Déclaration préalable des élu.es – CSA Ministériel Travail – Emploi du 21 septembre 2023

Déclaration CGT – FSU – SUD

 

La rentrée 2023 est marquée par l’entrée en vigueur de la réforme des retraites, majoritairement rejetée par la population : E. Macron et le gouvernement d’E. Borne ont utilisé tous les moyens à leur disposition pour passer en force et ont réussi à mener à bien un nouveau pan de leur projet de casse sociale, malgré une mobilisation d’une ampleur historique et l’opposition catégorique de la totalité des organisations syndicales. Ce déni de démocratie et ce passage en force laisseront bien évidemment des traces. Mais nous ne sommes ni résigné.es, ni découragé.es ! Nous appelons nos collègues à participer massivement à la journée européenne de mobilisation prévue le13 octobre prochain et à continuer à se mobiliser pour l’augmentation des salaires, des pensions et des minimas sociaux, contre l’austérité et pour l’égalité femmes – hommes. Nous les appelons également à participer aux manifestations prévues le 23 septembre, contre le racisme et les violences policières.

Ce mois de septembre 2023 est également marqué par plusieurs décès de travailleur.se.s exposé.es à de très fortes chaleurs, dans les vignobles notamment. Nos organisations syndicales ont interpelé le Ministre du Travail que vous représentez aujourd’hui : il ne faut en aucun cas compter sur le « bon sens » des employeurs, ainsi qu’évoqué dans les communications ministérielles ou considérer que les seuls principes généraux de prévention – qui ne sont associés à aucun dispositif répressif – sont suffisants pour préserver la santé et la sécurité des travailleur.se.s. Il y a urgence à revoir la réglementation et le régime de sanctions applicables en cas d’infraction, en commençant par fixer des seuils réglementaires contraignants d’exposition à la chaleur. Il y a urgence à revoir les outils juridiques à la disposition de l’Inspection du travail en ces matières, en commençant par un nouvel arrêt temporaire d’activité qui permettrait aux agent.es de contrôle de soustraire les travailleur.se.s au risque sans préjudice, notamment sans perte de salaire, (sur le modèle de ce qui existe déjà pour d’autres risques à l’article L4731-1 du code du travail) dès lors que le seuil d’exposition à la chaleur fixé réglementairement aura été dépassé. La santé et la sécurité des travailleur.es doivent être garanties en toutes circonstances climatiques.

S’agissant de la situation au sein des services, nous voudrions pouvoir enfin observer ne serait-ce que l’amorce d’une amélioration de la situation. Ce n’est malheureusement pas le cas et nous sommes donc contraint.es de nous répéter, en commençant par vous alerter, pour la nième fois, sur :

  • L’état des effectifs à l’inspection du travail,
  • Les conséquences désastreuses de l’OTE.

Sur le premier point, nous n’avons eu de cesse ces dernières années de dénoncer et d’alerter quant aux réductions d’effectifs qui ont frappé l’inspection du travail, dégradant tant la qualité du service rendu aux usager.es que les conditions de travail des agent.es qui l’exercent.

Tout dernièrement lors d’une des interventions du Ministre devant l’Assemblée nationale, nous apprenions une nouvelle diminution portant les effectifs de contrôle à 1674 agent.es (en équivalent temps plein) pour… plus de 20 millions de salariés !

Nous apprenions également, par un document du 14 juin 2023 de la Direction Générale du Travail, non diffusé aux agent.es dans la plupart des départements, et non présenté aux organisations syndicales représentatives malgré nos demandes répétées, que la catastrophe s’est aggravée. De 376 sections d’inspection vacantes en mars 2022, nous sommes passés à 446 en mars 2023 ! Et au passage, on s’aperçoit que le nombre total de sections a diminué : de 2048 en 2022 à 2018 en 2023. Non content de ne pas pourvoir les postes, le ministère continue d’en supprimer définitivement par dizaines pour tenter de masquer la pénurie d’agent.es. Malgré ces basses manœuvres, le taux de vacance (nombre d’agent.es effectivement présent.es/nombre de postes théorique) a grimpé en flèche, et dépasse 22%. Autrement dit : plus d’un.e travailleur.e sur cinq est dans l’impossibilité de se tourner vers un.e agent.e de contrôle de l’inspection du travail ! Cela représente plus de 4 millions 500 000 salarié.es !

Et quand on regarde les autres postes qui concourent au service public de l’inspection du travail, la situation n’est pas meilleure : moins de 450 agent.es au plan national dans les services de renseignement en droit du travail, tout juste 600 assistant.es de contrôle (70 de moins qu’il y a deux ans), en charge notamment d’accueillir et d’orienter les usager.es.

Si la situation continue d’empirer, c’est parce que le nombre de postes ouverts aux concours, quand bien même il a fortement augmenté, demeure insuffisant pour couvrir les départs en retraite, qui ont augmenté tout aussi fortement.

Sur le second point relatif à l’organisation territoriale de l’Etat, que nos organisations syndicales n’ont eu de cesse de dénoncer, ce sont vos propres missions d’enquête qui concluent à leur échec total. Le 13 septembre 2023, a en effet été présenté en CSA des DDI le rapport de la mission inter-inspections sur l’organisation et le fonctionnement des SGCD.  Sur l’aspect diagnostic, les titres des parties et sous-parties parlent d’eux-mêmes : « Deux ans après sa mise en place, la réforme n’a pas atteint les objectifs qui lui étaient assignés », « L’ampleur des dysfonctionnements rencontrés alimente un retour d’expérience négatif chez l’ensemble des acteurs », « dégradation de la qualité de service », « nombreux dysfonctionnements », « incapacité des SGCD à assurer toutes leurs missions », « épuisement des équipes manifeste »….

On apprend notamment :

  • que le délai moyen de traitement d’une demande assistance informatique est passé de 41,7 heures (2021) à 79,5 heures (2022)
  • que les délais de paiement des SGCD des fournisseurs sont tellement longs que l’Etat leur verse des intérêts moratoires dans 11% des cas.
  • s’agissant des outils informatiques, le rapport pointe : « une méconnaissance du système d’information et des logiciels métier des ex-unités départementales des DIRECCTE qui rendait inadapté le déploiement des postes Noémi pour les agents de ces structures qui rejoignaient les nouvelles DDETS, mettant en risque la continuité des missions du système d’inspection du travail ». Ce n’est pas faute de l’avoir dénoncé à maintes reprises, notamment dans le cadre de cette instance !

Et au final, alors que c’était tout de même l’objectif principal affiché, aucune économie n’a été réalisée, au contraire !! Il est vraiment temps de sortir de l’OTE inefficace pour le service public et qui a considérablement détérioré les conditions de travail des agent.es. Entendez enfin raison !

Les services déconcentrés n’ont toutefois pas le monopole en matière de dégradation des conditions de travail : pour les services centraux qui sont toujours sur le site « Mirabeau », la situation est de plus en plus problématique, avec des variations de température de 17° à 27°, une climatisation qui fonctionne par intermittence, des prestations de restauration d’une qualité qui ne cesse de diminuer… L’administration a manifestement abandonné le navire bien avant qu’il ne coule !

Si vous aviez tenu compte des interventions des organisations syndicales notamment dans les instances, nous n’en serions pas à ce niveau de désastre tant du point de vue des effectifs du ministère que de l’organisation de nos services. Et si nous en sommes là, c’est bien que l’administration considère les instances de représentation du personnel comme des chambres d’enregistrement et les organisations syndicales comme des tracasseries. Sur ce point également, nous ne nous résignons pas et continuons à dénoncer les conditions du « dialogue social » au sein de notre Ministère qui devrait pourtant être exemplaire.

Concernant le fonctionnement du CSA ministériel :

La situation que nous dénonçons depuis plusieurs années ne s’améliore pas dans le cadre de l’actuel CSA ministériel et nous continuons à constater de nombreux dysfonctionnements : absence de réponse aux questions posées alors mêmes qu’elles relèvent des prérogatives des instances, non- respect du champ de compétences des CSA, refus de mettre des points à l’ordre du jour, ou de communiquer des données pourtant prévus réglementairement, absence de transmission ou transmission tardive des documents accompagnant l’ordre du jour. Pire, vous semblez déterminés à franchir un nouveau cap dans la pratique du monologue. Vous avez annoncé de façon incompréhensible aux représentant.es du personnel des CAPs que les suppléant.es ne seraient plus autorisé.es à prendre la parole, alors que cette règle n’a jusqu’alors jamais été appliquée dans notre ministère. L’ensemble des organisations syndicales vous ont interpellé et la réponse évasive adressée à ce stade n’est évidemment pas de nature à nous rassurer.

Le rapport social unique dont l’examen est à l’ordre du jour de cette réunion est également un bon exemple : deux ans de retard et des informations pourtant réglementaires et maintes fois réclamées toujours manquantes (nous les avons détaillées dans le cadre de  notre précédente déclaration préalable, mais c’est bien le même document qui nous est présenté aujourd’hui).

Concernant les demandes et signalements portés à la connaissance de la direction des ressources humaines :

Les alertes et saisines que nos organisations adressent à la DRH ne reçoivent pour la plupart aucune réponse, ni même un accusé réception. Ce silence est la règle y compris pour des alertes concernant des situations de discrimination qui entrent dans le cadre des procédures prévues tant par l’accord du 09 mai 2017 que par l’arrêté du 26 mai 2021 et devraient donner lieu à une enquête. Autre exemple, malgré nos demandes répétées et insistantes, nous n’avons toujours pas de solution satisfaisante pour communiquer avec tou.tes nos collègues, notamment celles et ceux qui ont muté au cours de l’année qui vient de s’écouler. Nous le redisons ici pour celles et ceux qui se plaignent de (ne pas) recevoir nos communications : nous faisons au mieux avec les solutions techniques pourries mises à notre disposition par le Ministère pourtant en charge du « dialogue social » ! Dans certaines régions ou départements, des directeur.trices se permettent de refuser sèchement des demandes de rendez-vous présentées par les organisations syndicales. Nous ne savons plus comment le dire : ce fonctionnement est inadmissible, il en va du respect des droits élémentaires des agent.es.

Concernant le respect de l’accord sur l’égalité de traitement et de lutte contre les discriminations :

Que nos organisations soient ou non signataires, force est de constater que vous n’appliquez pas les accords que vous avez-vous-même signés ! Concernant tout particulièrement l’accord du 09 mai 2017 sur l’égalité de traitement et de lutte contre les discriminations, loin d’avoir permis de traiter les situations de discrimination rapportées, son entrée en vigueur s’est surtout accompagnée d’un accroissement de la communication du Ministère sur le sujet : « le chat, la diversité et nous », exposition de photographies « O.U.I  Diversités !, ou bien l’équipage de la Team Jolokia »… Les communications sont souvent problématiques et illustrent le peu de cas qu’il est fait dans notre ministère des discriminations. La DRH n’a jamais pris la peine de répondre à nos dénonciations de ces campagnes scandaleuses ni n’a modifié d’un iota sa ligne éditoriale.

Le droit d’enquête s’est avéré fictif, et le suivi de l’accord inopérant. Tout dernièrement, trois agent.es ont demandé à pouvoir bénéficier de l’enquête prévue par les stipulations de l’accord et les dispositions de cet arrêté dans le cadre de saisines pour discrimination syndicale, sans que l’administration ne donne suite à ces demandes pourtant répétées.  La seule enquête initiée pour discrimination syndicale a été lancée il y a près d’un an et n’a toujours pas connu de conclusions à ce jour.  Depuis plus d’un an nous demandons le bilan de la mise en œuvre de l’arrêté du 26 mai 2021 sur les signalements ! Si le point est inscrit à l’ordre du jour, vous ne nous transmettez que le bilan de la ligne d’écoute et d’alerte (LEA) qui n’est que l’un des différents canaux de signalement possibles !

Le plan diversité 2023-2025 que vous nous présentez en est d’ailleurs une parfaite illustration : à peine 12 pages, 2 axes sur 7 concernent de la Comm’, nous sommes renvoyé.es à des « guides de bonnes pratiques », rien sur le fond pour mettre fin aux pratiques discriminatoires ancrées au ministère. Alors que dans le même temps, le bilan annuel LEA de 2022 mentionne que LEA a donné des suites favorables concernant 7 signalements pour discrimination considéré comme suffisamment établis (3 syndicales, 2 en raison de l’état de santé, une sur le handicap, une sur le lieu de résidence).  Après cela, vous osez encore prétendre au label « Diversité » !

Ce n’est définitivement pas notre conception du dialogue social. Nous vous demandons solennellement de revenir à un dialogue social respectueux, qui reconnaisse le rôle prépondérant des représentant.es des personnels, ce qui passe notamment par :

  • Le strict respect des compétences et du fonctionnement des instances, notamment le traitement des points inscrits à l’ordre du jour en transmettant les documents préparatoires nécessaires dans des délais suffisants ;
  • Des consignes claires afin que l’ensemble des élu.es y compris suppléant.es puissent s’exprimer librement dans les instances ;
  • Des réponses argumentées données dans des délais diligents aux organisations syndicales ;
  • Des rappels aux directions locales pour qu’elles fassent droit aux demandes d’entrevues de nos sections et syndicats.

Concernant le retour des objectifs chiffrés

En cette rentrée, nous observons le retour en force des objectifs individuels chiffrés, avec notamment le chiffre de 100 interventions par agent.e et par an pour les agent.es de contrôle de l’Inspection du travail qui tourne en boucle dans les services. Nous ne sommes pas en train de négocier ou de marchander : ce n’est pas le nombre retenu qui nous heurte – raisonnable ou non, nous n’engagerons même pas la discussion – mais bien le principe ! La qualité du service public rendu à l’usager.ère ne se mesure pas ainsi et les objectifs chiffrés ont un effet pathogène connu et reconnu. Nous demandons le respect des engagements passés et la suppression de tous les objectifs individuels chiffrés.

Concernant les Contrôleur.ses du travail

Le contenu du point inscrit à l’ordre du jour nous paraît comme une provocation ! Alors que nous n’avons de cesse de rappeler la gravité du problème, avec encore plus de 600 collègues laissé.es de côté à l’issue d’une réforme fondamentalement insatisfaisante, vous présentez comme une avancée une mesure qui est seulement destinée à vous éviter un examen professionnel qui vous paraît peu utile pour passer à la catégorie « hors classe ». Le problème, c’est le nombre ridicule des postes proposés pour cette catégorie un peu plus favorable ; le problème, c’est le caractère non linéaire de la carrière ; le problème, c’est que tou.tes les contrôleur.se.s du travail qui le souhaitent ne soient pas encore intégré.es dans le corps de l’Inspection du travail. En revanche, dans l’état actuel des choses, prévoir une forme alternative d’accès à une catégorie plus favorable, par examen professionnel, plutôt que la seule option « au choix », c’est-à-dire au bon vouloir des petit.es chef.fes locaux.ales puis de la DRH, ne nous semble pas être un problème, au contraire.

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