CTM Travail / Emploi du 24 mars 2022

Alors que nous préparions ce CTM, nous avons appris le décès brutal de Brigitte Pineau, présidente de l’UNSA-ITEFA. La CGT-TEFP a adressé ses condoléances aux camarades de l’UNSA-ITEFA dont nous partageons la tristesse. Au-delà de nos différences d’appréciation, parfois de nos désaccords, nous saluons notamment son engagement et sa ténacité, ainsi que l’énergie qu’elle déployait au profit de la défense des agent.e.s et de toutes nos missions de service public, sans exception. Nous garderons longtemps en mémoire son éloquence et la force de ses prises de position, au sein du CTM notamment.

 Monsieur le DRH,

nous notons tout d’abord que vous avez décidé de maintenir l’organisation de cette réunion en visio-conférence, alors qu’après deux ans de cet exercice pénible, nous en connaissons tou.te.s parfaitement les limites. Alors que le protocole sanitaire en entreprise a été supprimé en un seul « clic » du site du Ministère du travail, nous ne sommes décidément pas à un paradoxe près au sein de nos services.

A l’appel des organisations syndicales CGT TEFP, SUD TAS, FSU SNUTEFE et CNT TAS, les agents du Ministère du travail et de l’emploi se sont mobilisés le 15 mars dernier, pour défendre nos missions de service public et nos conditions de travail. Vous avez accepté de nous recevoir, mais aucun représentant des trois Ministres concernés par nos difficultés n’a jugé utile d’être présent. Alors que vous n’avez de cesse de nous dire toute l’importance que Madame BORNE accorderait au dialogue social, l’heure est au bilan, à la veille de la fin du quinquennat Macron : elle n’aura présidé aucun CTM, ni aucun CHSCTM et nous n’aurons eu qu’une seule entrevue avec son cabinet !

L’heure est également au bilan s’agissant de l’état dans lequel se trouvent nos services. Après deux années de crise sanitaire, le seul adjectif qui nous permet de la caractériser est celui de catastrophique : surcharge de travail pour certain-e-s, isolement pour d’autres, perte de liens avec le collectif pour toutes et tous, perte de sens compte tenu des directives gouvernementales contraires à la réglementation, sans compter la crainte de sanction disciplinaire pour peu qu’un.e agent.e exige d’une entreprise de véritables mesures de prévention !

Nos organisations du travail sont fragilisées à l’extrême par les réorganisations successives subies (dont la dernière en date, l’OTE, continue de dégrader fortement les conditions de travail des agent·e·s), des sous-effectifs structurels, des moyens matériels insuffisants, une perte de sens et une démotivation face à un management obnubilé par les chiffres, tableaux de bord et autres communications sur l’activité supposée des services.

Nous continuons donc à nous faire le porte-voix de la colère de nos collègues :

  • Notre colère face au blocage de nos rémunérations, alors que le coût de la vie explose !
  • Notre colère face aux nombreux dysfonctionnements liés à l’OTE : des projets de déménagements où les agent·es ne sont plus des travailleur·euses devant disposer d’un espace suffisant, mais des sièges à caser ; des retards de plusieurs mois sur la paie en cas de changement de situation, des difficultés pour tout, des remboursements non effectués, des systèmes informatiques bloqués,… Nous perdons un temps fou et une énergie précieuse dans ces soucis du quotidien !
  • Notre colère face à la situation des effectifs : des postes vacants partout, un fonctionnement en mode « minimum vital » qui se généralise, des collègues qui craquent !
  • Notre colère face au sort réservé aux contractuel.le.s qui servent de bouche-trou face à l’urgence, qui sont mal rémunéré·es et à qui l’administration ne propose évidemment rien une fois leur mission achevée !
  • Notre colère face aux objectifs chiffrés qui reviennent en force, alors qu’ils n’ont aucun effet positif sur le service public, mais qu’ils pourrissent nos conditions de travail !
  • Notre colère face aux réformes successives de pseudo-simplification dont le seul objectif est de réduire les droits des salarié·es, avec ou sans emploi, avec ou sans papiers et de les éloigner de nos services !

Les réponses que vous nous avez apportées mardi dernier et que vous allez sans doute vous contenter de répéter aujourd’hui sont insuffisantes ! Des miettes en matière de rémunération, sauf pour les chef.fe.s, à commencer par les RUC, des efforts notables mais encore très insuffisants en matière de promotion, des « recalibrages » qui correspondent en réalité à des suppressions de postes dont le nombre n’est même pas admis ! Dans les pôles emploi-solidarité, c’est une nouvelle vague de suppressions et d’externalisations qui se prépare au prétexte de la « revue des missions ». Les recrutements annoncés à l’inspection du travail, outre qu’ils ne commenceront à produire leurs effets qu’en 2024, compensent enfin les départs en retraite. Vous nous maintenez donc « à flot », mais… au fond du trou !

Et surtout, vous faites la sourde oreille à la souffrance des agent.e.s, alors même que se multiplient les alertes pour danger grave et imminent et les tentatives de suicides en lien avec le travail. Celles et ceux qui refusent de subir la situation, en dénonçant collectivement les intérims structurels par exemple, sont menacé·es de sanction.

Il est urgent d’en finir avec les organisations du travail pathogènes, avec la politique du chiffre en lieu et place d’un travail de qualité, d’en finir avec la mise sous pression des agent.es, de faire confiance à l’ensemble des agent.es des Ministères Sociaux qui font chaque jour tout ce qu’elles et ils peuvent pour rendre un service public de qualité, de valoriser leur activité et de montrer un soutien public fort lors des entraves, menaces et agressions.

Il faut redonner aux agent-e-s, l’envie d’effectuer un travail de qualité, les moyens d’exercer dans de bonnes conditions, en rompant avec la politique du chiffre, en réglant les dysfonctionnements matériels, en recrutant massivement et formant urgemment des agent.es pour pouvoir réussir à mener nos missions et retrouver du sens  au travail.

Nous vous demandons un plan d’urgence pour nos services, avec des mesures immédiates et concrètes, tant s’agissant des moyens humains que des moyens matériels. S’agissant des dysfonctionnements liés à l’OTE, nous vous demandons de stopper les processus en cours, tant que des solutions n’ont pas été apportées aux problèmes identifiés.

S’agissant des points à l’ordre du jour de cette réunion, nous dénonçons le recul sans précédent que constitue la mise en place des CSA, en lieu et place des CT et CHSCT actuels. Nous notons positivement la décision de maintenir les CAP spécifique pour les corps de l’Inspection du travail et des Contrôleurs du travail ; vous avez manifestement raison entendue, mais d’autres CAP spécifiques devraient encore être maintenues, en lieu et place des grandes CAP « fusionnées » proposées par catégorie A+, A, B et C. S’agissant de la CAP de l’Inspection du travail, nous sommes néanmoins surpris de la réduction de sa composition à quatre sièges et particulièrement inquièt.es si l’administration entend maintenir une répartition des sièges par grade, ce qui serait nécessairement très injuste pour le gros des troupes, les inspecteurs.trice.s du travail, au bénéfice des chef.fe.s (DA et surtout, DT).

Sur la grille du corps de l’Inspection du travail, nous réitérons notre diagnostic : des miettes pour le début de la grille (de +14 euros à +70 euros bruts par mois pour les cinq premiers échelons – l’augmentation la plus importante étant celle du 5ème échelon, donc celle dont le bénéfice sera le moins long) qui ne résoudront pas les problèmes d’attractivité et les seuls efforts notables pour les chef.fe.s : NBI pour les RUC (140 euros brut par mois) et création d’un nouvel échelon pour les DAT (112 euros supplémentaires), mais évidemment pas pour les IT dont la « carrière » est toujours bloquée au bout de 20 à 21 ans. On note aussi que deux échelons DT sont arrosés de plus 24 points, soit 112 euros supplémentaires… Comme s’il.elle.s (enfin, surtout ils !) en avaient besoin…

Nous avons pris connaissance du RSU – Rapport Social Unique – transmis en mars 2022 pour l’année 2020… mieux vaut tard que jamais ! Comme nous doutons de la motivation de nos collègues à lire les 365 pages de ce document, nous avons sélectionné les chiffres qui nous paraissent les plus parlants et surtout, parfaitement en phase avec ce que nous disons depuis le début de notre mandat :

  • En une seule année, le « périmètre » Travail – Emploi a perdu 5% de ses effectifs, soit 369 fonctionnaires qui ont quitté nos services et qui n’ont pas été remplacé : de moins 27% pour les contrôleurs.ses du travail à moins 2% pour les inspecteur.trices du travail, en passent par moins 13% pour les agents administratifs ;
  • Pour le « programme » 155 et les seuls services déconcentrés, on dénombre 959 entrées, mais 1613 sorties, soit un différentiel de 654 postes perdus en une seule année ;
  • Au moins 1800 agent.e.s de notre périmètre avaient plus de 60 ans au 31/12/2020 ; sachant que l’âge de départ moyen en retraite est stable, depuis plusieurs années, autour de 63 ans, nos problèmes d’effectifs sont loin d’être résolus ;
  • Plus de 50.000 heures écrêtées, total sans doute très largement sous-évalué dans le cadre de la crise sanitaire ;
  • 6 millions d’euros ont été économisés sur l’action sociale, si l’on compare les années 2019 et 2020 ; sur le périmètre Travail – Emploi, vous auriez pu indemniser pour chaque agent.e 50 journées de télétravail à hauteur de 5 euros par jour, sur la base de cette seule économie ; que sont devenues les sommes économisées ?
  • Les promotions ont diminué de façon vertigineuse : moins 33% pour les catégories A et C ; moins 20% pour la catégorie B ; étonnement, toutes les données sur ce thème ne sont pas genrées, mais quand elles le sont, elles sont très défavorables aux femmes, en particulier pour les directeur.ices adjoint.e.s du Travail et les secrétaires administratif.ves puisque les hommes sont surreprésentés dans les agent.es promu.es ;
  • Et enfin, la perle du rapport : « Au sein des DIRECCTE, le montant moyen indemnitaire versé aux femmes reste encore inférieur de près de 13% contre 12% en 2019, à celui versée aux hommes en raison d’une surreprésentation des femmes dans les catégories B et C. » Alors, non seulement l’explication – si on peut appeler ça une explication – est fausse, mais en plus, la formule choisie pour présenter le problème est scandaleuse. Soyons clairs : le montant moyen alloué aux femmes ne reste pas seulement inférieur à celui alloué aux hommes, l’écart s’est creusé et ce pour toutes les catégories, y compris la catégorie A. Pour les inspecteurs.trices du travail, par exemple, les écarts vont de +1006 euros en administration centrale à +214 en IDF, en passant par +367 dans les services déconcentrés hors IDF. Alors, certes, vos résultats sont en partie la traduction de la faiblesse des rémunérations versées aux agent.es de catégorie B et C et nous ne comprenons d’ailleurs pas pourquoi les adjointes administratives ont été écartées du dispositif de convergence indemnitaire qui a bénéficié aux attaché.es et aux secrétaires administratif.ves. Mais pas seulement ! Et évidemment, le rapport sur l’égalité annexé au RSU perd beaucoup de son sens et de sa portée une fois que l’on sait que rien n’est fait et qu’aucun budget n’est mis sur la table pour résorber ses écarts, pourtant clairement diagnostiqués.

S’agissant de la revue des missions, vous indiquez qu’il s’agit là d’une manière de supprimer des compétences en doublon et redonner des capacités d’action aux services.  En réalité, il s’agit d’un nouveau recul de l’Etat dans sa mission de contrôle et de transfert de compétence vers des opérateurs privés : agrément des SCOP confié à la CGSCOP, politique du titre et habilitation des jurys confiés à l’AFPA, substitution de la procédure d’enregistrement des IPPRP par une simple procédure déclarative. La suppression de l’analyse au fond par nos services  des accords d’épargne salariale finit de parachever ce qui est conduit depuis de nombreuses années concernant le dépôt des accords d’entreprise : la validité de ces derniers  ne fait plus l’objet d’un contrôle préalable lors du dépôt. La conséquence est double : pour les salariés,  c’est le risque accru de l’entrée en vigueur d’accords illégaux dans les entreprises, pour les collègues une perte de sens du métier partagée par tou.tes celles et ceux qui exercent la mission. Sur ce dernier point et non pas des moindres, votre revue des missions fait l’impasse sur  une étude d’impact dans les services et pour les collègues : quels effectifs concernés ? Quel redéploiement pour les collègues qui occupent actuellement les missions ? Quel accompagnement ? Quelle évaluation des risques professionnels liés à ces restructurations ? Ces collègues vont-iels se retrouver sur lettre de mission comme on peut le déplorer encore aujourd’hui suite à la mise en œuvre de l’OTE ? L’administration est-elle à nouveau passée par un cabinet conseil payé à prix d’or pratiquant l’optimisation fiscale ? Si oui lequel ?

CR CTM 24-25 mars 2022

DP_CGT_24_03_2022