Violences sexistes et sexuelles au Ministère du travail : sous la com’ vertueuse, la persistance du déni et de l’impunité

CGT – SUD

Nous approchons du 25 novembre, journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes.

Comme tous les ans, nos organisations syndicales appellent les agent.es à s’emparer de cette question et à porter cette lutte, dans la rue et sur nos lieux de vie et de travail.

Et comme tous les ans, notre Ministère va certainement pondre à cette occasion un énième plan com’ insignifiant – parions sur une projection de film estampillé ‘féministe’ à Duquesne, un rappel aux agent.es des maigres sensibilisations en visio qu’iels peuvent suivre sur le sujet au cas où ça les tente, ou une petite décla de notre Ministre sur le fait que non, la grande cause des deux quinquennats n’est pas oubliée, soyons rassuré.e.s !

De notre côté, nous croyons aux faits et aux actions, non aux vœux pieux et à la comm’ de façade.

Et dans les faits, nous constatons que le positionnement de notre administration sur le sujet se situe malheureusement à ce jour toujours bien loin de ses grandes déclarations de principe.

Le cas tout récent d’une collègue contractuelle victime de violences sexuelles de la part d’un responsable d’unité de contrôle est désespérément édifiant. Confrontée à un véritable cas d’école de harcèlement sexuel, dont la reconnaissance n’aurait dû poser aucune difficulté, notre DRH a préféré opter pour le déni et la minimisation des faits en les qualifiant de simples « comportements inappropriés » ; sans doute par souci d’éviter d’avoir à sanctionner sévèrement l’auteur de ces agissements. Ainsi le chef mis en cause s’est vu créer un poste sur mesure sur un autre site, sans passer par la case CAP disciplinaire.

Les DRH du secteur privé connaissent bien cette parade : requalifier le harcèlement en simple « comportement inapproprié », c’est enterrer le dossier sans faire de vagues, tout en donnant l’illusion que la situation a été bien prise en charge en notifiant à l’auteur des faits une sanction mineure. Pour la reconnaissance de leur préjudice et la préservation de leurs conditions de travail, les victimes repasseront.  Et force est de constater que c’est la stratégie adoptée à ce jour par notre Ministère, censé donner l’exemple sur le sujet.

Cet exemple est particulièrement scandaleux et affligeant, mais dans la continuité de l’attitude de l’administration sur la question des violences sexistes et sexuelles faites aux femmes, depuis des années :

  • Les situations sont minorées ;
  • Les agent.e.s, encadrement compris, ne sont pas ou peu formé.e.s sur ces sujets,
  • Cela génère pour les auteurs tolérance, indulgence et impunité ;
  • Et pour les victimes indifférence, incompréhension, mépris de leurs droits, voire ostracisation et rejet du collectif de travail.

 

  • En 2017 en Normandie, exfiltration et promotion d’un directeur mis en cause pour harcèlement sexuel et agression ;
  • En 2017 en Seine Saint Denis, face à des agissements sexistes avérés (reconnus par le mis en cause), la réaction calamiteuse de la hiérarchie de l’époque avait conduit à la scission du collectif de travail et à la mise à l’écart des victimes qui ont dû solliciter leur mutation ; nous écrivions alors à ce sujet un tract rappelant que les propos sexistes ne relevaient pas de la liberté d’expression, qu’il ne s’agissait pas d’un conflit de personnes, mais bien d’un comportement répréhensible qu’on ne saurait tolérer ;
  • Malgré ces alertes, on retrouve ce même schéma quelques années plus tard en Normandie. Une agente s’étant opposée à la remarque sexiste de son chef de service s’est retrouvée ostracisée et exclue du collectif de travail, dans une indifférence hiérarchique totale, ce qui a nécessité sa mutation ;
  • En juillet 2019, en Picardie, des faits de harcèlement sexuel commis à l’encontre d’une collègue par son supérieur étaient dénoncés, en même temps que l’inaction de l’administration qui s’était contentée d’un simple courrier de rappel à l’ordre. La collègue a dû porter l’affaire au tribunal et jusqu’à la cour administrative d’appel et est ainsi parvenue à faire reconnaître non seulement le harcèlement sexuel mais aussi le harcèlement moral institutionnel dont s’est rendu coupable l’Etat en « placardisant » la collègue à la suite de sa dénonciation. Malgré sa victoire devant les tribunaux, la collègue, épuisée par des années de procédure, est encore aujourd’hui mise en difficulté par l’administration.
  • En 2019 encore, gestion piteuse d’une agression sexiste à l’INTEFP. Puis, dissolution du réseau de formation sur les violences sexistes et sexuelles au travail (VSST) suite à l’interpellation de la direction de l’INT à ce sujet par ses membres (sans doute pour éjecter les trop nombreuses militantes féministes présentes dans le réseau !).

 

Bien souvent, les propos sexistes tenus envers des collègues sont mis sous le tapis par le/a supérieur.e hiérarchique prétextant qu’un tel « est comme ça », « dit ça pour rire » ou qu’il ne faut pas « mal le prendre ». Pour s’épargner un recadrage et un rappel des règles, et/ou par manque de formation, des chef.fes de service préfèrent laisser des collègues encaisser des paroles intolérables sur le lieu de travail !

Les exemples dans lesquels l’administration n’agit pas comme elle le devrait, mais déplace ou enterre le « problème », ne manquent pas (cf encadré).

Pour les cas les plus graves, un changement de poste sera proposé à l’auteur des faits (surtout s’il fait partie de l’encadrement), sans entacher son dossier disciplinaire.

Pour les situations relevant des agissements sexistes, l’administration opte pour l’inertie en attendant que les victimes, de guerre lasse, se taisent ou quittent leur poste.

Et si d’aventure certain.es directions décident de mettre en œuvre l’enquête administrative prévue par l’arrêté du 26 mai 2021, elles devront se débrouiller sans l’appui de la DRH, qui décline les demandes d’accompagnement de directions locales, bien que ce soit prévu par les textes.

Ces dernières années, nous avons interpelé maintes et maintes fois le Ministère du travail sur la question de VSST : celles que nous avons à connaître dans le cadre de l’exercice de nos missions, celles que nous subissons en tant qu’agentes du Ministère.

Nous avons établi des diagnostics (à l’aide de questionnaires aux agent.es), signalé des situations, identifié les besoins : des formations appropriées et dignes de ce nom (et non des sensibilisations de 2h en visioconférence), des moyens, des sanctions exemplaires lorsque les faits sont avérés.

Nous écrivions dans une lettre ouverte au Ministère du travail en 2017 que la situation en matière de VSST était « intolérable et ne devait plus être tolérée ».

Force est de constater que le bout du tunnel est encore loin pour les victimes. Les choses n’avancent pas ou si peu !

Aujourd’hui, plutôt que de lister pour la énième fois nos revendications connues de toutes et tous sur le sujet, nous demandons à ce que nos organisations syndicales soient reçues dans les plus brefs délais par le Ministre du travail.  Lors de la rencontre du ministre du travail et des organisations syndicales du ministère le 5 octobre celui-ci a été interpellé sur cette question, il s’est contenté de botter en touche et de renvoyer le dossier concret évoqué à la DRH. 

De vraies mesures doivent être prises, pour que cesse l’inertie, pour que de telles situations ne se reproduisent plus !

Nous appelons les collègues à grossir les rangs de toutes les manifestations prévues autour du 25 novembre, partout en France : www.grevefeministe.fr

 

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