Mais où cela s’arrêtera-t-il ? Depuis l’arrivée de Muriel Penicaud à la tête du ministère du travail, les procédures disciplinaires s’enchaînent et s’accélèrent. Blâmes contre quatre représentants syndicaux (dont deux militants CGT pour avoir participé à une action en défense des salariés sans papiers), 15 jours de mise à pied avec sursis contre une militante SUD pour avoir répondu à un journaliste au cours d’un rassemblement au bois de Boulogne près d’un restaurant huppé où se réunissaient des DRH de grandes entreprises et où notre ministre était invitée.
Mercredi 18 avril, c’étaient 4 militant.e.s de Seine-et-Marne qui se voyaient informé.e.s par lettre recommandée signée par Joël Blondel, DRH, de l’ouverture d’une procédure disciplinaire à leur encontre. Ce qu’on leur reproche ? D’avoir « perturbé une réunion de service » en la « transformant en espace de revendications », notamment en « déployant une banderole ».
Des envahissements des réunions, des interpellations de la direction, des banderoles déployées : voilà des moyens d’action classiquement utilisés dans nos services déconcentrés depuis des années sur tout le territoire. En effet, face à l’exercice vain d’expression au sein des instances, les agents n’ont souvent que ce moyen pour tenter se faire entendre de leur hiérarchie. Alors pourquoi l’administration se lance-t-elle alors dans une nouvelle procédure à l’encontre de militant.e.s syndicaux.ales.? Tout simplement pour masquer ses propres turpitudes. Car, oui, en réalité certains faits commis durant cette journée du 13 février 2018 sont effectivement particulièrement graves : ceux commis par l’administration locale et son directeur, Monsieur Coupard.
Que s’est-il passé le 13 février 2018 ?
L’ensemble des agents de l’unité départementale répartis sur deux sites, a été convoqué à un « moment de convivialité ». Alors que de nombreuses salles peuvent être facilement louées dans le département, le directeur de l’UD a choisi de tenir cette réunion au sein du musée aéronautique et spatial, émanation de l’entreprise Safran directement situé au beau milieu de l’enceinte de cette société. Rassurons-nous, les deniers de l’administration sont bien gérés : la mise à disposition de ces locaux se fait à titre gracieux. Tout comme l’électricité utilisée ce jour-là ou encore la prestation de nettoyage : dans un contexte de restriction budgétaire, merci donc à cette entité privée d’avoir permis à l’administration d’économiser plusieurs centaines d’euros.
C’est donc entouré de drapeaux Safran suspendus de part et d’autre de l’estrade que M. Coupard a pu disserter sur l’activité des services, ce en présence de bénévoles du musée ravis d’entendre parler du fonctionnement interne de l’UD.
Les organisations syndicales CGT et SUD, choquées par ce malsain mélange des genres qui enfreint le devoir de neutralité de l’administration publique, avaient décidé de ne pas laisser cette réunion de service se dérouler comme si de rien n’était dans les locaux d’un des plus gros employeurs du département. Une bonne dizaine de militants ont donc diffusé un tract à l’entrée de la salle et obtenu du directeur le droit de prendre la parole en amont pour dénoncer ce contexte ainsi que les suppressions d’effectifs dont sont victimes nos services, banderole déployée en arrière-plan.
Le directeur reprend par la suite la parole en fustigeant lesdites organisations syndicales les accusant de constituer une violence pour les agents voire même de les terroriser. Mais ce n’est pas tout : après son intervention, le RUD du 77 invective la secrétaire de la section départementale CGT puis la tire par deux fois par l’épaule afin qu’elle se place à l’endroit voulu dans son plan de réunion. Le tout agrémenté d’un très digne « vous dégagez maintenant » et « bande de cons ».
Le silence de la DIRECCTE d’Île-de-France, la propagande du RUD 77
A la suite de cette journée, les syndicats CGT, SUD et CNT dénoncent l’agression sexiste de M. Coupard et ses propos anti-syndicaux. Les agents invectivés portent plainte et procèdent à des déclarations d’accident de service. Une demande de CHSCT régional exceptionnel est rapidement formalisée, ce afin de demander la tenue d’une enquête de cette instance, plutôt que traiter cette affaire au sein d’un CHSCT départemental présidé par le mis en cause. La DIRECCTE Île-de-France prend son temps : avant de donner suite à cette demande fondée juridiquement, elle veut recueillir la version des faits du directeur de l’UD. Qui, pendant ce temps, en profite pour envoyer aux agents de l’UD des mails s’en prenant aux militants syndicaux. Des membres de l’équipe de direction font le choix délibéré de la mise sous tension des services, désinhibant les propos anti-syndicalistes. Et la secrétaire générale va jusqu’à inviter une prétendue « majorité silencieuse » à dire stop aux syndicats ! Du jamais vu. Ces personnes ont vu « une rare violence » dans une déclaration intersyndicale, mais pas dans les insultes et empoignades. Ils savent ce qui est sexiste : faire une démonstration viriliste d’intimidation physique et bousculade d’une agente ne l’est pas. Ce n’est pas sexiste puisque ce n’est pas « la personnalité du RUD ».
En soutien aux collègues, plus de 120 personnes se réunissent le jeudi 5 avril à l’UD 77 pour dire non aux discriminations, défendre les libertés syndicales et l’indépendance des services publics par rapport aux intérêts privés. Collègues d’Île-de-France, de toute la France, militants interpro étaient solidaires.
Un mois et demi plus tard après la fameuse journée, Mme Cherubini fait enfin tenir un CHSCT régional délocalisé pour l’occasion à Melun. Contrairement aux demandes des organisations syndicales, le directeur de l’UD77 y est également présent, empêchant des débats sereins : celles-ci quittent la séance.
A la DIRECCTE d’Île-de-France, on n’a plus d’effectifs, mais on ne manque pas d’aplomb
Mais la DIRECCTE n’a pas perdu de temps : pendant que les OS bataillaient pour obtenir le droit de réunir le CHSCT afin de déclencher une enquête, Madame Chérubini était occupée à préparer un rapport complet au DRH sur la journée du 13 février. Ce rapport qui servira à ce dernier d’appui pour lancer les procédures disciplinaires, est exclusivement à charge des syndicalistes, sans respect du contradictoire. Pour faire semblant d’avoir été impartiale, la DIRECCTE y joint également les mails que lui avait envoyé de leur propre chef plusieurs militants syndicaux pour l’alerter immédiatement sur les faits gravissimes de M. Coupard.
A aucun moment, elle ne prendra contact avec eux ou leur demandera d’éléments complémentaires. La messe est dite : les militants syndicaux sont coupables « d’atteintes à la personne » et d’ « actes d’insubordination ». Magie de la subjectivité de Mme Chérubini : les gestes et les propos de Philippe Coupard sont eux simplement qualifiés de « malencontreux » puisqu’ils se sont déroulés dans un « contexte de contrainte et de provocation ».
De quoi ces procédures disciplinaires sont-t-elles le nom ?
En réalité de quel crime les syndicalistes se sont-ils rendus coupables ? De considérer qu’organiser une réunion de service au sein de la seconde plus grande entreprise de Seine et Marne n’est pas neutre et n’a pas lieu d’être quand on est la DIRECCTE. De porter des revendications et de critiquer leur direction. De distribuer un tract et porter une banderole. Sur les effectifs, les rémunérations, les droits des agent.e.s… C’est bien ce procès-là qui est fait aux syndicalistes de l’UD 77 !
Alors oui, il nous faut collectivement réaffirmer que les libertés syndicales sont un droit essentiel en cette période de plan social interminable. Car ces destructions de nos services, de nos missions, nous coûtent à tous au quotidien. La journée du 5 avril fut l’occasion de l’aborder. Dans les services, sur tout le territoire, les pleurs en témoignent, les tentatives de suicide aussi. La gaieté n’est pas de mise. De toute évidence, les tensions, les résistances, ça use tout le monde. Mais lorsque les syndicats courbent l’échine, la digue lâche et ce sont les agents qui paient. Blâmes, mise à pied de syndicalistes, mais aussi sanctions disciplinaires contre des agents se multiplient. Nos directions sont déterminées à avancer dans leurs projets quoi qu’il en coute pour les agents.
Nous dénonçons cette procédure à charge contre les militants syndicaux. Aucune sanction ne doit être prise contre nos collègues. Les syndicats revendicatifs doivent disposer d’une liberté d’expression et d’action sans faire l’objet d’une répression de leurs représentants.