Les réformes de l’État avancent brutalement. La fusion des régions, devrait être effective au 1er janvier 2016, soit dans un peu moins de 7 mois et va aller beaucoup plus loin que les seules régions fusionnées.
Au vu des divers documents publics, dont notamment le communiqué du conseil des ministres du 22 avril 2015, du rapport des préfets Bourgogne et Franche-Comté, du rapport des inspections générales d’avril 2015 et du décret du 7 mai 2015 le pire est à craindre, c’est tout le personnel qui va être touché.
Selon le rapport des inspections générales sur les 48 000 emplois des seules directions régionales, 26 000 se situent dans les régions fusionnées et 10 700 agents sont concernés dans leur emploi. Comme le rapport l’indique il s’agit d’ « un chantier significatif » d’autant que, comme il est précisé dans ce même rapport, le simple non remplacement des départs en retraite (ce qui induit tout de même des suppressions d’emplois) ne suffira pas à régler le problème des emplois qui seront supprimés. Les agents vont voir leurs postes supprimés, et la charge de travail augmenter.
Mais cette réforme va encore plus loin et va toucher l’ensemble des départements.
Le rapport propose de développer « l’interdépartemental ». D’ailleurs dans leur rapport les préfets de Région de Bourgogne/Franche Comté proposent de pouvoir mutualiser deux UT dont les caractéristiques sont proches. Cela rejoint les propos de M. BLONDEL à la CAP du corps de l’inspection du travail sur le fait que l’UT de la LOZERE n’avait peut-être plus la masse critique pour continuer d’exister, ou ceux de la représentante du ministre au CTM du 4 mai 2015, Mme LAURENT, indiquant que le ministère entendait maintenir les UT mais qu’il n’était plus réellement décisionnaire (extraits du rapport des préfets Bourgogne et Franche Comté : « la baisse continue des plafonds d’emploi fragilise certaines DR et UT dans l’exercice de leur compétence » et aussi « le renforcement lié à la mutualisation des effectifs des deux régions et l’obtention corrélative d’une masse critique qui pourra offrir les capacités de gérer de manière optimisée leur déploiement sur le territoire régional »). Une phase de réorganisation permanente s’ouvre, ou y compris des services maintenus dans un premier temps, pourront se voir mutualisés ou supprimés, lorsqu’ils subiront la pénurie d’effectifs imposée par le Ministère !
D’ailleurs le 7 mai a été publié au journal officiel un décret portant Charte de la déconcentration dont l’article 16 prévoit que les préfets de région pourront proposer une autre répartition des services sur leur territoire que celles arrêtées par les ministères. Et ce même décret en son article 12 renforce les pouvoirs des préfets en matière de gestion des fonctionnaires de l’État dans les régions. Il s’agit de permettre aux préfets d’ « adapter la mise en œuvre des politiques nationales aux réalités territoriales » (rapport des inspections). Le rapport des inspections générales l’indiquait : « il faut aller le plus loin possible dans la déconcentration » et ainsi « s’appuyer sur une forte mutualisation des moyens supports ». Ainsi, il risque d’y avoir une création d’une direction régionale interministérielle des fonctions supports (notamment immobiliers, achats, pilotage des BOP, Chorus, communication, informatique), c’est d’ores et déjà dans certaines régions ce que les préfets exigent.
Cette organisation à géométrie variable va se retrouver pour les DIRECCTE « maintenues » (une note du 19 mai de la « revue des missions » évoque des « DIRECCTE reconfigurées »).
Le rapport des inspections générales préconise :
- les fonctions « de programmation stratégique » (= l’état-major) positionnées au chef-lieu de région, près du préfet de région
- les fonctions « opérationnelles (instruction de titres, autorisations, subventions, etc.) » pourront être réparties sur plusieurs implantations, sites.
Restructuration des directions régionales, restructuration en gestation d’unités territoriales. Il y aura donc bien des mobilités géographiques ou fonctionnelles forcées !!! Ainsi que des mobilités inter ministérielles puisque le rapport des Inspections générales insiste pour que le projet de loi « déontologie, droits et obligations des fonctionnaires » qui prévoit dans son article 23 une mobilité entre fonction publique soit voté. Les agents de l’encadrement intermédiaire vont devoir repostuler sur leur propre poste mis en vacance, en concurrence avec leurs anciens homologues !
Ne nous faisons pas d’illusion, la réduction drastique des effectifs de référence dans toutes les administrations et le regroupement des Directions régionales des administrations sur un seul site géographique ne permettront pas l’usage de ce « droit à rester sur place » sauf si l’action des personnels l’impose. Lorsque de nombreux collègues refuseront la mobilité géographique, sur quels emplois pourront-ils bien postuler pour reste sur place, alors que depuis des années déjà les postes sont supprimés par centaines?
Est-il exagéré de parler d’un véritable plan social lorsque l’on met bout à bout toutes ces mesures et toutes les propositions venues d’en haut ?
Le rapport des inspections générales définit les mesures à prendre : blocage des CAP pendant 5 ans pour toutes les régions concernées afin de pourvoir les postes vacants par les agents dont les postes auront été supprimés, « prime » en cas de mobilité forcée, prime au départ volontaire, mise en place de cellules « mobilité » dans toutes les directions régionales dès janvier 2016 et une déconcentration de la gestion des RH au niveau de la région !
Fini donc le droit à mutation géographique en dehors de la région. Fini l’égalité de traitement sur tout le territoire notamment via les CAP nationales.
Le statut général de la fonction publique d’État et les statuts particuliers (contrôleurs du travail, inspecteurs du travail) sont les derniers remparts contre toute mutation forcée arbitraire dans le ministère, dans un autre ministère voire dans un autre versant de la fonction publique (collectivité territoriale ou hospitalière), c’est d’ailleurs pourquoi les discussions en cours sur les « parcours professionnels » engagées par la ministre LEBRANCHU entendent faciliter les mobilités entre la fonction publique d’État et la fonction publique territoriale avec des cadres communs (mais dans la fonction publique territoriale aussi on supprime en nombre significatif des emplois).
Le tout dans le mépris total des représentants des syndicats. A l’heure où les CTSD se réunissent parfois en commun entre régions fusionnées, parfois de manière informelle, où les organigrammes des nouvelles régions sont élaborés, les discours se veulent rassurants, Mais d’ores et déjà dans les régions concernées ce sont des dizaines de suppressions de postes qui sont concernées. ! Les DIRECCTE tentent de tempérer les choses avec les projets qu’ils sont chargés de rendre avant mi-juin, mais concrètement tout va s’arbitrer dans les directions des préfectures, chez le Premier Ministre sans consultation réelle des agents et de leurs organisations syndicales.
C’est pourquoi la CGT revendique :
- que toutes les informations soient données aux agents sur les négociations en cours entre les régions fusionnées et sur les projets de réorganisation des DIRECCTE ;
- l’abandon des projets de réformes territoriales, le retrait du projet de loi NOTRe qui, en confiant la formation et partiellement l’emploi aux régions va accentuer la pression du patronat pour que soient satisfaits ses besoins immédiats de main d’œuvre au plus bas coût pour leur profit (et celui des actionnaires via les dividendes) ;
- l’arrêt de l’abandon des missions et compétences de l’État qui sont les seuls moyens pour garantir une équité territoriale nationale ; non à la décentralisation !
- le maintien de tous les services, de tous les agents et de tous les postes dans les implantations actuelles. Zéro suppression de postes ! Aucune fin de contrat pour les agents non titulaires ! Aucune délocalisation ! Aucune suppression des implantations locales (UT, sites détachés). Aucune mutation ou déménagement forcés !
- l’arrêt des restructurations incessantes des Pôle 3 E qui génèrent des conditions de travail totalement dégradées pour les agents ;
- la titularisation des contractuels, nombreux dans les services de l’emploi et de la formation professionnelle ;
- le respect des droits des agents issus du statut général de la fonction publique d’État et des statuts particuliers.
Paris, le 17 juin 2015