Priorités 2019 de l’inspection du travail : une vaste escroquerie

Par voie de presse le 11 avril 2019, le ministère du travail annonce qu’il renforce le pilotage de l’inspection du travail en lui assignant pour 2019 un objectif de 300000 interventions déclinées en six « priorités ».

Cette communication qui vise à donner l’illusion que l’inspection du travail dispose des moyens d’agir et qu’elle va pouvoir faire davantage que l’année passée est une escroquerie : car dans le même temps le ministère du travail supprime des postes en masse dans nos services.

De 2210 sections d’inspection du travail début 2017 (soit 1 agent·e pour 8400 salarié·es), ce chiffre est ainsi passé à 2112 début 2019 et va tomber à 2000 à peine d’ici trois ans puisque la ministre a annoncé un ratio un·e agent·e de contrôle pour 10000 salarié·es en 2022.

La CGT-TEFP dénonce la logique d’intervention rêvée par le ministère du travail qui consiste à produire des statistiques et de l’affichage par l’assignation d’objectifs prédéterminés et chiffrés, jugés plus importants que le rétablissement des droits des salarié·es et leur protection, mises à mal par ce même ministère au travers des réformes successives du code du travail.

Car tel est l’enjeu : faire produire du chiffre au mépris des réalités du terrain – au besoin en les truquant (une intervention comptera pour un bâton, qu’il y ait ou non infraction ou non, quelle que soit sa nature, sa complexité et le temps passé à la constater) ; inciter les agents·es à se concentrer sur des infractions formelles sur des points précis du droit du travail ; les contraindre à abandonner – faute de temps – des pans entiers du code du travail non ciblés mais tout aussi importants (durée du travail, salaires, discriminations…) ainsi que le traitement des plaintes émanant des salarié·es et des représentant·es du personnel.

De même,  l’accès au droit dans les services de renseignements gratuits n’est pas « facilité » comme le prétend le ministère : il est tout simplement réduit au strict minimum sous couvert d’une « modernisation numérique » qui ne fera qu’accentuer les inégalités d’accès et les difficultés à joindre l’inspection du travail (prise de rendez-vous obligatoire pour diminuer le flux, plate-forme téléphonique nationale pour basculer des demandeurs d’un département à un autre lorsqu’un service n’est plus en état de répondre, code du travail numérique pour remplacer les agent·es par une réponse automatisée…).

Le gouvernement poursuit donc un double objectif : à la fois réduction des moyens et reprise en main de l’inspection du travail, pour qu’elle passe d’un outil mobilisable par les travailleurs·euses dans leurs combats pour leurs droits à une force d’intervention sur les sujets jugés politiquement sensibles par le gouvernement (détachement transnational à l’approche des élections européennes…), voire à un outil de régulation de la concurrence entre les entreprises.

Cette tentative de couper l’inspection du travail des salarié·es est très majoritairement rejetée par nos collègues, dans un contexte pourtant de plus en plus difficile où notre administration menace ouvertement les agent·es qui refusent ces évolutions et où les syndicats alertent sur le durcissement des conditions de travail, se traduisant par de multiples suicides et tentatives de suicides des derniers mois (14 à notre connaissance depuis juin 2017) – un taux particulièrement élevé qui ne fait pourtant pas réagir le ministère qui ne produit aucune politique de prévention. Nous n’oublions que c’est suite à la mobilisation pour la reconnaissance en accident du travail des suicides de nos collègues Luc et Romain en 2011 que le ministère avait suspendu ses objectifs chiffrés…

Pour notre syndicat, deux conceptions de nos services s’affrontent. Elles sont inconciliables. Les collègues ont raison de se mobiliser et de continuer à défendre, dans leur pratique quotidienne, une inspection du travail au service de la protection des travailleurs·euses et de la promotion de leurs droits individuels et collectifs. C’est aussi pour dire cela que notre syndicat appelle à la grève le 9 mai prochain et appelle à manifester les samedis aux côtés des gilets jaunes ainsi que et le 1er mai.