CSA Ministériel Travail – Emploi du 11 mars 2025, présidé par les Ministres Vautrin et Panosyan-Bouvet

Déclaration des représentant.es CGT TEFP, SUD TAS et FSU TEFE

Mesdames Les Ministres,

Vous présidez – enfin – une séance de l’instance de représentation des agent.es du Ministère du Travail et de l’Emploi.

Vous avez décidé de ne pas déléguer la lourde tâche de nous présenter le budget alloué à nos missions et à nos services. Vous avez essayé de nous convaincre que les économies sont indispensables et qu’elles concernent essentiellement les aides accordées aux entreprises – que nous critiquons effectivement régulièrement – et que les moyens alloués à nos missions et à la rémunération des agent.es ne sont pas impactés. Nous ne sommes évidemment pas dupes ! Le budget de l’État 2025, qui vient d’être adopté grâce à l’article 49-3, donc sans vote du Parlement, soumet une nouvelle fois nos services à une véritable cure d’austérité. Plus largement, c’est l’ensemble des services publics qui sont mis à la diète, dans un contexte « d’efforts » massifs demandés aux agent.es et aux usagèr.es, mais dont sont largement exempté.es les plus privilégié.es puisqu’il n’est nullement question de remettre en cause les milliards d’euros d’aides au patronat, ni d’augmenter réellement les impôts des plus riches… Quant au budget de la Défense, il est en forte augmentation, en phase avec le discours alarmiste du va-t-en guerre Macron. Les droits sociaux n’ont pas à faire les frais des choix déplorables d’E. Macron !

Le ministère du travail et de l’emploi est ainsi celui qui subit, en 2025, la plus forte baisse de budget (- 4 milliards d’euros, pour arriver à un montant 2025 de 19,7 milliards d’euros, soit une diminution de 17%). La diminution concerne pour l’essentiel les « crédits d’intervention » (accès et retour à l’emploi et accompagnement des mutations économiques), et ce malgré un contexte de hausse du chômage. Une large part de cette diminution devrait être « couverte » par une redéfinition des aides à l’apprentissage, mais la mise en place de France Travail ou une nouvelle réforme de l’IAE avaient également pour objet de diminuer les dépenses. Mais la partie du budget allouée au fonctionnement et à nos rémunérations est également impactée. Conséquence de la fusion des BOP 155 (agent.es travaillant pour les politiques de l’emploi et du travail) et 124 (agent.es travaillant pour les politiques de cohésion sociale), le plafond d’emploi en 2025 est désormais, pour l’ensemble du périmètre travail – emploi – cohésion sociale, de 12 756 ETP. Par rapport à 2024, à périmètre constant, 90 ETP sont ainsi supprimés (soit 0,7%), mais les efforts ne sont pas uniformément répartis et ainsi ce seront 148 postes de catégorie C en moins. Alors oui, c’est beaucoup et le fait que vous ayez dû vous « battre » pour que ce ne soit pas pire encore, n’est vraiment pas de nature à nous rassurer ! Et la fusion des deux BOP n’est pas qu’une mesure technique : elle permet aux préfet.es et directeur.trices de mieux transférer des agent.es d’une politique à l’autre, en fonction des priorités ou des lubies du moment…

Comme vous l’avez dit, la masse salariale 2025 est à peu près stable par rapport à 2024 (+ 8 millions d’euros), ce qui donne très peu de marge pour des augmentations de rémunération, dans un contexte de gel du point d’indice, d’inflation et donc de forte baisse de pouvoir d’achat pour les collègues, en particulier pour les catégories C et B. Le ministre de la fonction publique a d’ores et déjà annoncé l’absence de mesures catégorielles cette année. La mesure d’économie visant les agent.es malades dont la rémunération sera immédiatement baissée, à 90% a également été confirmée.

Derrière les chiffres, ce sont des postes non pourvus, des contractuels ou vacataires non reconduits, au détriment des conditions de travail, de la qualité du service rendu… Ce sont des missions qui sont (quasi)abandonnées sous le doux euphémisme de « revue des missions ». Ce sont des difficultés matérielles qui persévèrent, notamment sur l’informatique, sur les photocopieuses, sur les locaux, sur les véhicules, sur la documentation avec des abonnements parfois non reconduits dans les départements à des sites pourtant indispensables… Ce sont des déplacements interdits ou fortement déconseillés, des réunions ou des formations qui se tiennent exclusivement en visio, au détriment de la qualité des débats, quand elles ne sont pas tout simplement annulées. Ce sont des déménagements ou réaménagements contraints avec la généralisation des bureaux partagés, parfois à 3 ou 4 agent.es, parfois plus encore, au détriment des conditions d’accueil des usager.ères et des conditions de travail…

Dans le contexte difficile que nous subissons depuis des années et qui ne cesse de se dégrader, nous ne pouvons plus entendre les impératifs d’économie ! Les choix et les priorités du gouvernement auquel vous appartenez ne sont tout simplement pas les bons ! Les projets régressifs doivent être retirés ou abandonnés, à commencer par la contre-réforme des retraites et un programme d’urgence sociale doit être immédiatement mis en œuvre, à commencer par l’augmentation du SMIC, des salaires, des pensions, du point d’indice et des minima sociaux, ainsi que le renforcement des services publics.

Trois jours après les manifestations du 8 mars, nous tenons également à vous rappeler que la situation au sein des Ministères « sociaux » est loin d’être exemplaire, malgré l’affichage souvent mis en avant. Les inégalités salariales persistent : l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes y était encore de 15,2% en 2023 alors que les femmes constituent près de 70% des effectifs !

Pour la DRH, aucune urgence à agir puisque les « explications » seraient faciles à trouver :

–             la sur-représentation des femmes dans les corps et les catégories les moins bien rémunérés (le fameux effet « ségrégation des corps » et un argument circulaire insupportable) ;

–             la sous-représentation des femmes en administration centrale, où les rémunérations sont plus hautes ;

–             la sous-représentation des femmes dans les grades supérieurs (65% en catégorie A contre 76% en catégorie C) ;

–             la sur-représentation des femmes parmi les agent.es à temps partiel (86% des agent·es à temps partiel sont des femmes).

Au lieu d’en tirer les conséquences, les récentes mesures salariales ont renforcé tant « l’effet temps partiel » que « l’effet ségrégation des corps » et ont aggravé ces discriminations indirectes : retour du CIA proratisé à la quotité de travail dans certaines régions, alors que la pratique était proscrite depuis 2017 ; quasi-généralisation de la modulation du CIA, en fonction du grade, les grades les plus élevés étant mieux servis, octroyant ainsi des montants moindres aux catégories C où l’on retrouve plus de femmes.

Et alors que nous exigeons un bilan sérieux sur les inégalités depuis plus de 10 ans, l’administration ne cherche pas à établir un état des lieux détaillé qui permettrait de définir précisément les mesures correctives. Pour nos organisations syndicales, le résultat de l’index égalité (92 points sur 100), jugé excellent par le ministère, masque en réalité des disparités réelles et persistantes entre les femmes et les hommes, notamment en matière de primes et de carrière. Les ministères sociaux s’arrogent un score de 39/40 en ce qui concerne l’égalité de rémunération pour les fonctionnaires, tout en présentant un écart brut de rémunération de 15,2%. C’est une preuve supplémentaire que l’index égalité, mis en place et contrôlé dans les entreprises privées, ne reflète en rien la réalité de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

En tout état de cause, aucune mesure concrète n’a jamais été présentée à nos organisations syndicales pour agir concrètement sur ces inégalités salariales, y compris sur les facteurs identifiés par l’administration !

Nous exigeons des mesures réelles pour agir concrètement sur cet écart de salaire et revendiquons :

–             Un bilan sérieux sur l’égalité femme-homme et la communication de données plus complètes et précises aux organisations syndicales,

–             La mise en place d’actions concrètes pour réduire l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes, notamment l’adoption d’un budget pour un rattrapage salarial et des mesures visant les discriminations directes et indirectes au sein des ministères sociaux,

–             Une revalorisation des carrières et des rémunérations des catégories C (constituées de 75% de femmes) !

Nous rappelons également notre revendication autour d’un nouveau droit à mettre urgemment en place : un droit à absence pour menstruations douloureuses pour toutes les agent.es concerné.es, sans justificatif et sans condition. Alors que certaines entreprises et certaines collectivités territoriales ont entendu cette juste revendication, nous n’avons pas à attendre une mesure qui serait décidée, ou non, au niveau de la fonction publique ! Les Ministères « sociaux » devraient être précurseurs en la matière !

Comme l’occasion de vous rencontrer nous est rarement donnée, nous souhaitons encore aborder plusieurs sujets :

Nous souhaitons à nouveau revenir sur les difficultés à exercer nos missions dans les entreprises du secteur agricole, après les déclarations incendiaires du 1er Ministre, reprises par la droite et certaines organisations patronales, visant notamment les agent.es de contrôle de l’OFB et contribuant très fortement au climat délétère actuel : les agent.es de contrôle n’ont pas à servir de bouc-émissaires ! Locaux incendiés et vandalisés, agent.es physiquement ou verbalement agressé.es,… Ce n’est plus possible ! Dans un tel contexte, le rôle du gouvernement est de rappeler l’importance et la légitimité des contrôles, d’afficher un soutien sans faille aux agent.es publics malmené.es et menacé.es et de veiller à l’engagement de poursuites contre les auteurs, facilement identifiables, des exactions perpétrées.

Avec nos collègues de l’OFB, fortement mobilisé.es la semaine dernière et avec tou.tes les agent.es de contrôle, face à ces attaques répétées, face à ce « contrôle bashing » incessant, il nous semble utile de réaffirmer que les normes et les contrôles sont utiles ! Nous contestons toujours fermement la circulaire « contrôle unique » publiée sous la courte ère Barnier ; nos organisations syndicales l’ont d’ailleurs formellement attaqué devant le Conseil d’Etat puisque nos appels en vue de son retrait ou de son abrogation n’ont pas été entendus. En attendant notre victoire judiciaire, nous appelons nos collègues à ne pas répondre aux sollicitations visant à ce que les Préfets identifient et comptabilisent leurs interventions sur le secteur.

Nous tenons également à revenir sur les annonces de faites dans le cadre du CNOCT – Conseil National d’Orientation des Conditions de travail – du 03 février 2025 et la nécessaire lutte à mener contre les accidents graves du travail.

Les chiffres français sont toujours aussi catastrophiques – 800 accidents mortels du travail en 2023, pour les seuls salarié.es du régime général – et il est effectivement impératif de lutter contre ce fléau social. La question est tout sauf nouvelle et nos organisations syndicales dénoncent régulièrement le travail qui tue, le travail qui mutile, le travail qui blesse parce qu’il faut aller vite, parce qu’il faut faire des économies. Les travailleur.se.s n’ont aucun intérêt à ces économies et il.elle.s n’ont pas à perdre leur vie pour la gagner ! Si l’intention affichée est bonne, au regard des dégâts de la politique macroniste sur le droit du travail, nous ne pouvons toutefois que douter des intentions réelles du gouvernement de lutter contre les accidents du travail :

  • Le nombre des agent.es de contrôle a chuté drastiquement : entre 2015 et 2021, l’inspection du travail a perdu 16 % de ses effectifs, soit près de 740 ETP, selon un rapport de la Cour des comptes du 28 février 2024 et il faut ajouter les nombreux postes toujours vacants ; les recrutements annoncés permettront peut-être de revenir à 2000 agent.es de contrôle, soit 20% d’agent.es de contrôle de moins qu’en 2014 ;
  • Les CHS-CT, instances de représentation du personnel dédiées aux questions de santé et sécurité, ont été supprimées ;
  • Les possibilités offertes au patronat de déroger aux règles protectrices se sont multipliées, sous couvert de « simplification » ;
  • Aucune mesure législative contraignante n’est envisagée pour limiter le recours aux emplois précaires, à la sous-traitance, pour protéger les faux.sses travailleur.ses indépendant.es, alors même que toutes les études montrent que ces travailleur.ses sont les plus exposé.es au risque d’accidents du travail et de maladies professionnelles ;
  • S’agissant des risques liés à l’expositions des travailleur.se.s aux températures extrêmes alors que, tous les étés, des travailleur.se.s exposés à de fortes chaleurs perdent la vie, un décret serait enfin sur le point de paraître, mais il n’est clairement pas à la hauteur de l’enjeu, le ministère ayant notamment renoncé à l’arrêt immédiat des travaux, pourtant annoncé par O. Dussopt en septembre 2023.

Les « mesures » que vous avez annoncées ne prévoient aucun renfort du côté des services en charge de la prévention, ce qui n’est guère étonnant vue les mesures budgétaires évoquées plus haut. L’équipe « analyse des accidents du travail » annoncée sera constituée par des agent.es prélevé.es sur d’autres services. Quant à la politique pénale du travail, il ne s’agit manifestement pas de renforcer les sanctions, mais simplement de mieux « coopérer » ; il ne faudrait surtout pas effrayer les patrons.

Les grands discours et des mesurettes d’affichage ne suffiront pas ! Il faut des mesures concrètes et des moyens pour faire baisser drastiquement le nombre d’accidents du travail et de maladies professionnelles.

  • Une politique pénale du travail intransigeante, donnant instruction aux Parquets de poursuivre systématiquement les infractions les plus graves en matière de santé et de sécurité au travail ou celles qui auraient pu avoir des conséquences graves et condamnant fermement la délinquance patronale ;
  • Une redéfinition des sanctions du code pénal et du code du travail intégrant des amendes maximales proportionnelles au chiffre d’affaires, le montant maximal de l’amende prévue pour homicide involontaire en cas de violation délibérée d’une obligation particulière de sécurité imposée par la loi (375.000 €) étant peu dissuasive pour les grandes entreprises ;
  • Le renforcement de la protection des travailleur.es qui font usage de leur droit de retrait ;
  • La suppression des régimes de précarisation des travailleur.es ;
  • La suppression du recours massif à la sous-traitance dans les activités telles que le BTP, le nettoyage, la maintenance, l’agriculture… ;
  • L’engagement de la responsabilité civile et pénale des donneurs d’ordre pour les accidents du travail chez les sous-traitants,
  • Des évolutions de la réglementation pour protéger la santé et la sécurité des travailleur.es : notamment, le rétablissement de la dérogation pour l’affectation des jeunes à des travaux dits dangereux, la définition de règles précises pour prévenir les risques liés aux fortes chaleurs …
  • Le rétablissement des CHSCT comme contre-pouvoir dans l’entreprise pour garantir la protection de la santé et de la sécurité des travailleur.es et la préservation de leurs conditions de travail ;
  • Le doublement des effectifs de l’inspection du travail et des services de prévention (Carsat, médecine du travail), la préservation de son indépendance et de nouveaux et véritables pouvoirs coercitifs (nouveaux arrêts d’activité notamment).

Les « LDG promotions » sont à l’ordre du jour de notre réunion et nous y reviendrons dans les débats, mais nous insistons sur quelques points qui nous paraissent éminemment problématiques :

  • L’insuffisance du nombre de promotions permettant aux agent.es de catégorie C d’accéder à la catégorie B ;
  • Le sort de nos collègues contrôleur.ses du travail : 12 ans après la décision prise de « mise en extinction » du corps, il est inacceptable que leur situation ne soit toujours correctement traitée, dans une logique collective leur permettant de continuer leur carrière administrative dans le corps de l’inspection du travail, quel que soit le poste qu’il.elles occupent. Il reste moins de 300 collègues concerné.es ! Vous ne nous ferez pas croire qu’il n’est pas possible de répondre à cette revendication qui relève désormais de l’évidence ;
  • Les « chef.fes de service » rendu.es absolument incontournables dans le processus nous semblent faire perdre une grande partie de la portée des signalements que vous nous invitez pourtant à formuler ; on imagine mal un.e chef.fe de service admettre que ses choix sont discriminatoires ;
  • Les difficultés récurrentes à nous faire entendre de la DRH et à obtenir des réponses : des points d’évolution du document, notamment visant à davantage de transparence, qui ne semblaient pas poser de difficultés ne sont pas intégrés et un paragraphe entier du document disparaît (pas de moindres puisqu’il s’agit du seul paragraphe particulier au corps de l’IT), sans que nous n’obtenions de réponse à notre interrogation, parfaitement légitime, sur ce point ; à quoi bon multiplier les groupes de travail, s’il n’en sort jamais rien ?

Enfin, nous terminons par un rappel solennel s’agissant de notre opposition ferme à toute tentative d’instrumentalisation de nos services qui n’ont rien à faire dans le « comité de lutte contre l’immigration », à quel que niveau que ce soit. Nos organisations syndicales soutiennent la régularisation de tous et toutes les sans-papiers, la seule politique juste et réaliste.