or, à ce stade, le plus grand flou est laissé sur l’attribution de ces primes. Alors que les agent.es se voient imposer des contraintes disproportionnées en matière de prise de congés, la direction de la DRIEETS leur laisse entendre qu’il.elles pourront bénéficier de primes conséquentes, en guise de compensation. Mais ce ne sera manifestement pas le cas puisqu’en F3SCT le 21 mars dernier, vous avez indiqué que les primes seraient réservées à celles et ceux qui ne pourront pas prendre de congés en juillet et août, soit … les RUD et les RUD adjoint.es ! Vous nous devez la vérité : comme souvent, les primes sont pour les chef.fes, pas pour les agent.es ;
- Sur les JOP également, dans certaines régions, non seulement les contrôles réalisés par les agent.e.s dans le cadre des JO ne pourront être menés que s’il.elles ont sollicité au préalable une accréditation, ce qui est contraire à l’article L8112-6 du code du travail, mais cette accréditation est également présentée par endroit comme dépendante de l’engagement des agent.e.s à participer aux actions collectives et aux compte-rendus post-opérations… Il s’agit là d’une atteinte grave aux prérogatives des agent.es de contrôle pour laquelle nous vous demandons d’intervenir en rappelant que l’ensemble des agent.es figurant sur l’arrêté d’affectation et disposant de leur carte professionnelle, sont susceptibles d’intervenir afin d’exercer leurs missions, en tout lieu et en tout temps … Le contraste est frappant avec la situation où, dans le même temps, la hiérarchie si prompte à se plier au système des accréditations dans le cadre des JO, laisse certains agent.e.s dépourvus des accréditations obligatoires pour contrôler les aéroports depuis des mois…
- Sur la situation dans les services post-OTE, elle ne s’améliore pas : par endroit les agent.e.s attendent des semaines que le toner de leur imprimante soit remplacé, que leur « ticket informatique » soit résolu, certains agent.e.s attendent des mois durant que leurs indemnités de transport ou de télétravail, leur supplément familial de traitement ou autre aide sociale, leur revalorisation IFSE soit versées, et par endroit encore les locaux attendent des années durant l’entretien nécessaire à leur bon fonctionnement (lampes des sanitaires, changement des piles des défibrillateurs, etc.)… Par ailleurs, la ligne hiérarchique, censée préserver le système d’inspection du travail n’est qu’un leurre puisque les directeur.trices départementaux.ales sont évalué.es par les préfets de département devenus leurs N+1… c’est ainsi que les préfets décident désormais des locaux dont devront disposer les agent.e.s du système d’inspection du travail, et qu’ils n’ont que faire du droit applicable (principes généraux de prévention, luminosité minimale prévue par le code du travail, interdiction des locaux de travail aveugles, protection contre le risque « amiante » batimentaire…), des normes applicables garantissant le bien être du personnel et des usagers, des préconisations des rapports d’experts et du guide DGT de mars 2021 censé garantir des locaux permettant à l’inspection du travail d’assurer ses missions.
- Sur le dialogue social, comme à chaque réunion, nous pourrions faire une longue liste de ce qui ne va pas au sein de ce Ministère qui devrait pourtant être exemplaire ; nous notons particulièrement négativement votre envoi de la semaine dernière relatif aux tableaux de promotion et d’avancement : des arrêtés signés et prêts à être publiés nous ont été transmis, alors que les lignes directrices de gestion prévoient que les organisations syndicales peuvent réaliser des signalements et adresser des remarques avant la publication des tableaux, et disposent pour cela d’un délai de quinze jours avant leur publication. Vous ne vous embarrassez donc même plus du respect des maigres prérogatives que conservent les organisations syndicales en matière de contrôle du respect des droits des agent.es en matière d’avancement. Si la campagne a pris du retard, cela n’est en rien de notre responsabilité et cela n’est pas un motif pour ne pas respecter les lignes directrices de gestion !
- Sur l’index « égalité professionnelle »: il a été publié sans aucune information préalable de notre instance ; nous avons sollicité la communication des données ayant permis de l’établir le 22 janvier dernier, et dans le cadre de la réunion d’aujourd’hui, vous nous transmettez uniquement la publication téléchargeable sur internet ! C’est tout simplement affligeant, adjectif parfaitement approprié pour la conclusion de cette déclaration préalable.
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