Nous avons appris lundi que notre camarade Anthony Smith, après avoir été suspendu de ses fonctions pendant plus de deux mois, est convoqué devant la CAP disciplinaire le mardi 21 juillet prochain. Face à votre obstination à sanctionner un inspecteur du travail dont le seul tort est d’avoir fait son travail au bénéfice de la santé et de la sécurité de salariées d’une structure du secteur de l’aide à domicile, l’incompréhension dans les services est immense et le malaise ressenti par les agent-es est intense.
La semaine dernière, malgré la crise sanitaire, plusieurs dizaines de collègues se sont rassemblées à Chalons à l’appel de l’ensemble des organisations syndicale de la Marne. Dans des dizaines d’autres villes en France, des rassemblements ont été organisés devant les DIRECCTE et UD soutenus par de nombreux syndicalistes et citoyen-nes : à Lille, Strasbourg, Rouen, Caen, Paris, Rennes, à Saint-Brieuc, à Nantes, à Bordeaux…, toutes les collègues présentes ont porté le même message et la même exigence : réintégrons Anthony et laissons l’inspection du travail faire son travail, laissez-nous exercer sereinement, en toute responsabilité et en toute indépendance, notre mission indispensable de protection de la santé et de la sécurité des travailleuses et des travailleurs.
Car, au-delà même de la personne d’Anthony, cette affaire illustre, sur fond de collusion de l’administration avec le patronat et les hiérarques locaux, les atteintes à l’indépendance de l’inspection du travail et les entraves régulières apportées à l’exercice de leur mission. Les agentes de l’inspection du travail ont toujours subi des pressions du patronat et du pouvoir politique. Ce qui est cependant relativement nouveau, c’est que ces pressions sont aujourd’hui de plus en plus fréquemment relayées en interne, de façon totalement décomplexée, par toute la hiérarchie intermédiaire avec la bénédiction des administrations centrales et de la ministre du travail. Pendant la crise sanitaire, la volonté du gouvernement de poursuivre l’activité économique, coûte que coûte, et quoi qu’il en coûte aux travailleuses et aux travailleurs, a conduit à intensifier encore ces pressions. Alors que, pour assurer la continuité de l’activité économique et des fonctions vitales du pays, les travailleuses et les travailleurs les plus précaires et les plus fragiles mettaient leur santé en danger, la peur au ventre, parfois au péril leur vie, alors que ces travailleuses et travailleurs avaient plus que jamais besoin d’une inspection du travail présente et forte et non de VRP de la doctrine sanitaire mouvante du gouvernement , notre action s’est vue entravée et paralysée comme jamais auparavant. Cette situation a conduit, le 16 avril dernier, les organisations syndicales CGT, CNT, SNUTEF-FSU et SUD-TAS du Ministère du travail à déposer une plainte devant le BIT pour violation des conventions internationales de l’OIT par le gouvernement français à l’occasion de la gestion de l’épidémie de Covid-19.
C’est dans ce contexte inédit de tensions et de pressions qu’Anthony a été suspendu pour avoir choisi d’exercer pleinement ses missions (la Covid 19 a fait près de 30000 victimes en France à ce jour, la région dans laquelle il exerçait était une des plus impactée, le danger auquel était confronté les salariés était aigu) dans le cadre des pouvoirs et prérogatives dévolues aux agentes de l’inspection du travail et pour avoir refusé de céder aux pressions de sa hiérarchie qui exigeait de lui davantage de mansuétude vis-à-vis du patronat local.
Derrière Anthony, dans toute la France, ce sont des centaines de collègues, des milliers de syndicalistes, des dizaines de milliers de citoyennes qui sont mobilisées.
Depuis le début de la crise sanitaire, nous le disons : nous n’oublierons rien ! L’heure des comptes est arrivée et votre bilan est catastrophique :
- retard scandaleux à l’allumage ayant contraint des agentes à exercer leur droit de retrait, notamment dans la région Grand Est, touchée plus tôt et plus fortement par la pandémie ;
- différences incompréhensibles des dispositions entre les régions et les départements ;
- injonctions contradictoires permanentes pour les agentes, livrées à elles et eux-mêmes, isolées et terriblement maltraitées ;
- processus de déconfinement chaotique et incohérent ;
- attaques au Code du travail au travers du chantage de l’emploi et de multiples dérogations voire dérégulations ;
- sans oublier le scandale des masques et votre incapacité, toujours d’actualité, à fournir aux agentes exposées des masques de protection, de type FFP2 ou FFP3.
Et alors que les agentes relèvent difficilement la tête et peinent à retrouver leurs repères après cette période complexe pendant laquelle les contrôles ont littéralement été empêchés, quel est le mot d’ordre dans les services ? Il faut des chiffres, encore des chiffres, toujours des chiffres ! Les agentes sont bombardées de plans d’actions, de consignes contradictoires, de demandes qui vont dans tous les sens ! Si l’objectif est de faire perdre tout sens à notre travail et à nos missions, il n’est pas loin d’être atteint !
Il va de soi que, dans ces conditions, nous ne siégerons pas aujourd’hui.