Pour l’abrogation du code de déontologie de l’inspection du travail

Ne laissons pas la déontologie prendre le pas sur les règles qui protègent l’exercice des missions de l’inspection du travail – Ne nous laissons pas corseter par des principes qui n’ont pas pour objet de permettre une meilleure protection des travailleurs/euses – Ne laissons pas les atteintes à la vie personnelle, les entraves au droit syndical et aux engagements citoyens devenir un mode de fonctionnement des services.

Malgré l’opposition de la majorité des organisations syndicales, le code de déontologie pour les agent/es du « système d’inspection du travail » a été publié le 20 avril 2017. Le Ministère a, en toute connaissance de cause, décidé d’inscrire dans le code du travail ces « principes » déontologiques. Ce faisant, il prend le risque de voir se multiplier les entraves à l’action des agent/es.

Dès la parution du texte, des cabinets d’avocat, plus soucieux d’engranger des bénéfices que de contribuer à la protection des droits des salarié/es clament sur le net que le patronat va pouvoir agir pour faire retirer un dossier à un/e agent/e qui « n’aura pas respecté le code de déontologie ». Ce sont donc de futurs obstacles à nos fonctions et de probables atteintes au droit d’indépendance des agent/es de contrôle qui sont annoncées.

Messieurs/Mesdames les patrons, les agent/es de l’inspection du travail agissent, pour la défense des intérêts des salarié/es, dans le respect des règles qui régissent leurs fonctions et ce, depuis bien avant l’inscription dans le code du travail de règles dites déontologiques.

Notre déontologie, ce sont d’abord les conventions internationales et le statut

Les règles qui régissent l’exercice des fonctions des inspecteurs/trices du travail sont d’abord garanties par les conventions internationales (C81 et C159 de l’OIT) :

  • le droit d’entrer dans les entreprises à tout moment ;
  • le droit de ne pas prévenir l’employeur du contrôle, ni même de l’entrée de l’agent dans l’établissement si l’objet du contrôle le nécessite ;
  • le droit de prendre attache avec tout salarié de l’entreprise et de l’interroger sans témoin ;
  • le droit d’informer et d’orienter les usagers ;
  • le droit pour les agent/es de donner les suites qu’ils entendent à leurs constats ;
  • le droit d’indépendance contre toutes les influences extérieures indues qui les garantit de ne pas être dessaisi d’un dossier.

C’est dans le respect de ces règles et de celles fixées par le statut général des fonctionnaires et pour accomplir leur mission de protection des travailleurs/euses que les agent/es de l’inspection du travail agissent ; c’est parce que ces règles existent que le patronat ne peut pas faire feu de tout bois pour clamer que les agent/es de l’inspection commettent des abus de droit et agissent en dehors des règles déontologiques propres à leurs fonctions.

Nonobstant le devoir de neutralité et d’égalité de traitement des usagers à situation comparable, les salarié/es sont placés en situation de subordination – et ne sont donc pas dans une situation comparable aux employeurs, sont les victimes des agissements du patronat, ils trouveront toujours les agent/es de l’inspection à leur côté pour combattre les injustices et empêcher les atteintes à leurs droits.

Le Ministère fait du zèle et porte atteinte à la vie personnelle

Or le Ministère fait du zèle pour accompagner les patrons dans leurs velléités d’empêcher l’exercice des missions des agent/es. Ainsi a-t-il une définition du conflit d’intérêt plus large que la loi sur la déontologie des fonctionnaires et ses décrets d’application. Ainsi, on voit fleurir dans des UC, avant même la parution des textes, des demandes des RUC qui exigent des agent/es qu’ils fassent état des « conflits d’intérêts » dont ils ont connaissance avec les entreprises placées sous leur contrôle.

Comme si le fait d’inscrire dans les textes la notion de conflits d’intérêts créait le conflit d’intérêt !! Hier, chaque agent/e qui s’estimait en difficulté pour contrôler une entreprise compte tenu de considérations personnelles par exemple, faisait connaître à sa hiérarchie cette difficulté et s’organisait pour « se déporter ». Il n’y a pas plus de conflits d’intérêt aujourd’hui qu’hier.

Les décrets d’application de la loi sur la déontologie des fonctionnaires cantonnent le contenu de la déclaration d’intérêt : aux activités professionnelles du fonctionnaire et aux rémunérations qu’il percevrait à cet égard, aux mandats électifs, et aux activités professionnelles du conjoint. Et… c’est tout. Ne sont pas concernées les activités syndicales, les activités extra-professionnelles non rémunérées, bénévoles et autres, les activités personnelles, ni celles de l’agent, ni celles de ses proches.

Le code de déontologie de l’inspection du travail rajoute des obligations d’entretien pour les agent/es soumis à la déclaration d’intérêt (agent/es de contrôle) fondées sur la déclaration d’intérêt mais élargie aux activités personnelles et familiales. Or, rien dans la loi sur la déontologie des fonctionnaires ne le permet et rien n’impose à l’agent de déclarer des activités personnelles ou familiales qui n’ont pas à figurer dans la déclaration d’intérêt dont le contenu est fixé par les décrets de décembre 2016.

Si nous sommes contraints de procéder à la déclaration d’intérêt, ne laissons pas la fausse moralisation de la vie publique et la logique de surveillance des individus envahir notre vie professionnelle et personnelle. Oui un/e agent/e peut-être syndiqué/e et, dans le cadre de ses fonctions, côtoyer des représentant/es de la même organisation syndicale dans une entreprise de son secteur, sans que le respect des règles de déontologie de sa fonction soit mis en cause. Oui, un/e agent/e peut avoir une relation personnelle avec un/e salarié/e d’une entreprise rencontrée au club sportif voisin. Oui, un/e agent/e peut avoir une activité artistique et exposer ses œuvres dans son secteur géographique de contrôle sans que l’administration soit informée.

Ne nous laissons pas faire, soyons vigilant/es !

Ne laissons pas les atteintes à la vie personnelle, les entraves au droit syndical et aux engagements citoyens devenir un mode de fonctionnement des services.

L’ordre des avocats avait poursuivi pour atteinte à la déontologie du corps une avocate qui poussait la chansonnette dans les cabarets avec un groupe de musiciens. Ne laissons pas de telles méthodes se mettre en place dans nos services ; elles n’ont pas pour but de permettre un meilleur exercice des missions au service de la protection des travailleurs/euses.

Ne laissons pas non plus l’ère du soupçon s’installer dans nos relations professionnelles et avec notre hiérarchie. « Je n’avais rien à déclarer hier, je n’ai rien à déclarer aujourd’hui ».

Enfin, la hiérarchie n’a pas le droit de décider seule de l’existence d’un conflit d’intérêt. Si elle saisit le référent déontologue, elle doit obligatoirement en informer l’agent. Soyons vigilants, elle ne doit pas se saisir du « soupçon » de conflit d’intérêt pour dessaisir l’agent d’un dossier ou du contrôle d’une entreprise. Ils doivent au contraire protéger les agent/es contre toutes les pressions qui ne vont pas manquer de s’exercer au nom de la soit disant déontologie.

Un instrument de la remise en cause des missions et des conditions de travail

Le critère géographique et la territorialisation des sections d’inspection sont en ligne de mire ; le Ministère rêve de les supprimer pour parachever la réorganisation des services. Il ne lui suffit plus de créer de plus en plus d’équipes d’intervention spécialisées par activités – d’inter-départementaliser ou de régionaliser, demain c’est la fin des sections territoriales et la répartition des dossiers à la main du RUC qui est en jeu. La déontologie pourrait n’être qu’un prétexte pour accélérer ce processus.

Nous combattrons sans relâche ces orientations. Nous ne laisserons pas les règles dites de déontologie devenir un instrument au service de la destruction des missions de l’inspection du travail. Nous ne laisserons pas les règles dites de déontologie remettre en cause les conditions de vie au travail.

La CGT-TEFP invite tous les agent/es à alerter l’organisation syndicale si l’invocation de questions déontologiques par le patronat, relayées ou non à l’interne, a des retombées sur leur action d’inspection ou la gestion de leurs dossiers ou si les responsables hiérarchiques font du zèle pour débusquer les conflits d’intérêts dans leur vie privée ou familiale. La CGT-TEFP soutient toutes les actions d’alerte et de dénonciation des abus.

Paris, le 16 mai 2017

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