Rencontre avec la nouvelle Ministre le 21 octobre

Déclaration intersyndicale CGT SNUTEFE SUD

Madame La Ministre,
Contrairement à Mme Vautrin, vous acceptez de nous rencontrer ; nous le notons, malgré l’horaire choisi qui nous semble incongru et de nature à limiter notre temps d’échanges. Le reste de nos propos introductifs sera globalement très négatif, à l’image du contexte politique actuel et des premières annonces politiques du gouvernement auquel vous appartenez.
Plantons tout d’abord le décor : il nous semble primordial de rappeler que les valeurs de nos organisations syndicales, viscéralement antifascistes, se situent à l’opposé des idées portées par l’extrême droite. Nous condamnons fermement toute alliance, toute entente, de quelque nature que ce soit avec le Rassemblement national dont le programme et les idées sont profondément réactionnaires,
racistes, sexistes, homophobes et transphobes. S’agissant des travailleur.ses sans-papiers, nous réaffirmons notre revendication de régularisation de tou.tes, sans condition et notre opposition à toute loi qui viendrait encore durcir les conditions de séjour et de travail des travailleur.ses étranger.ères.
Nous considérons qu’E. Macron et ses gouvernements successifs portent une lourde responsabilité face à la montée de l’extrême droite. Il est urgent de rompre radicalement avec les politiques racistes et liberticides menées sans interruption. Il est tout aussi urgent de mettre un coup d’arrêt au programme de casse sociale mis en œuvre sans relâche. Il convient donc de revaloriser les salaires et les pensions, d’abroger la contre-réforme des retraites pour un retour à la retraite à 60 ans, à taux plein pour tou.tes et de développer les services publics.
Or le gouvernement auquel vous appartenez est manifestement déterminé à aller dans la direction opposée. Les annonces faites à ce stade nous scandalisent : des mesures sociales dérisoires, de pur affichage, mais des suppressions de postes dans les services publics par milliers et une nouvelle loi « immigration », sans aucun doute encore pire que la précédente. Alors que 60 milliards de baisse des dépenses publiques sont annoncées, le budget militaire, déjà conséquent, augmente encore de près de 3 milliards ! Après l’Education nationale, le Ministère du Travail et de l’Emploi est le plus durement touché ! La jeunesse et les travailleur.ses doivent-ils vraiment être les cibles privilégiées de l’austérité budgétaire décrétée par le gouvernement Barnier ?
« Deux morts par jour, ce n’est pas une fatalité. Il y a un ressaisissement collectif à avoir. » Ce sont vos propres mots, Madame La Ministre, repris par le journal Le Monde du 15 octobre 2024. Comment ce ressaisissement serait-il possible sans une rupture radicale avec la politique menée ces dernières années qui a mis à mal tous les services en charge de la prévention, qui a supprimé les CHSCT, qui n’a porté aucune avancée sur le terrain des conditions de travail, y compris sur des sujets évidents comme celui la prévention des risques liés à l’exposition des travailleur.ses à des températures extrêmes ? Les occasions de faire n’ont pourtant pas manqué ! Les preuves du laxisme face à la délinquance patronale sont légion ! Alors oui, il y a urgence à agir, mais certainement pas selon la méthode annoncée par M. Barnier.
Au Ministère du Travail et de l’Emploi, après les lourdes pertes subies, la « stabilité » promise par vos prédécesseurs ne nous semblait plus pouvoir être remise en cause, mais les annonces sont passées du gel des recrutements (note de la SG du 15 juillet 2024) à de vastes plans de suppressions de postes, à l’image de l’organigramme « cible » pour 2025 de l’UD 75 de la DRIEETS IDF prévoyant la suppression d’une quarantaine de postes. Nous ne sommes évidemment pas dupes, même si vous tentez de dissimuler vos méfaits, en fusionnant les programmes budgétaires. Les chiffres sont limpides : le Ministère du Travail et de l’Emploi a perdu 15% de ses effectifs sur la période 2015 – 2021, baisse qui a été en totalité supportée par les services déconcentrés (cf. rapport de la cour des comptes du 28/02/2024) et alors que les services sont exsangues, au bord de la rupture, vous décidez de continuer le sabordage.
On en revient à votre volonté affichée, certes louable, de lutter contre le fléau des accidents du travail, mais avec quels moyens ? avec quels effectifs ? 2400 agent.es de contrôle étaient sur le terrain en 2014, il.elle.s sont moins de 1700 en 2024 ; la chute des effectifs des agent.es d’assistance et des agent.es en charge des renseignements juridiques en droit du travail, point d’entrée essentiel de nos services, est plus vertigineuse encore.
Et au sempiternel problème des effectifs, s’ajoute la désorganisation générale des services suite à la détestable réforme OTE, notamment la dichotomie effectuée entre les niveaux nationaux, régionaux et départementaux : plus personne ne sait qui fait quoi et où trouver le service dont il a besoin. C’est une horreur absolue ; une catastrophe que nous avions annoncée ! Et au niveau des instances représentatives du personnel, tout est fait pour que cela dysfonctionne encore un peu plus qu’avant. La mise sous tutelle des services départementaux par les SGC et donc les préfets, conjuguée aux nombreuses restrictions budgétaires, particulièrement drastiques, jusqu’à l’interdiction des formations en présentiel, des limites aux frais de déplacement, incompatibles avec l’exercice… Nous risquons la paralysie ! En Guyane, par exemple, les collègues ne peuvent plus se rendre sur tout le territoire, faute d’un budget alloué suffisant. Il faudrait donc travailler non seulement en situation de sous-effectif, mais encore composer avec une pénurie de moyens qui se généralise ! Trop, c’est trop !
Dans le cadre de cette première rencontre, nous souhaitons également revenir sur les faits particulièrement graves du début de l’année 2024 qui n’ont toujours pas donné lieu, selon nous, aux réactions politiques appropriées et ce, alors même que les difficultés pour procéder à des contrôles persistent, notamment dans le secteur agricole. Un sanglier pendu et éventré devant nos locaux à
Agen, des déchets amiantés volontairement déposés devant nos bureaux, des appels à la « grève administrative » portés par des organisations patronales, des lignes rouges tracées devant certaines exploitations, des insultes et des menaces sur les réseaux sociaux,… Que vous faut-il de plus pour agir ? Les annonces insistantes autour du « contrôle unique », sans distinction et sans prise en compte des spécificités de nos missions qui exigent souvent immédiateté et des contrôles en principe inopinés, nous ont clairement mis en difficulté. Nous attendons que vous vous engagiez fermement sur ce point aujourd’hui. De notre côté, 20 ans après l’assassinat de deux de nos collègues par un exploitant agricole à Saussignac, nous refusons catégoriquement qu’un tel drame puisse survenir à nouveau ! Plusieurs centaines de collègues se sont rassemblés, partout en France le 02 septembre et à Paris le 10 septembre, pour rappeler cette exigence.
Effectifs en baisse, conditions de travail dégradées, pressions indues : il est urgent que ça change. Nous voulons un Ministère du travail et de l’Emploi accessible, un Ministère répondant aux demandes et besoins des salarié.es avec ou sans statut, avec emploi ou sans emploi voire très éloigné.es de l’emploi, avec ou sans papiers, des besoins qui seraient définis par les premier.es concerné.es et leurs organisations syndicales et par les agent.es de terrain, un Ministère où les garanties d’indépendance seraient réellement respectées et nos prérogatives renforcées.
Outre nos revendications générales rappelées en introduction, s’agissant de l’augmentation des salaires, passant par une augmentation du point d’indice et non par un saupoudrage injuste des primes et l’abrogation de la contre-réforme des retraites, nos revendications prioritaires s’agissant de nos services sont les suivantes :
 Un plan de recrutement massif pour renforcer tous les services, à commencer par le recrutement immédiat à hauteur de tous les
postes vacants ; titularisation des agent.es contractuel.les ;
 Des effectifs renforcés pour l’inspection du travail : 5000 agent.es de contrôle, tout de suite et un.e assistant.e pour trois agent.es ;
 Des moyens matériels suffisants pour assurer nos missions ; des bureaux individuels pour recevoir les usager.ère.s, en toute
confidentialité ; des conditions d’accueil dignes ;
 La condamnation publique par le.a Ministre du Travail des agressions contre les agents de contrôle et la réaffirmation de la légitimité de nos missions ; l’engagement immédiat et systématique de poursuites, en cas d’obstacle, agression et outrage visant un.e agent.e de nos services dans l’exercice de ses missions de service public, avec mise en œuvre des moyens nécessaires visant à obtenir des condamnations significatives ;
 Pour une vraie politique pénale du travail et la fin de l’impunité patronale ; rétablissement de l’observatoire des suites pénales ;
 Une énorme partie du budget de notre ministère est dilapidée vers des aides à l’emploi sans contrepartie, ni contrôle : nous demandons la mise en place d’une réelle conditionnalité des aides versées ;
 Arrêt du management par objectifs (individuels et collectifs) ;
 Abrogation des lois de contre-réforme du code du travail, rétablissement intégral et constitutionnalisation du principe de faveur, suppression des dérogations favorables aux patrons, arrêt des attaques contre le code du travail ;
 Développement des services de renseignements gratuits et de proximité en lien avec les agent/es et les sections d’inspection du travail, augmentation des plages d’accueil du public, avec ou sans rendez-vous ;
 Régularisation sans condition pour tou.tes les travailleur.ses sans-papiers.
Enfin, votre prédécesseure, au moment de partir, a signé les décisions refusant la titularisation de quatre inspecteur.trices du travail stagiaires : deux prolongations de formation, un licenciement et une réintégration dans son service d’origine à un grade inférieur.
Nous n’avons cessé depuis le début de l’été de dénoncer le sort réservé à ces quatre collègues, tant sur la forme que sur le fond !
Nous vous remettons aujourd’hui les recours gracieux formés par les deux collègues non titularisé.es et nous réitérons notre demande d’être entendus pour évoquer ces dossiers. Il est encore temps de faire machine arrière : nous avons de nombreux arguments à vous présenter pour défendre ces dossiers, qui n’ont jusque-là pas été entendus par l’administration. Il en va de la santé mentale des collègues concerné.es et de la crédibilité de notre administration ; dans des services exsangues, tels que nous les avons décrits, l’arrivée de ces collègues motivé.es et compétent.es reste très attendue.

Rencontre_Ministre_2024_10_21_Vdéf