Depuis le mois de mars, les travailleurs et les jeunes, avec leurs organisations, et notamment la CGT, sont unis sur l’exigence du retrait de la loi travail. Alors que son projet est minoritaire dans la population comme sur les bancs de l’Assemblée, le gouvernement est passé en force une seconde fois le 5 juillet en ayant à nouveau recours à l’article 49-3 de la Constitution.
Le texte adopté grâce à cette « brutalité », à ce « déni de démocratie », pour reprendre les termes employés par Hollande en 2006, n’est pas plus équilibré que les versions précédentes contrairement à ce que le gouvernement voudrait nous faire croire. Les amendements annoncés fin juin par la Ministre du Travail et intégrés à l’article 13 dans le texte imposé via le recours au 49-3 n’ont pas changé la nature de la loi.
Le principe de faveur toujours menacé
L’article 2 inverse la hiérarchie des normes et attaque le principe de faveur. Selon ce principe un accord de branche ne peut qu’améliorer le Code du travail, qu’un accord d’entreprise ne peut qu’améliorer l’accord de branche. Il ne peut, en aucun cas, y avoir un accord d’entreprise inférieur à l’accord de branche. Or la loi « travail » établit la primauté de l’accord d’entreprise qui devient «le principe du droit commun», alors qu’il s’agit du niveau où le rapport de force est le plus favorable aux patrons.
La ministre du travail avait annoncé dans un entretien au monde du jeudi 30 juin avoir déposé de nouveaux amendements dans les cas « où la loi ne prévoit pas la primauté de l’accord d’entreprise » autorisant « qu’au sein de chaque branche, employeurs et syndicats négocient pour définir les thèmes sur lesquels un accord d’entreprise ne pourra pas déroger à l’accord de branche ». Ces amendements visent à faire croire que les conventions collectives pourront continuer à primer sur les accords d’entreprise. Mais en réalité le maintien du principe de faveur sera dépendant du bon vouloir du patronat puisque tout devra passer par un accord.
Et d’ailleurs El Khomri a tout de suite précisé que ces amendements ne « modifie(nt) en rien l’importance que nous souhaitons donner à l’accord d’entreprise»[1]. Notamment en ce qui concerne l’aménagement du temps de travail et la rémunération des heures supplémentaires, sujets vitaux pour les salariés, la branche ne pourra plus empêcher les entreprises de conclure un accord moins favorable.
En outre, elle souhaite « ajouter dans la loi deux domaines où l’entreprise ne pourra pas faire moins bien que la branche, à savoir l’égalité professionnelle et la pénibilité ». Mais, depuis la loi Fillon de 2004, l’accord d’entreprise peut prévoir des dispositions moins favorables aux salariés dans tous les domaines, à condition que la branche ne s’y oppose pas, sauf sur « les salaires minima, les classifications, les garanties collectives et la mutualisation de la formation professionnelle ». Il ne s’agit donc que d’un aménagement de la loi Fillon en ajoutant deux domaines dans lesquels la branche aura la primauté sur l’accord d’entreprise (l’égalité professionnelle et la pénibilité).
Fondamentalement, le principe de faveur est donc toujours bel et bien menacé par cette loi, non seulement dans l’article 2, mais également dans tous les autres articles du chapitre II : congés entre l’articulation de la vie professionnelle et la vie familiale, compte épargne-temps, forfaits annuels en heures et en jours, horaire des personnels roulants et navigants…
L’article 2 illégal
Le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, lors de sa rencontre avec le premier Ministre Valls a annoncé que si le gouvernement s’entêtait à maintenir la loi travail il exposerait la France à une violation des conventions 87 et 98 de l’Organisation Internationale du Travail.
En 2012, le comité de la liberté syndicale de l’OIT a jugé un projet de réforme du gouvernement Grec de l’époque organisant la décentralisation de la négociation collective au niveau des entreprises. Les conclusions du comité soulignait « que la mise en place de procédures favorisant systématiquement la négociation décentralisée de dispositions dérogatoires dans un sens moins favorable que les dispositions de niveau supérieur peut conduire à déstabiliser globalement les mécanismes de négociations collectives ainsi que les organisations d’employeurs et de travailleurs et constitue en ce sens un affaiblissement de la liberté syndicale et de la négociation collective à l’encontre des principes des conventions 87 et 98 ».
Comme le contrat nouvel embauche avant elle, la loi travail est contraire aux conventions internationales du travail !
Et le reste de la loi ?
Tout le reste de la loi est par ailleurs maintenu :
- la mise en place du «compte personnel d’activité» qui substitue des droits attachés à la personne au droit collectif (titre III)
- les restructurations des branches professionnelles (article 14)
- les « accords d’emplois offensifs » permettant de licencier individuellement pour motif spécifique sans droit au reclassement les salariés qui refuseraient de se voir appliquer l’accord, au nom de « la compétitivité » (article 11)
- la possibilité de faire valider des accords par référendum en ignorant les organisations syndicales, la suppression des avantages individuels acquis (article 8)
- le titre IV dans lequel les licenciements économiques sont définis de manière «différente selon la taille de l’entreprise», le titre V qui disloque la médecine du travail…
- et enfin le chapitre I qui prévoit ni plus ni moins que la réécriture totale du Code du travail sur les ruines de l’actuel Code du travail.
La loi El Khomri reste une machine à détruire tous les droits collectifs des travailleurs. Elle n’est ni négociable, ni amendable : c’est pourquoi le SNTEFP CGT se prononce toujours pour le retrait total de la loi travail.
Si elle venait à être adoptée grâce aux mécanismes antidémocratiques de la Vème République, nous militerons pour son abrogation. Le gouvernement se trompe s’il pense que les vacances d’été suffiront à faire retomber la colère des salariés.
Dès à présent, préparons la grève interprofessionnelle à la rentrée !
Paris, le 7 juillet 2016
[1] http://www.lesechos.fr/economie-france/social/0211078674425-myriam-el-khomri-annonce-de-nouveaux-amendements-a-la-loi-travail-2010770.php?ZJM333QZZWf0ZgBc.99