Les organisations syndicales CGT TEFP, SUD TAS et CNT TEFP, à la Ministre du travail, C. Vautrin
Les services du ministère du travail ont été destinataires d’une « décision » signée de votre main et datée du 10 avril 2025 à l’attention d’une organisation patronale du secteur de la boulangerie concernant le travail des salarié.es le 1er mai. Outre que ce document n’a rien d’une décision, il a pour objet d’ouvrir la possibilité pour les employeurs de faire travailler leurs salariés le 1er mai, en des termes peu clairs et juridiquement infondés. Car les arguments développés sur le caractère « indispensable » d’activités pour « la continuité de la vie sociale » s’appliquent à ce jour, d’après le code du Travail, au travail dominical mais certainement pas au 1er mai, journée internationale de lutte pour les droits des travailleur.euses, chômée et rémunérée.
Les propos scandaleux que vous avez ensuite tenus lors d’une interview sur SUD RADIO, au cours de laquelle vous avez déclaré qu’« à titre personnel », vous étiez « prête à aider bénévolement un boulanger s’il en a le besoin »pour ouvrir son établissement le 1er mai ont eu l’effet délétère que nous pouvions malheureusement prévoir.
Ainsi et par exemple :
- A Roanne, des collègues ont contrôlé la chocolaterie Pralus (qui compte 22 adresses en France et n’est donc pas un petit artisan local !!) : l’employeur s’est empressé de réagir dans la presse locale en déclarant que nos collègues se seraient « introduits dans la boutique sans autorisation et terrorisant ses deux jeunes employés » et seraient « entrés comme des cowboys ». ; ces propos ont été opportunément soutenus par un député Roannais qui a dénoncé des « contrôles et interrogatoires inadaptés ». Le dirigeant de cette chocolaterie a ensuite fièrement ajouté qu’il paierait l’amende sans difficulté, mais qu’il ferait d’abord appel à vous ; il vous appartient bien entendu de dénoncer ces accusations calomnieuses et de soutenir nos collègues, mais on attend toujours ;
- A Paris, BFM a consacré un reportage à un couple de boulangers contrôlé qui a dénoncé, nous dit BFM, « les mains encore tremblantes » pêle-mêle « l’incohérence des contrôles, l’acharnement, le coup de massue ».
- Dans les Hauts-de-Seine, le contrôle de deux collègues a fait l’objet sur Europe 1 d’une partie de l’émission de Cyril Hanouna qui a déclaré à l’antenne qu’il allait « appeler Bercy » pour faire annuler l’amende, se demandant « s’ils n’ont que ça à foutre les mecs d’emmerder les boulangers le 1er mai ».
- Dans le Lot, la presse régionale fait tout un article sur la « colère » des employeurs contrôlés qui reprennent vos propos libéraux scandaleux
- Ailleurs encore, un client a filmé des collègues et a diffusé cette vidéo sur un réseau social, notamment en commentaire de propos d’extrême-droite.
L’ère macroniste est celle de la déconstruction de pans entiers du code du travail et d’attaques en règle contre les droits et la protection des travailleur.euses ; mais une nouvelle étape est désormais franchie, en s’attaquant directement aux services publics en charge de faire respecter la réglementation, dont l’inspection du travail.
En effet, vous ne pouviez évidemment pas ignorer que le bénévolat n’est pas autorisé dans une entreprise à but lucratif ! Vous ne pouviez pas davantage ignorer qu’en déclarant haut et fort qu’il vous semblait anormal d’interdire le travail des salarié.es « volontaires » le 1er mai, vous délégitimeriez les contrôles conduits ce jour-là et plus généralement, le bien-fondé de nos missions de contrôle. Vous ne pouviez pas non plus ignorer faire du populisme à cette occasion en confortant les déclarations des organisations patronales, des médias d’extrême droite et la fachosphère.
Cette attitude est irresponsable et criminelle dans le contexte actuel, où les agent.es de contrôle font déjà l’objet de multiples agressions, dans le secteur agricole notamment. Les agents de l’inspection du travail, comme d’autres services de contrôle, ont le sentiment que votre gouvernement, par ses déclarations, accentue leur exposition au risque d’agression. Vous leur collez une cible dans le dos et vous fournissez les munitions nécessaires à leurs détracteurs !
Nos syndicats apportent leur total soutien aux agent.es de contrôle mis.e en cause. A l’occasion de sa prise de fonctions, Astrid Panosyan-Bouvet nous jurait, la main sur le cœur, qu’elle porterait systématiquement plainte en cas d’atteinte à l’intégrité de nos collègues. Nous attendons des actes, évidemment, mais surtout que cesse le double discours du gouvernement.
Non, on ne peut pas défendre les agent.es, les services et les missions tout en délégitimant l’Etat de droit et les contrôles.