Euro 2016 : zone de non-droit pour les travailleurs ?

Pour l’Euro 2016, le gouvernement, et en particulier le ministère du travail et de l’emploi, se soumettent aux caprices et exigences de l’UEFA. Le tapis rouge est avancé !

La SAS UEFA 2016, société à but très lucratif créée pour l’occasion, a ainsi obtenu l’exonération fiscale sur les retombées attendues, estimées à près de 2 milliards d’euros (droits télévision, billetterie, merchandising), soit pas loin de 114 000 SMIC bruts annuels. Seule la TVA (payée par les consommateurs) sera récupérée.

L’UEFA n’aura pourtant pas déboursé un centime pour la rénovation ou la construction des stades, des parkings, des routes… payés par les collectivités locales, la plupart du temps au moyen du partenariat public/privé permettant aux multinationales du BTP de s’en mettre plein les poches au passage.

La SAS UEFA aura même une compétence déléguée pour les stades, les camps de bases ainsi que les hôtels des équipes, assumant ainsi une « mission de service public » !

Quant au ministère du travail et de l’emploi, il déploie des trésors d’imagination pour éviter de trop laisser entrer le code du travail dans les stades ou les fan-zones, quitte à s’asseoir sur la convention 81 de l’OIT, « par exception aux règles habituelles » comme le dit la DGT – au nom de l’état d’urgence et de la « mission de  service public » que rendraient les organisateurs de l’Euro :

  • accès aux stades rendu particulièrement difficile : il faut disposer d’une accréditation valable uniquement le temps du contrôle (et qui doit être restituée après), présenter sa carte professionnelle et une pièce d’identité et en laisser une photocopie, et figurer sur la liste communiquée par la DIRECCTE ;
  • pour l’accès au fan-zones, par décision de l’organisation de l’euro 2016, en lien avec les autorités publiques compétentes (Préfet, Maire), il peut être instauré ces mêmes modalités d’accréditation, comme place Bellecour à Lyon, où c’est même une entreprise prestataire qui est chargée de délivrer les badges d’accréditation ;
  • vade-mecum de contrôle recommandant d’établir des contacts préalables avec les organisateurs (autrement dit d’informer du contrôle avant) et de ne pas contrôler pendant les matches ;
  • instruction DGT demandant aux services de l’Etat d’ « examiner avec attention, en prenant en compte la nature de la compétition en cause, tout en appréciant la portée de l’afflux de public engendré par le déroulement d’un ou plusieurs matchs »les demandes de dérogation au repos dominical des salariés des entreprises intervenant dans les zones hors stade – et donc de généraliser le travail du dimanche ;
  • contacts pris entre la DGT et l’UEFA pour que le droit du travail suisse s’applique en matière de compensation aux dépassements de la durée du travail ;
  • des instructions ont été données par le ministère de l’intéreur pour des dispenses d’autorisation de travail pour les ressortissants étrangers accrédités ou désignés par l’UEFA (joueurs, officiels, représentants des sponsors, journalistes, personnes impliquées dans le déroulement de l’euro) et même pour la délivrance d’une carte de séjour temporaire pour les personnes qui séjourneraient plus de 6 mois en France… le SNTEFP-CGT réclame l’élargissement de ce dispositif à l’ensemble des travailleurs sans-papier et des migrants !!
  • création d’une association de « volontaires » bénévoles (domiciliée au siège de la fédération française de football !) pour effectuer certaines tâches (17 domaines d’intervention et des obligations d’être présents les jours de match ou pour des formations), permettant ainsi d’éviter à l’UEFA de recourir à des salariés, et échanges de lettres entre cette association et la DGT qui fait une interprétation bien large des fonctions pouvant être confiées à ces bénévoles – le tout sans prévenir les agents de contrôle de l’association !

Pour compléter le tableau : des équipes seront constituées contre les auteurs de « marketing parasitaire » (produits contrefaits type écharpes ou t-shirts ; revendeurs de billets ; vendeurs ambulants de nourriture et boisson), constituées de salariés de l’UEFA, accompagnés de « volontaires » ; l’UEFA demandant à la DGCCRF de « patrouiller ensemble » !!!

L’Euro 2016, c’est un peu comme si la loi El Khomri s’appliquait avant l’heure : un droit du travail à la carte, avec des règles au rabais, négociable par tractations avec la DGT, et avec des risques de contrôle et de sanctions très amoindries. Raison de plus pour se batte pour son retrait, surtout pendant l’Euro !

Nous refusons que les services de l’Etat, dont l’inspection du travail, soient instrumentalisés au profit des entreprises, quelles qu’elles soient, y compris de l’UEFA

Paris le 6 juin 2016