Des mesures concrètes et des moyens pour lutter contre le fléau des accidents du travail !
Les chiffres des mort.es au travail sont toujours aussi catastrophiques. Selon le rapport statistique annuel de l’assurance maladie sur les risques professionnels, en 2023, 1287 décès liés au travail seraient à déplorer, tous sinistres confondus (maladies professionnelles et accidents de trajets inclus) dont 759 accidents du travail reconnus et survenus avant consolidation. Ces chiffres placent la France parmi les mauvais élèves de l’Union européenne.
Pourtant, ces statistiques sont largement sous-évaluées et les accidents du travail sont largement invisibilisés : seul.es sont recensés les salarié.es du privé cotisant au régime général. Les salarié.es de la fonction publique, les salarié.es du secteur agricole, les marins-pêcheurs, les travailleur.ses indépendants ne sont pas décompté.es : la mort d’un.e livreur.se à scooter ou à vélo sera considérée comme un simple accident de la route. Elle ne sera pas incluse dans les statistiques macabres des morts au travail.
La question est tout sauf nouvelle et notre organisation syndicale dénonce régulièrement le travail qui tue, le travail qui mutile, le travail qui blesse parce qu’il faut aller vite, parce qu’il faut faire des économies. Les travailleur.ses n’ont aucun intérêt à ces économies et ils.elles n’ont pas à perdre leur vie pour la gagner !
Dans le cadre du Conseil National d’Orientation des Conditions de travail (CNOCT) du 03 février 2025, la Ministre du Travail et de l’Emploi, Astrid Panosyan-Bouvet, a présenté le « Plan de prévention des accidents du travail graves et mortels ». La ministre a insisté « sur sa volonté de poursuivre et amplifier avec volontarisme la lutte contre les accidents du travail graves et mortels » en s’inspirant notamment du bilan des JOP et de la Charte sociale mise en place à cette occasion. La ministre a notamment annoncé la création d’un « groupe de contact » parrainé par les coprésidents de la Charte sociale. Sa mission sera de travailler avec les partenaires sociaux dans les branches « à fort enjeu de sinistralité » pour obtenir des « engagements » de prévention des accidents du travail graves et mortels dans le cadre de conventions en bonne et due forme.
Si l’intention affichée par la Ministre est bonne, les moyens ne sont cependant pas au rendez-vous. Notamment, les « mesures » annoncées par la Ministre ne prévoient aucun renfort du côté des services en charge de la prévention, ce qui n’est guère étonnant puisque le budget alloué au Ministère du Travail et de l’Emploi est en forte baisse. L’équipe « analyse des accidents du travail » annoncée sera constituée par des agent.es prélevé.es sur d’autres services. Quant à la politique pénale du travail, il ne s’agit manifestement pas de renforcer les sanctions, mais simplement de mieux « coopérer ». Il ne faudrait surtout pas effrayer les patron.nes.
En outre, aucune mesure législative contraignante n’est envisagée pour limiter le recours aux emplois précaires, à la sous-traitance en cascade, pour protéger les faux.sses travailleur.ses indépendant.es alors même que toutes les études montrent que ces travailleur.ses sont les plus exposé.es
au risque d’accidents du travail et de maladies professionnelles. S’agissant des risques liés à l’exposition des travailleur.ses aux températures extrêmes alors que, tous les étés, des travailleur.ses exposés à de fortes chaleurs perdent la vie, un décret serait enfin sur le point de paraître, mais il n’est clairement pas à la hauteur de l’enjeu, le ministère ayant notamment pour le moment renoncé à l’arrêt immédiat des travaux, pourtant annoncé par O. Dussopt en septembre 2023.
Et quand les services de contrôle font l’objet de violentes attaques, comme récemment dans le cadre du mouvement de colère des agriculteur.trices, non seulement le gouvernement ne les défend pas, mais il met de l’huile sur le feu, faisant des agent.es de contrôle des boucs-émissaires qui seraient « fautifs » dans le cadre de certains contrôle. Le nombre des contrôles n’est évidemment pas « trop élevé » dans le secteur agricole ! Les difficultés de ce secteur particulièrement accidentogène, où il y a beaucoup à dire et à faire s’agissant des conditions de travail et de rémunération des travailleur.ses, ne sont certainement pas à rechercher du côté des contrôles de l’inspection du travail.
Au regard des dégâts incommensurables de la politique macroniste en matière de droit du travail, nous sommes donc en droit de douter des intentions réelles du gouvernement pour lutter contre les accidents du travail : inversion de la hiérarchie des normes et fin du principe de faveur, suppression des critères de pénibilité, chute drastique du nombre des agent.es de contrôle sont autant de causes à mettre en corrélation avec une hausse concomitante des accidents du travail depuis 2019. Entre 2015 et 2021, l’inspection du travail a perdu 16 % de ses effectifs, soit près de 740 ETP, selon un rapport de la Cour des comptes du 28 février 2024. Concrètement, il ne reste plus que 1700 inspecteur.trices du travail sur le terrain et on dénombre plus de 300 sections vacantes, soit plus de 300 secteurs où le droit du travail n’est pas contrôlé (notre organisation syndicale en a dressé la carte – à retrouver ici).
Parallèlement, les CHSCT, instances de représentation du personnel dédiées aux questions de santé et sécurité, ont été supprimés par les « ordonnances travail » en 2017 et ont totalement disparu dans les entreprises depuis le 1er janvier 2020. En conséquence, le taux de couverture des entreprises en IRP en charge de la santé et de la sécurité au travail a drastiquement baissé depuis les réformes mises en œuvre, comme le démontrent les dernières études de la DARES.
Les possibilités offertes au patronat de déroger aux règles protectrices se sont multipliées, sous couvert de « simplification ». Notamment, la demande de dérogation pour l’affectation des travailleur.ses mineur.es à des travaux dits dangereux a été supprimée par décret en 2015 et remplacée par une simple formalité déclarative : « déclaration de dérogation »
Enfin, la « charte sociale Paris 2024 » n’est pas un « modèle » à généraliser. Les nombreux accidents du travail sur les chantiers des JOP ont montré que les maîtres d’ouvrage et les entreprises intervenantes n’étaient pas plus exemplaires que la moyenne dans le secteur du BTP. L’objectif de rentabilité doublé de la nécessité de respecter un calendrier très serré ont sacrifié en nombre la santé et la sécurité des ouvrier.es, dont des sans-papiers.
Il est absolument insupportable que, en 2025, on puisse encore mourir au travail !
Les accidents du travail et les maladies professionnelles ne sont pas une fatalité !
Les grands discours et les mesurettes d’affichage ne suffiront pas ! La CGT TEFP revendique des mesures concrètes et des moyens pour faire baisser drastiquement le nombre d’accidents du travail et de maladies professionnelles :
- Une politique pénale du travail intransigeante, donnant instruction aux Parquets de poursuivre systématiquement les infractions les plus graves en matière de santé et de sécurité au travail ou celles qui auraient pu avoir des conséquences graves et condamnant fermement la délinquance patronale ;
- Le renforcement de la protection des travailleur.es qui font usage de leur droit de retrait ;
- La suppression des régimes de précarisation des travailleur.es ;
- La suppression du recours massif à la sous-traitance dans les activités telles que le BTP, le nettoyage, la maintenance, l’agriculture… ;
- L’engagement de la responsabilité civile et pénale des donneurs d’ordre pour les accidents du travail chez les sous-traitants,
- Des évolutions de la réglementation pour protéger la santé et la sécurité des travailleur.es : notamment, le rétablissement de la dérogation pour l’affectation des jeunes à des travaux dits dangereux, la définition de règles précises pour prévenir les risques liés aux fortes chaleurs …
- Le rétablissement des CHSCT comme contre-pouvoir dans l’entreprise pour garantir la protection de la santé et de la sécurité des travailleur.es et la préservation de leurs conditions de travail