A quelques jours des élections présidentielles, la CGT TEFP, premier syndicat des services déconcentrés du Ministère du travail s’exprime pour rappeler combien ce quinquennat a été marqué par des reculs sociaux majeurs.
Nos collègues sur le terrain à l’Inspection du travail, dans les services de renseignement des usager.ère.s, de l’emploi, de l’activité partielle notamment, sont aux avant-postes des évolutions du droit du travail. Ils ont pu constater au quotidien comment le droit du travail s’est peu à peu effiloché, et comment on a désarmé les salarié.e.s et leurs syndicats.
Le mouvement de casse du code du travail et des droits sociaux est ancien, mais il s’est nettement accentué avec l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron, déjà Ministre de l’économie depuis août 2014 dans le gouvernement Hollande. La première “loi Macron”, le 6 août 2015, avait déjà libéralisé le travail du dimanche, et la loi El Khomri du 8 août 2016 avait largement fait disparaître les garanties légales et conventionnelles (principe de faveur) pour libérer la “négociation d’entreprise”, bref autoriser tout accord collectif entre les loups et les agneaux…
Aujourd’hui le bilan des ordonnances Macron, c’est l’affaiblissement des élus dans les entreprises !
Avec la suppression des DP, CE, CHSCT et la création des Comité Sociaux d’Entreprise (CSE) – et demain leur pendant dans la fonction publique avec les Comité Sociaux d’Administration (CSA) – le nombre des représentant.e.s du personnel a été divisé par deux dans les entreprises et les prérogatives ont été rognées (sur les expertises par exemple désormais cofinancés par le CSE). Moins de représentant.e.s pour les défendre, c’est nécessairement moins de droits pour les salarié.e.s, plus de pressions sur les quelques élu.e.s qui restent, et un recul des luttes sur le terrain.
Les ordonnances Macron c’est le permis de licencier abusivement !
Avec la mise en œuvre de la barémisation des indemnités prud’homales, en violation de la Convention n°158 de l’Organisation Internationale du Travail (OIT), c’est la fixation de plafonds d’indemnisation des salarié.e.s licencié.e.s abusivement. On répète : il s’agit de salarié.e.s licencié.e.s abusivement, mais désormais le juge n’aurait plus le droit d’évaluer la gravité de cet abus ! C’est la garantie pour les patrons, de « sécuriser » leur licenciement abusif en en connaissant à l’avance le prix au mépris de la règle relative à l’obligation de réparer intégralement tout préjudice contractuel ! Un véritable permis de licencier a été mis en place et ceci à moindre coût !
Le déversement d’argent public durant la crise sanitaire via l’activité partielle – au départ sans aucun contrôle – a souvent fait oublier les nombreuses mesures prises pour faciliter les licenciements : redéfinition du motif économique en 2016, barémisation, mise en place des ruptures conventionnelles collectives…
Les réformes Macron c’est travailler plus pour gagner moins !
C’est la création des Accords de Performance Collective qui, dans le prolongement des dispositions de la Loi travail, permettent de faire travailler plus les salarié.e.s, sans gagner plus, voir même en perdant de la rémunération, pour “répondre aux nécessités de l’entreprise”, ou simplement parce que l’employeur aura décidé sans plus de justification, que c’était nécessaire pour “développer l’emploi”.
Le quinquennat Macron a aussi été marqué par la volonté de nous faire travailler plus longtemps pour gagner moins : le passage annoncé à une retraite à points a été abandonné face à la crise sanitaire, mais Macron annonce déjà la retraite à 65 ans. Face aux revendications sur les salaires et le pouvoir d’achat, qu’il s’agisse du mouvement des gilets jaunes, des soignant.e.s ou de l’inflation, les salarié.e.s n’ont eu droit qu’à des “primes” dérisoires et ponctuelles, jamais à des augmentations structurelles et durables pour tous ! Le mépris des travailleurs était là à tous les niveaux, que ce soit dans les invitations des chômeur.se.s à “traverser la rue” ou dans le mépris des “gens qui ne sont rien” !
Les réformes sous Macron, c’est la double peine pour les chômeurs et les précaires !
Le quinquennat Macron a vu se renforcer un peu plus les règles de procédures qui permettent aux entreprises d’échapper aux sanctions. Les travailleur.se.s, eux / elles, n’ont pas le droit à l’erreur : une fois licencié.e.s avec des indemnités moindres, les voilà avec des droits au chômage drastiquement réduits. Il faut désormais avoir travaillé six mois pour bénéficier de droits, et le mode de calcul défavorise lourdement les salarié.e.s les plus précaires. Une porte ouverte à la précarité, et à un prolétariat à bas coût prêt à accepter des conditions de travail indécentes !
Mais c’est aussi le soutien au modèle du salarié corvéable et jetable à merci, incarné par les plateformes ubérisées que le gouvernement a activement contribué à légaliser (ordonnance du 21 avril 2021) en leur accordant des droits sociaux au rabais et en tentant de prémunir les gestionnaires de plateformes contre tout risque de requalification salariale judiciaire, à contre-courant de la tendance européenne ! Sans parler des salarié.e.s sans papier, qui n’ont même plus d’interlocuteur identifié pour demander leur titre de séjour depuis la réorganisation des services de la main-d’œuvre étrangère en plateformes nationales…
Le Ministère du Travail sous Macron, c’est tordre le droit du travail pour empêcher qu’il s’applique !
La direction du Ministère du Travail par l’ancienne DRH de Danone, Muriel Pénicaud, tristement connue pour s’être enrichie alors qu’elle mettait sur la paille 900 salarié.e.s, a donné lieu à un enchaînement de tentatives, parfois abouties, de désarmer le droit du travail et ceux / celles qui le font appliquer. Outre des contre-vérités sur le droit applicable (réinterprétation fallacieuse du droit de retrait avant et pendant la crise COVID notamment), le Ministère a développé une nouvelle stratégie, celle du droit mou (soft law).
On l’a vu pendant la crise : c’est à coups de recommandations non contraignantes, de protocoles et d’idéologie (dont celle de « l’adhésion spontanée à la norme » du patronat) que le gouvernement a tenté soi-disant de protéger les salarié.e.s – mais en vérité de contourner le droit du travail existant en matière de risques biologiques pour permettre de sacrifier la santé des travailleur.se.s sur l’autel de la rentabilité économique. Ceci jusqu’à suspendre un inspecteur du travail qui faisait appliquer les règles de prévention et à inscrire le COVID-19 dans une case à part dans la réglementation des risques biologiques en juillet 2021.
L’émergence de cette “soft law”, c’est aussi transformer la règle de droit pour la dissoudre dans la volonté politique du moment. C’est enfin un moyen pour le gouvernement et les entreprises, d’échapper à la mise en cause de leur responsabilité à l’occasion de cette crise sanitaire.
Le Ministère du Travail sous Macron, ça a aussi été la casse de l’inspection du travail !
En à peine deux quinquennats les services du Ministère du travail ont été laminés. Le précariat s’est installé dans de nombreux services, notamment ceux de l’activité partielle, fortement mobilisés pendant la crise du Covid. A l’inspection du travail, 20% des postes affectés au contrôle ont été supprimés, 30% des postes de secrétariat l’ont été en 10 ans et on déplore 40% de postes en moins dédiés au renseignement des usager.ère.s en droit du travail ! Les services ont également profité de la crise COVID pour fermer leurs permanences d’accueil ou en réduire l’accès, tandis que notre hiérarchie continue à nous demander de laisser de côté la “demande sociale”… Nos services sont au bord de l’asphyxie et ne sont plus en mesure de rendre aux usager.ère.s le service public qu’ils sont en droit d’attendre! La dernière réforme en date, dite “organisation territoriale de l’Etat”, a d’ores et déjà mutualisé (entendre désorganisé pour économiser) nos services logistiques et techniques avec ceux des préfectures, présageant d’autres baisses de moyens et une influence croissante des préfets sur les services de l’inspection du travail.
Les réformes sous Macron, c’est aussi de lourdes attaques contre l’indépendance des fonctionnaires et notamment ceux / celles du Ministère du Travail !
La loi du 6 août 2019 a radicalement changé les règles du jeu dans la fonction publique : désormais, les employeurs publics recrutent partout en CDD, et les représentant.e.s du personnel n’ont plus de droit de regard sur les nominations, mutations et promotions. La précarité est à tous les niveaux et les fonctionnaires sont soumis au bon vouloir de leur hiérarchie. C’est la porte ouverte à l’émergence de potentats locaux, qui autorisent la mise au pas de tous les fonctionnaires indépendants et attachés à leurs missions plus qu’à leur patron. La discrimination syndicale a de nouvelles armes !
Et justement, durant ce quinquennat, les inspecteurs.trices du travail et leurs syndicats ont été attaqué.e.s par leur autorité centrale la DGT. Management directif, procédures disciplinaires abusives : les entraves se sont aggravées conduisant l’intersyndicale du ministère à déposer plainte devant l’OIT. La plus emblématique d’entre elles : la procédure visant Anthony Smith en pleine première vague Covid parce qu’il avait demandé à un juge d’ordonner des mesures de protection de la santé de salarié.e.s du secteur de l’aide à domicile. Assumant pleinement ses attaques contre les droits des plus faibles, ce gouvernement a enfoncé le clou en présentant la candidature de son ancienne ministre du travail à la direction du Bureau International du Travail. Après une campagne à laquelle notre syndicat a activement participé, Muriel Pénicaud a été défaite le 25 mars dernier et c’est le candidat soutenu par les travailleur.se.s représenté.e.s à l’OIT qui en est sorti vainqueur.
Et jusqu’au bout ce gouvernement poursuit son œuvre de destruction s’attaquant cette fois, par Décret, au Conseil National de l’Inspection du travail (CNIT) qui avait, pendant la crise Covid, souligné dans plusieurs avis, les entraves et obstacles de la ligne hiérarchique et de la DGT à l’action des inspecteurs.trices du travail sur le terrain. En tentant de faire du CNIT un Conseil de l’ordre, en choisissant les « bons » membres qui devront le composer, le ministère liquide en vérité le CNIT et porte atteinte une nouvelle fois à l’indépendance de l’Inspection du travail.
Après Tony Blair ou Gerard Schroeder en leur temps, Emmanuel Macron a incarné mieux que personne la contre-révolution néolibérale en matière de droit social. Qui mieux qu’Antoine Foucher, directeur de cabinet de Muriel Pénicaud et artisan des ordonnances de 2017, pour résumer l’enjeu de ces politiques pro-patronale devant l’Association des journalistes de l’information sociale (Ajis) le 26 janvier 2022 : « Nous voulions changer la perception des investisseurs internationaux sur le droit du travail français. Que ce soit juste, rationnel, ou non, cette image était mauvaise. Et il y a un avant et un après les ordonnances ».
Nous aussi nous voulons un nouveau regard sur le monde du travail, mais celui des travailleur.se.s, pour reconstruire demain un véritable Code du travail, protecteur des droits des salarié.es !
Pour cela, nous appelons l’ensemble de nos collègues à faire barrage aux candidat.es du patronat le 10 avril prochain, à préparer les luttes et les grèves de demain, à se mobiliser en défense de nos missions et des droits des travailleur.se.s !
Nous les appelons à participer massivement aux assises les 20, 21 et 22 juin prochains, à Bobigny – Pour des services Travail, Emploi et Formation Professionnelle, au service des travailleur.se.s, avec ou sans emploi, avec ou sans papier !