Déclaration de l’intersyndicale du ministère du travail au rassemblement de soutien à Anthony Smith du 21 juillet 2020

Nous remercions l’ensemble des participant-es à ce rassemblement, notamment les collègues qui se sont déplacé-es de province, où d’autres rassemblements sont par ailleurs organisés dans plusieurs villes en ce moment.

Au nom de l’intersyndicale nationale du ministère du travail CGT-SUD-FSU-FO-CNT et des agent-es qu’elle représente, nous tenons tout d’abord à assurer notre pleine solidarité à Anthony qui va de avoir affronter ce conseil de discipline, et à lui dire qu’il ne sera pas seul dans cette épreuve que lui inflige notre administration.

Il n’est peut-être pas exagéré de dire qu’en convoquant Anthony devant le conseil de discipline cet après-midi, le ministère du travail va écrire une page noire de l’histoire de l’inspection du travail.

Depuis maintenant trois mois, Anthony est empêché d’exercer ses fonctions d’inspecteur du travail – comme s’il y en avait trop dans ce pays. S’il faut le dire encore une fois, disons-le : Anthony n’a fait que son travail d’application du code du travail, à l’instar de centaines de collègues qui ont tenté tant bien que mal, au plus fort de la crise sanitaire, de répondre aux attentes des salarié-es et de poursuivre au quotidien leur mission de protection des « premiers – et surtout premières – de corvée ».

Cette mission, ce n’est assurément pas avec le soutien du ministère du travail et de l’autorité centrale de l’inspection du travail, la DGT, que les agent-es de l’inspection du travail l’ont exercée ; c’est malgré et contre nos autorités de tutelle. Celles-ci nous ont d’abord laissé-es à l’abandon, sans moyen de protection pour aller en contrôle, avant de s’employer consciencieusement à entraver notre action, à nous dissuader, à nous rappeler à l’ordre, à violer notre indépendance – au point que nos syndicats ont dû saisir le bureau international du travail pour se plaindre de la paralysie de l’inspection du travail organisée par le gouvernement.

Nous refusons aujourd’hui le renversement de responsabilité que cherche à imposer le ministère du travail par la procédure disciplinaire qu’il a engagé contre Anthony pour mieux laisser dans l’ombre ses propres torts.

Si faute il y a, ce n’est pas dans les courriers d’Anthony ni dans son appartenance syndicale qu’on la trouvera, mais bien dans le comportement de l’ensemble de la chaîne hiérarchique, depuis la directrice locale jusqu’à la ministre de l’époque qui, au lieu de protéger notre collègue de pressions externes, s’est ingérée à son insu dans ses contrôles, a empêché une procédure de saisine du juge d’aboutir et s’est exécutée quand le directeur de l’ARADOPA et le président du conseil départemental de la Marne ont demandé sa suspension.

Si faute il y a, elle doit être recherchée dans l’instrumentalisation à sens unique de prétendues obligations déontologiques ou professionnelles que le ministère impose aux agent-es de l’inspection du travail pour mieux la brider, tout en permettant à son encadrement de s’en exonérer ; dans le relais de plus en plus fréquent et décomplexé d’influences et de pressions extérieures ; dans la suspicion constante et le mépris que l’administration entretient vis-à-vis de ses propres agent-es.

Si faute il y a, elle réside dans la soumission pleine et entière de l’autorité centrale de l’inspection du travail, quoi qu’il en coûte, aux exigences du maintien de l’activité économique, érigé en intérêt général et en devoir patriotique, au nom duquel il était impératif de stopper l’intervention d’un inspecteur du travail au moment où venait à éclater le scandale de la pénurie de masques et où des tribunaux commençaient à rendre des jugements contraignants pour les employeurs.

Si faute il y a, c’est dans l’enrôlement de l’inspection du travail du travail à cette fin, en lui intimant de ne pas gêner l’activité des entreprises et de limiter son action à la promotion des consignes sanitaires du gouvernement et des guides de « bonnes pratiques » rédigés en lien avec le patronat en lieu et place du code du travail – au prix parfois de graves erreurs juridiques.

Si il y a des comptes à rendre, c’est bien plutôt aux ministres du travail, l’ancienne comme la nouvelle, et à ses directeur-trices qu’il faut les demander, tant est grand leur discrédit auprès des agent-es du ministère du travail qui, massivement continuent à s’opposer à la procédure disciplinaire illégitime que subit Anthony et au détournement de l’inspection du travail. Plus de 1300 d’entre elle-eux ont signé un appel public de soutien, chiffre aussi massif qu’inédit à l’échelle de notre ministère.

Dans l’acte d’accusation d’Anthony, la ministre prétend que notre collègue a agi contre l’inspection du travail, en suivant les priorités supposées de son syndicat. Mais elle se trompe. Depuis le début de la crise sanitaire, ce n’est pas elle, ce n’est pas le directeur général du travail, ce n’est pas la directrice du travail de la Marne qui ont incarné et maintenu l’inspection du travail : celle-ci n’a survécu que par la volonté et le travail de ses agent-es, qu’ils soient syndiqué-es ou non, qui refusent aujourd’hui qu’on les mette à genoux, qui ont eu cœur à agir et qui continueront à agir pour une inspection du travail au service des travailleur-euses. Quand le peuple a perdu la confiance du gouvernement, disait Bertolt Brecht, n’est-il pas plus facile de dissoudre le peuple ? C’est bien la voie que semble suivre l’administration en s’attaquant aujourd’hui à Anthony, et demain peut-être à d’autres si nous ne l’arrêtons pas.

Notre combat, qui a rencontré un écho extrêmement large, dépasse le strict cadre du ministère du travail, comme en témoignent les 1500 000 signatures recueillies par la pétition publique et la création d’un comité de soutien associant plusieurs personnalités syndicales, associatives et politiques, dont certain-es s’exprimeront lors de ce rassemblement. Les soutiens que nous recevons depuis plusieurs semaines, et que nous remercions chaleureusement, nous confortent dans la vision que nous défendons de notre institution et nous donnent l’énergie de continuer jusqu’à que nous obtenions satisfaction sur nos revendications : l’arrêt de cette procédure inique et la réintégration d’Anthony dans ses fonctions sans sanction.

Ce sont des masques que nous voulions, pour nous comme pour les salarié-es, pas des baillons !

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