Alors que notre bon Ministère se félicite de son « label diversité » (qui n’aurait en premier lieu jamais dû lui être décerné, mais nous y reviendrons une autre fois…), force est de constater que derrière le slogan « choc », la politique en matière de prévention et de lutte contre les agissements sexistes, c’est faites ce que je dis, pas ce que je fais !
Indice significatif : l’absence de sensibilisation et de réelle formation de notre encadrement sur ce sujet. Alors que dorénavant le code du travail et le statut de la fonction publique, dans son article 6 bis, condamnent les agissements sexistes (sans toutefois prévoir une sanction pénale pour les réprimer…), notre administration reste à la traîne. Les réunions foisonnantes et autres heures de formation dispensées à nos hiérarques n’incluent définitivement pas la question de la prévention des violences sexistes au travail.
Comme nous sommes féru.e.s de pédagogie et que rien n’est plus parlant qu’une démonstration par l’exemple, nous présenterons pour illustrer ce constat un modèle récent et exceptionnel de doigté managérial en la matière.
Quelque part dans une Unité Départementale d’Ile-de-France… des agent.e.s ont subi les récurrents et déplacés « traits d’humour » à connotation sexiste et parfois sexuelle adressés par un de leurs collègues. Quelques exemples parmi d’autres : « ce n’est pas trop compliqué de faire des contrôles pour une jeune femme ? », « le soir en rentrant, je bats ma femme » ; à un usager : « regardez notre jeune inspectrice comme elle est belle et bronzée »; « tu as du caractère comme femme, j’aime ça, cela me change de ma femme », « tu n’as pas peur de rester toute seule le soir au bureau avec moi ? », etc.
Ce comportement a immanquablement impacté les conditions de travail de l’ensemble du service, majoritairement composé de femmes. Estimant que cela relevait de la responsabilité de l’encadrement, des collègues ont abordé le sujet en réunion de service. La réaction hiérarchique a tout d’abord consisté à traiter la question par le biais d’une « médiation collective », organisée avec tout le service, au cours de laquelle l’agent mis en cause, qui n’a à aucun moment contesté les propos, a été invité à exercer son « droit de réponse ». Résultat de cette confrontation publique : les agentes ayant relaté ces agissements se sont vues invectivées et directement menacées de poursuites pénales pour dénonciation calomnieuse et harcèlement moral par le mis en cause !
Les collègues ont ensuite interpellé par écrit leur direction départementale fin novembre 2016, interpellation sans accusé réception ni réponse quelconque à ce jour – si on excepte celle du directeur du travail de l’UD selon lequel il s’agirait d’un usage de la « liberté d’expression », à l’égard de laquelle il serait impuissant… La direction de l’UD, interpellée à ce sujet par
les OS en réunion de CHSCT, s’est contentée de rétorquer avec aplomb qu’elle n’avait pas vu grand monde à la « pièce de théâtre diversité-égalité » jouée à l’UD à l’intention des agents… Dans ces cas-là, le hiérarque est grégaire : ne jamais désavouer un autre encadrant et toujours minimiser les faits. Le message renvoyé est clairement : après tout, le sexisme au travail, c’est d’abord un conflit de personnes alimenté par des bonnes femmes qui ne comprennent pas l’humour !
Cet exemple n’est qu’un cas de figure parmi d’autres. Mais il est frappant en ce qu’il illustre la banalisation des agissements sexistes dont sont victimes les femmes sur leur lieu de travail, et l’incapacité de notre hiérarchie à réagir de manière appropriée… Quand, dans le même temps, on nous demande de traiter de tels faits lorsque nous en sommes saisi-es dans le cadre de nos missions ! Cette posture conduit à minimiser la gravité de ce type d’agissements ; pire, elle le légitime en renvoyant au collectif de travail l’image d’un assentiment muet, tout du moins d’une tolérance, de la direction face à ceux-ci. La hiérarchie est plus prompte à réagir face aux « abus de liberté d’expression » lorsqu’il s’agit de propos adressés aux employeurs ou tenus en interne, jugés trop « politiques ». Par ce contre-exemple, la hiérarchie participe aussi à culpabiliser les victimes et témoins, les renvoyant au silence…
Les femmes ne doivent en aucun cas avoir à subir ou à taire des agissements sexistes sur leur lieu de travail ! Afin de pallier les carences de notre hiérarchie, nous revendiquons donc :
- l’application immédiate dans nos services :de la circulaire du 22 décembre 2016 concernant la lutte contre les agissements sexistes, découlant du protocole d’accord de 2013 relatif à l’égalité professionnelle femmes-hommes dans la fonction publique ;
- dans une démarche d’exemplarité, de s’approprier certaines préconisations de l’accord national interprofessionnel du 26 mars 2010 sur le harcèlement et la violence au travail applicables au secteur privé ;
- élaborer une charte de référence annexée au règlement intérieur, qui précise les procédures à suivre si un cas de sexisme ou de harcèlement survient, incluant une enquête, traitée sans retard en cas de plainte ainsi que des sanctions si les agissements sont établis ;
- mettre en place une meilleure sensibilisation et une formation adéquate des responsables
hiérarchiques (obligation faite par la circulaire à notre administration) et des travailleurs ; - la garantie pour les victimes de bénéficier du soutien de leur hiérarchie et, si nécessaire, de leur maintien dans l’emploi ainsi que, en premier lieu, de la protection de leur plainte ou témoignage ;
- l’effectivité de la protection fonctionnelle dans les cas de harcèlement sexuel ;
- la définition d’une politique de prévention à soumettre au CHSCT-M ;
- la condamnation claire et publique par la hiérarchie, y compris locale, de tous les comportements sexistes ;
- plus généralement, l’affirmation sans concession que le sexisme est une violence faite aux femmes qui ne sera aucunement toléré dans les services.
Nous ne sommes pas dupes des plans com’ insignifiants et superficiels destinés à masquer l’inanité des mesures de lutte contre le sexisme et les violences faites aux femmes au travail dans notre Ministère.