Nouvelle illustration de la maxime « Selon que vous serez puissant ou misérable »

ou comment un groupe pharmaceutique tente de torpiller un contrôle de l’inspection du travail avec l’écoute bienveillante du Ministre du travail…

Communiqué CGT – FSU – SUD

Le 6 janvier dernier, le ministre du travail s’est rendu en Alsace pour visiter un établissement de la société MERCK à MOLSHEIM pour échanger « sur l’emploi des séniors et l’intergénérationnel ».

Quelle meilleure occasion pour le Président de cette société, par ailleurs représentant du lobby patronal LEEM des entreprises pharmaceutiques en France, de se plaindre de « difficultés répétées » dans ses relations avec l’inspection du travail de la région lyonnaise. Le groupe MERCK avait manifestement déjà évoqué ses reproches visant deux inspectrices du travail avec des représentant.es de nos services.

Ces échanges vont s’accélérer avec l’appui actif du ministre, qui mandate sa « conseillère chargée du fonctionnement interne et des politiques territoriales » pour saisir la DGT. Le ministre himself s’empresse ainsi d’informer l’entreprise de cette saisine par courrier du 27 janvier 2023, alors qu’aucun élément écrit n’est encore communiqué pour étayer la mise en cause des inspectrices du travail concernées (cela sera fait par un courrier de 16 pages le 1er mars 2023) !! Surement l’application du principe cher aux pouvoirs publics, véritable parti pris idéologique, jusqu’au Président de la République, de confiance aveugle et absolue accordée aux entreprises, et tant pis pour les collègues visées et mises en cause, qui ne sont bien sûr pas informées de ce qui se discute contre elles.

Ces inspectrices seront finalement informées par courriel le 20 avril 2023 par la ligne hiérarchique, leur demandant de rédiger un rapport sous quinzaine, alors qu’elles ne disposent pas des 32 pièces que l’entreprise a joint à son courrier de plainte portant des accusations graves contre elles (absence de neutralité et d’impartialité, méthodes d’entretien brutales et accusatoires entre autres…).

C’est uniquement suite aux multiples initiatives des inspectrices – demande de protection fonctionnelle, relances pour obtenir tous les documents les mettant en cause, saisine de la CADA (qui aura pour effet quasi immédiat la transmission par la DGT des documents demandés), rapport écrit circonstancié sur les contrôles effectués et les modalités de ceux-ci – que leur professionnalisme sera finalement reconnu, mais en des termes « choisis ».

Choisis pour que ni l’entreprise, ni le ministre ne perdent totalement la face, en concluant sous forme d’un conseil de renouer le dialogue avec les inspectrices et sans aucune condamnation des pressions ainsi exercées et de l’atteinte aux prérogatives de l’inspection du travail … Nous avons connu réaction plus ferme… A mille lieux de la gravité des accusations proférées, mais manifestement pas quand l’entreprise a accès directement au Ministre.

Quel contraste avec les faits, repris y compris dans une note du DDETS adjoint à l’attention de la DGT : « les accusations mettant en cause son éthique et sa déontologie et celle de sa collègue le sont aussi [fausses], et nous apparaissent comme particulièrement graves, car visant probablement à empêcher l’inspectrice du travail de continuer son enquête sur les autres faits apparus ces derniers mois (entrave, obstacle). ». Est ajouté que le courrier de l’employeur « apparait donc comme devant être vu comme une tentative d’intimidation ou de blocage de l’action de l’inspection du travail ».

On pourrait se dire, après tout, que c’est mieux que rien, nous avons tellement pris l’habitude du rien, que l’action des collègues est finalement confortée. Mais ce serait passer sous silence :

  • Le fait que les inspectrices n’ont pas obtenu la protection fonctionnelle, et qu’elles sont ainsi privées de leurs droits et garanties à se défendre contre une mise en cause dans l’exercice de leurs fonctions
  • Le fait que ce groupe a l’écoute bienveillante du Ministre, sans avoir à apporter aucun moyen de fait et de droit, et ne changera pas d’attitude au vue de la prose de la DGT,
  • La pression énorme et constante subie par nos collègues,
  • L’énergie qu’elles déploient pour faire reconnaître leur professionnalisme et continuer à exercer leurs missions, y compris vis-à-vis d’une entreprise qui voulait les faire sanctionner ;

Non seulement la ligne hiérarchique a méconnu l’obligation règlementaire d’informer tout agent.e de sa mise en cause par un usager (à relire la « Fiche réflexe en cas de mise en cause d’un usager du SIT par un usager » n°2022-10 de la DGT), mais la DGT va jusqu’à oublier son rôle d’autorité centrale de l’inspection du travail fixé par la LOI : « veille au respect des droits, garanties et obligations des agents de l’inspection du travail » ! Ou l’art de « faire le contraire de ce qui est écrit…

Car le DGT, interrogé par les collègues sur le rejet implicite de la demande de protection fonctionnelle des agentes, botte en touche et dit que cette décision inique, ce n’est pas lui, c’est la DRH ! La Loi lui donne autorité, mais bon, de là à s’opposer au Ministre, ce serait faire preuve de trop d’indépendance pour s’opposer à une influence extérieure indue évidente !

Nous exigeons que le ministre du travail (et non des entreprises !) et la DGT :

  • Cessent d’être à l’écoute des « puissant.es », au mépris des agent.es de contrôle de l’inspection du travail et de nos services en général, et que le DGT assume sa responsabilité légale en leur accordant sans délai la protection fonctionnelle;
  • Cessent de s’asseoir sur les principes déontologiques qu’iels savent si bien mettre en œuvre à leur avantage ; dès son entrée en vigueur, nos organisations indiquaient que le code de déontologie serait utilisé contre les agent.es et non pour les protéger. Nous en avons une nouvelle illustration. Dès qu’il s’agit d’une pression patronale, l’administration ne s’y conforme pas.
  • Accordent immédiatement la protection fonctionnelle dès qu’un.e agent.e est mis en cause dans l’exercice de ses fonctions
  • S’associent aux actions judiciaires qui pourraient être engagées par nos collègues, afin de rappeler que toute mise en cause infondée de l’inspection du travail n’est pas acceptable, quelle que soit l’entreprise.

 

Pour un service public de l’inspection du travail disposant des moyens d’assurer ses missions au bénéfice des travailleuses et travailleurs, avec le soutien immédiat, nécessaire et sans faille du ministère du Travail contre toute mise en cause abusive de ses agent.es, pour garantir l’effectivité de son indépendance !

Halte aux pressions indues dans notre ministère à l’encontre de l’inspection du travail !

 

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