Mutations, promotions, devenir des CAP : Le bilan (catastrophique) de la loi de « transformation » de la fonction publique

Entrée en vigueur en 2019, la loi dite de « transformation » de la fonction publique a progressivement vidé de leur substance les commissions administratives paritaires. Elles n’ont plus aucun droit de regard sur les mutations depuis 2020 et ne sont plus consultées sur les tableaux d’avancement depuis l’année dernière. En lieu et place, des « lignes directrices de gestion » (LDG) ont été édictées par la DRH, qui n’offrent aucune garantie aux agent.es.

En matière de mutations, les LDG ont remplacé la diffusion régulière des avis de vacances de postes par leur publication sur le site Place de l’Emploi Public (PEP). Première difficulté quand on souhaite muter : trouver les postes auxquels on peut prétendre malgré leur classement erratique. Les alertes ne fonctionnent pas, les postes restent introuvables, notamment ceux d’inspecteur.trice ou contrôleur.e du travail en raison d’un moteur de recherche défaillant et mal paramétré. C’est inacceptable et source de rupture d’égalité pour les agent.es qui n’auraient pas la chance d’avoir une information en région sur des postes vacants par leur service R, ou qui ne pourraient faire jouer leur réseau !

Les LDG ont surtout institué le choix des candidat.es par les « recruteur.ses locaux » en lieu et place de la DRH nationale, avec un processus calqué sur le privé : CV, lettre de motivation, entretien… L’exercice est souvent ridicule : quelle est la « motivation » d’un.e agent.e de contrôle qui souhaite exercer les mêmes fonctions dans un autre département, sinon celle de… changer de département ? Dans les faits la bienveillance des « recruteur.ses » dépend beaucoup de la situation des effectifs dans leur direction : si les besoins sont criants, c’est tapis rouge. Si au contraire les candidatures sont nombreuses et les postes vacants rares, alors les vexations fleurissent : collègues qui ne reçoivent aucune réponse, entretiens qui tournent à l’interrogatoire ou à l’oral de sortie de l’INTEFP, agent.es débouté.es au motif que l’entretien aurait été « insuffisamment préparé » etc. Et tout cela bien sûr sans critère objectif pour départager les candidat.es.

En effet, en théorie, les motifs prioritaires prévus par le statut général continuent de s’appliquer (rapprochement de conjoint notamment). Mais en pratique personne ne contrôle les choix des recruteur.ses et ne s’assure de leur légalité. Dès lors la porte est grande ouverte au non-respect des textes et aux discriminations de toutes sortes. Et il ne s’agit pas simplement d’hypothèses. Une DIRECCTE, interrogée par la cellule d’écoute et d’alerte sur les discriminations, a ainsi indiqué par écrit à cet organisme qu’elle avait fait passer les mentions sur le compte rendu d’entretien professionnel avant le rapprochement de conjoint ! Les LDG prévoient certes une possibilité de recours, mais comment l’exercer quand ni l’intéressé.e, ni les représentant.es du personnel, ne disposent d’informations sur les situations respectives des différent.es candidat.es ?

Last but not least, les CAP bi ou tri-annuelle permettaient d’acter les mutations à une date précise pour les agent.es. A défaut d’accord entre la direction de départ et celle d’arrivée, le mouvement avait lieu dans les deux mois suivant la tenue de la CAP. Désormais, la mutation, censée intervenir dans les trois mois à compter de l’accord du service recruteur, n’est acquise qu’à la publication de l’arrêté, qui intervient souvent dans les faits après la prise de poste. L’année dernière, plusieurs collègues à qui les directions d’accueil avaient signifié qu’iels étaient retenu.es ont vu leur mutation bloquée du fait de la notification entre temps des plafonds d’emplois, qui plaçaient leur future région en pseudo-sureffectif !

Concernant les promotions, le bilan n’est pas meilleur. Le système antérieur, où  les listes d’aptitudes étaient soumises à la consultation des CAP des corps concernés, comportait déjà son lot d’arbitraire et de discriminations. Mais désormais les représentant.es du personnel n’ont plus accès aux propositions remontées par les responsables de services à la DRH : cela permettait de renseigner les collègues quant à leur proposition ou non par la direction, de s’assurer d’une certaine cohérence d’une année sur l’autre et de vérifier qu’un dossier n’était pas opportunément écarté par la DRH. Iels prennent connaissance des tableaux d’avancement tout ficelés quinze jours avant leur publication seulement. Lesquels tableaux ne laissent plus aucune place à des propositions des organisations syndicales, alors que nous parvenions auparavant parfois à « faire passer » le dossier d’un.e collègue oublié.e par l’administration malgré une ancienneté très importante.

En matière d’examen des questions d’ordre individuel (refus de titularisation, recours sur évaluation professionnelle, refus de télétravail ou de congé formation etc.), les CAP ont conservé leur compétence. Néanmoins, les droits des agent.es risquent là encore de connaître une régression vertigineuse. En effet, la loi de 2019 prévoit, à l’occasion des élections des représentant.es du personnel de 2022, la constitution de CAP par catégorie et non plus par corps. La DRH a visiblement choisi de l’appliquer avec zèle. Elle a présenté aux organisations syndicales un projet prévoyant une CAP unique pour les 13 corps de catégorie A que comptent les ministères sociaux, une CAP unique pour les 6 corps de catégorie B, et une CAP unique pour les 3 corps de catégorie C.  Ainsi la même instance traiterait  aussi bien du corps de l’inspection du travail que des professeur.es de l’institut national des jeunes aveugles, des infirmier.es de l’Etat, des ingénieur.es du génie sanitaire, en passant par les attaché.es. Un vrai délire, tant les missions, leurs conditions concrètes d’exercice et les dispositions réglementaires qui les régissent, peuvent différer d’un corps à l’autre. Et l’administration prévoit en tout et pour tout huit représentant.es titulaires et huit suppléant.es, contre plusieurs dizaines dans la situation actuelle. Un.e agent.e qui introduirait l’année prochaine un recours contre son évaluation professionnelle ne serait plus assuré qu’un.e représentant.e appartenant au même corps siège dans la CAP qui aura à l’examiner.

Aux termes de la loi de 2019, notre ministère a pourtant la possibilité de maintenir plusieurs CAP au sein d’une même catégorie afin de tenir compte des spécificités et sujétions de certaines professions. L’ensemble des organisations syndicales ont bien évidemment réclamé que la DRH fasse usage de cette faculté prévue par la loi. Elle a simplement répondu qu’elle ferait part de cette position auprès du ministère de la fonction publique. Affaire à suivre donc…

La CGT TEFP continue de revendiquer l’abrogation de la loi de 2019, le rétablissement des prérogatives des CAP en matière d’examen des mutations et des tableaux d’avancements. Nous  vous invitons, quoi qu’il en soit, si vous êtes confronté.es à des difficultés en matière de mobilité, « oublié.es » de l’administration dans votre déroulement de carrière ou si vous souhaitez exercer votre droit à recours face à une décision individuelle injuste, à saisir nos militant.es et représentant.es dans les instances afin qu’elles et ils puissent vous accompagner dans les démarches visant à faire respecter vos droits.

mutation-promo-CAP 02.2022