CSA Ministériel Travail – Emploi du 16 mai 2023 Déclaration préalable des élu.es CGT TEFP, SUD Travail et FSU SNUTEFE

Monsieur Le Secrétaire Général, Madame La DRH,

Notre présence à la réunion de ce jour ne signifie en aucun cas que nous tournons la page de la réforme des retraites. En restant sourds à une mobilisation sociale d’une ampleur historique, E. Macron et le gouvernement d’E. Borne ont perdu toute légitimité à nos yeux. Nous maintenons que cette réforme est profondément injuste ; elle pénalise lourdement les travailleur.se.s, notamment celles et ceux qui exercent les métiers les plus pénibles et qui ne parviendront pas à l’âge de la retraite en bonne santé ou malheureusement, en vie !

Des chiffres fallacieux nous ont été assénés tout au long de ces derniers mois, notamment par le Ministre du Travail que vous représentez. Nous aussi, nous pouvons donner des chiffres sur la triste réalité du monde du travail en France :

  • Chaque jour, deux salarié.es meurent en moyenne dans un accident du travail ;
  • Chaque jour, 8 à 10 personnes meurent des suites d’une maladie liée à l’amiante ;
  • Un.e ouvrier.ère a 10 fois plus de risque de mourir d’un cancer qu’un.e cadre supérieur.e et cela, avant d’atteindre l’âge de 65 ans ;
  • Un.e travailleur.se est déclaré.e inapte toutes les deux minutes.

La mobilisation et l’engagement contre cette réforme injuste, infondée et inefficace sont donc toujours à l’ordre du jour. Après de nombreuses journées de grèves massives, la réussite d’un 1er mai unitaire d’une ampleur inédite confirme le refus très majoritaire dans le monde du travail et dans toute la société du recul à 64 ans de l’âge de la retraite. Nous appelons donc nos collègues à continuer à se mobiliser, notamment le 6 juin prochain, prochaine journée interprofessionnelle de grève et de manifestations appelée par l’intersyndicale nationale. Ce qui a été fait en passant par la force et une procédure constitutionnelle dont l’usage devrait rester exceptionnel, peut être défait !

Alors oui, on continue, tous et toutes ENSEMBLE, pour gagner sur nos revendications :

  • Le retrait du projet Macron-Borne qui reporte à 64 ans l’âge de départ à la retraite ;
  • Le maintien de tous les régimes de retraite avec amélioration des dispositions actuelles ;
  • Le retour à la retraite à 60 ans, à taux plein, et à partir de 55 ans pour les salarié.es exposé.es aux métiers pénibles ;
  • L’indexation des pensions sur l’évolution des prix et des salaires ;
  • L’augmentation des traitements et l’intégration des primes ;
  • Une politique volontariste d’égalité salariale femmes-hommes, améliorant la retraite des femmes et abondant les ressources des régimes. Ce sont les salaires qu’il faut augmenter, pas l’âge de la retraite !
  • La fin des exonérations de cotisations patronales pour abonder les ressources des régimes de retraite

Et le « dialogue social » ne peut en aucun cas reprendre, comme si de rien n’était. La situation actuelle impose une inflexion profonde et des réponses immédiates à l’urgence sociale, notamment la perte vertigineuse de pouvoir d’achat que subissent nos collègues dans le contexte de forte inflation que nous connaissons. Les grilles de rémunération connaissent un tassement sans précédent : les agent.es de catégorie C passent désormais 12 années à l’indice minimum et les agent.es de catégorie B sont également rattrapé.es : à l’échelle de toute la fonction publique, sont plus d’un million d’agent.e, très majoritairement des femmes, et leurs familles qui survivent avec le traitement minimum.

La mobilisation contre la réforme des retraites et l’urgence salariale ne nous font pas oublier la situation catastrophique qui continue à être celle de nos services :

  • L’hémorragie des effectifs continue et le Rapport social unique (RSU) pour 2022 le met parfaitement en évidence : nos effectifs fondent comme neige au soleil, les départs sont bien plus nombreux que les arrivées et les effectifs « cibles », déjà dramatiquement bas, sont très loin d’être atteints ; moins 20% pour nos effectifs totaux en un seul cycle électoral !
  • La situation dans les services déconcentrés continue à se dégrader, alors que nous pensions avoir touché le fond : des déménagements qui regroupent les services dans des conditions inacceptables, légitimés par une circulaire scandaleuse de la 1ère Ministre qui n’a fait l’objet d’aucune concertation ; des systèmes informatiques défaillants ; des conditions de travail et d’accueil des usager.ères qui continuent à se dégrader ;… Nous ne parvenons même plus à communiquer avec nos collègues puisque les carnets d’adresses outlook / mélanie ne correspondent plus du tout ! Pourquoi une telle précipitation à désactiver les adresses @direccte.gouv alors qu’en leur temps les adresses @travail.gouv avaient utilement perduré pendant des années ! Nous le redisons encore une fois, nos services ont des spécificités qui justifient pleinement le maintien de services déconcentrés particuliers ! Ce qui a été fait et qui ne fonctionne pas doit être défait : la réforme OTE est une erreur, lourde de conséquences ; les DDI et les SGC ne fonctionnent pas et nous pourrissent la vie ; ça suffit !

S’agissant du fonctionnement des services déconcentrés, comme nous vous l’avons indiqué, nous souhaitons revenir sur l’arrêté du 13 avril 2023 « portant application de l’article 5-I du décret n° 2020-1545 du 9 décembre 2020 relatif à l’organisation et aux missions des directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités, des directions départementales de l’emploi, du travail et des solidarités et des directions départementales de l’emploi, du travail, des solidarités et de la protection des populations ». Cet arrêté délègue, pour les membres du corps de l’inspection du travail et du corps des contrôleurs du travail affectés en position d’activité sous leur autorité, aux directeurs régionaux chargés du travail, de l’emploi, et de la formation professionnelle les décisions relatives à plusieurs dizaines de sujets de la « vie quotidienne » des agents : gestions des congés et autorisations d’absence de tous types, passage à temps partiel et retour à temps plein, télétravail, reconnaissance de l’imputabilité au service des accidents de service…

Après plusieurs demandes d’explications, vous nous avez concédé un entretien téléphonique au cours duquel vous nous avez présenté votre point de vue : l’arrêté ne change rien, les conventions passées entre la DRH et les SGCD actuellement seront désormais passées entre les directions régionales et les mêmes SGCD, après une période transitoire de trois mois qui permettra d’écluser les dossiers en cours. Cette « explication » élude le fait que les SGCD ne sont pas que des petites mains. Ils prennent des décisions, par exemple les arrêtés télétravail qui sont signés par délégation du préfet, y compris pour les agents des corps de l’IT et des CT. Et dans les matières pour lesquelles c’est le préfet qui décide, ce sont les textes propres au ministère de l’intérieur ou aux DDI qui s’appliquent, et non ceux du ministère du travail (les accords relatifs au télétravail ou aux congés pour évènement familiaux notamment diffèrent d’un ministère à l’autre).

Cette situation était sans doute illégale dès le départ, s’agissant de corps sur lesquels les préfets n’ont pas autorité (cf. article 33 du décret relatif aux pouvoirs des préfets, à l’organisation et à l’action des services de l’Etat dans les régions et les départements). Mais le retour à une gestion par des directions du ministère du travail ne sera pas neutre, il implique a minima que les agents concernés rentrent dans le périmètre des textes et accords propres aux ministères sociaux. Il implique également que des agent.es dans les directions régionales soient en charge de conclure les conventions passées avec les SGCD, de suivre leur exécution, et d’intervenir en cas de dysfonctionnement. Qui va s’en charger, maintenant que les services de gestion du personnel ont été démantelés et leurs effectifs transférés ?

Comme d’habitude, aucune information préalable n’a été adressée aux services concernés, et encore mois aux agent.es. Interpellée par nos représentant.es locaux, une DDETSPP nous a indiqué avoir « pris connaissance de cet arrêté ministériel à sa parution », avant d’ajouter qu’une information serait apportée aux agent.es « prochainement » ! Et sur le fond, cela impliquerait que des collègues d’un même service relèvent pour les un.es du préfet et pour les autres de la direction régionale, avec des textes différents pour la gestion de leurs congés, les demandes de télétravail etc. Où est la logique ? Oui la gestion RH par le ministère de l’intérieur est un fiasco, oui il faut en sortir et recréer des services RH propre à notre ministère, mais pour l’ensemble des agent.es travail, emploi, formation professionnelle.

Enfin, l’arrêté du 13 avril délègue également aux directeurs régionaux le pouvoir disciplinaire pour les sanctions du 1er groupe. Cette possibilité, ouverte par la loi dite de « transformation de la fonction publique », n’avait jusqu’alors pas été mise en œuvre dans nos services. Il y a fort à craindre qu’elle ne se traduise par une multiplication des procédures, qui pourraient être encore plus bâclées que celles mises en œuvre par la DRH nationale ces dernières années, et par une inégalité de traitement entre les agent.es en fonction des régions. Nous nous y opposons totalement.  Autant de sujets sur lesquels la DRH, à défaut de l’avoir fait préalablement, doit apporter rapidement des explications aux représentant.es du personnel et aux agent.es !

S’agissant du rapport social unique 2021, nous souhaitons y revenir plus en détails ; nous déplorons tout d’abord que des informations pourtant réglementaires et maintes fois réclamées n’y figurent toujours pas, en particulier :

  • Le total des rémunérations annuelles brutes versées dont (…) ventilé selon les critères de répartition suivants : Statut d’emploi ; Catégorie hiérarchique ; Age ou tranche d’âge ; Sexe. Le croisement suivant doit être opéré : Statut d’emploi ET Catégorie hiérarchique ET Age ou tranche d’âge ET Sexe ;
  • Les  indicateurs de l’outil DGAFP destiné à l’analyse des écarts de rémunération entre femmes et hommes : écart global de rémunération entre les femmes et les hommes en euro par mois ainsi qu’en pourcentage de cet écart global en équivalent temps plein ; l’écart de rémunération mensuelle entre les femmes et les hommes liés au seul effet de la différence de recours au temps partiel, c’est-à-dire l’écart entre la rémunération brute et la rémunération en équivalent temps plein ; effet de ségrégation des corps qui quantifie la partie de l’écart liée à une différence de ratio des femmes et des hommes dans chaque corps en fonction du niveau de rémunération de ces corps.
  • Concernant le volet santé au travail, la DRH fait le tour de force de ne pas faire apparaitre les données figurant précédemment dans le bilan annuel hygiène sécurité. Ainsi aucune indication n’est donnée sur le nombre de suicide et tentatives, de signalement pour violence, discrimination, VSST, RPS, le nombre d’enquête ou de visites de services par les CHSCT, le nombre de droit de retrait ou de signalement DGI….

Ces données sont pourtant prévues par l’arrêté du 07 mai 2021 sur la Base de données sociales.

Par rapport aux demandes formulées l’année passée au cours du CTM et pour lesquelles la DRH s’était engagée à produire des données, nous relevons l’absence d’un bilan concernant le nombre d’attribution de revalorisations liées à la mobilité, par corps, par sexe et groupe de fonctions. D’une manière générale, l’ensemble des informations sur les données salariales ne doivent pas s’arrêter à des moyennes par catégories, mais doivent être données aussi par groupes fonctionnels, corps, grade, médianes et moyennes permettant d’anticiper les informations nécessaires à un débat sur la politique indemnitaire sur lequel vous vous êtes engagés.

Voici les chiffres qui nous sont apparus les plus parlants sur la situation de notre ministère et votre bilan social n’est décidemment vraiment pas bon :

  • En 2021 encore, le « périmètre » Travail – Emploi a perdu 396 agent.es, qui s’ajoutent aux 369 fonctionnaires qui avaient quitté nos services et qui n’ont pas été remplacé : de moins 23% pour les contrôleurs.ses du travail à moins 2% pour les inspecteur.trices du travail, en passant par moins 28% pour les agents administratifs ;
  • Pour le « programme » 155 et les seuls services déconcentrés, on dénombre 993 entrées, mais 1706 sorties, soit un différentiel 713 postes perdus (et c’est plus qu’en 2020, alors que le déficit s’établissait déjà à 654);
  • Plus de 112 000 heures écrêtées, c’est plus de 60 000 heures par rapport à l’année dernière ;
  • 7 millions d’euros ont été économisés sur l’action sociale, si l’on compare avec les années 2019 et 2020 où les dépenses étaient déjà en baisse ; L’administration fait des économies sur la restauration : du fait des confinements et du télétravail, 2 millions d’euros en 2020 et 3,3 millions en 2021, tout en refusant d’accorder une subvention de restauration au bénéfice des agents en télétravail. L’administration fait des économies sur le dos des associations et sur les aides financières individuelles.  C’est tout bonnement scandaleux
  • Et enfin il doit y avoir une coquille dans votre document. Nous retrouvons à nouveau la perle du rapport que nous avions dénoncé l’an passé: « Au sein des services territoriaux, le montant moyen indemnitaire versé aux femmes reste encore inférieur de près de 11,8% contre 13% en 2020, à celui versée aux hommes en raison d’une surreprésentation des femmes dans les catégories B et C. » Alors à nouveau cette explication est parfaitement fausse, nous dénombrons des écarts de rémunérations défavorables aux femmes au sein du même corps : -535 euros pour les inspectrices du travail du groupe 1 de fonctions dans les services déconcentrés, -3942 euros pour les inspectrices du travail du même groupe en Ile-de-France, – 1835 euros pour les contrôleuses du travail, – 500 euros pour les adjointes administratives du groupe 1, par rapport à leurs homologues masculins. A cela s’ajoute une surreprésentation masculine dans les indemnités versées au titre des jurys, concours, indemnités représentatives de frais, ainsi que pour la NBI.

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