Dans leur dernière communication, « Le chat, la diversité et nous » du 10 janvier 2020, les ministères sociaux démontrent qu’ils ne comprennent vraiment rien aux discriminations.
Afin d’illustrer la discrimination liée à « l’identité sexuelle », le chat se/nous pose deux questions : « Suis-je un homme déguisé en chat ? Suis-je un chat qui se prend pour un humain ? ». A travers le chat, les ministères sociaux semblent faire parler une personne trans et lui faire poser les questions suivantes : « Suis-je un homme déguisé en femme ? Suis-je une femme qui se prend pour un homme ? ».
Ces questionnements, sous couvert de pseudo-bienveillance et de lutte contre les discriminations, reproduisent en réalité des stéréotypes hétéronormatifs [1] stigmatisants qui touchent les personnes trans ! Les femmes trans sont des femmes, les hommes trans sont des hommes. Point.
On ne parle plus de transsexuelEs, ni d’identité sexuelle mais de transidentités et d’identité de genre !
Le terme « transsexuel » est un terme médical et pathologisant, renvoyant les personnes trans au diktat médical qui assimile la transidentité à « un trouble de l’identité sexuelle ».
Avec leur « chat, la diversité et nous », les ministères sociaux battent en brèche des décennies de luttes des personnes trans qui dénoncent notamment la psychiatrisation des transidentités, les difficultés à obtenir le changement de la mention de sexe à l’état civil sous condition médicale, et avec l’homologation par un juge.
A la CGT, on considère que les personnes trans ne sont pas malades et que l’identité de genre n’appartient ni aux médecins, ni aux juges !
Plus largement, les discriminations faites aux personnes LGBTI (Lesbiennes, Gays, Bisexuelles, Transgenres et Intersexes) ne se résoudront pas qu’« entre moi et moi »
L’INSEE publiait en 2014 [2] une étude démontrant que les salaires versés aux hommes se déclarant vivre en couple avec « un ami » étaient de 5 à 6 % inférieurs dans la fonction publique à ceux du reste de la population fonctionnaire hétérosexuelle. Tout récemment une opération de testing démontrait que les LGBTI+ faisaient l’objet de discriminations dans le traitement de leurs demandes vis-à-vis de l’administration. Le nombre de réponses positives étaient ainsi plus faibles et le temps de réponse de l’administration plus élevé envers les candidatEs signalant leur homosexualité que pour les personnes hétérosexuelles placées dans une situation comparable [3].
S’ajoutent à ces violences administratives les violences ordinaires au travail et dont les concernéEs peuvent témoigner : invisibilisation, outing forcé, injonction au coming-out, moqueries et rumeurs insidieuses qui pourrissent la vie des concernéEs.
Il n’est pas étonnant dans ce contexte que le Défenseur des Droits note que 2 millions de salariéEs LGBTI+ dissimulent leur orientation sexuelle au travail. Cette situation est d’autant plus vraie pour les lesbiennes, victimes de discriminations multiples liées à leur orientation sexuelle et au sexisme. Les personnes LGBTI+ ne peuvent se vivre au travail comme telles et sont contraintEs de correspondre à la norme, sous peine ou par crainte d’être victimes de violences plus grandes encore.
Aussi, réduire les enjeux autour des discriminations faîtes aux personnes LGBTI+ à un questionnement personnel de « soi à soi » ne constitue qu’une exhortation de plus au silence.
Marre du pinkwashing dans les ministères sociaux !
Les ministères sociaux se livrent à un hold-up sournois des luttes LGBTI+ et nous dénonçons ces manœuvres de pinkwashing [4]. Ainsi, ils ne manquent pas une occasion de se présenter comme « gayfriendly » (label « Diversité » oblige) en diffusant le film 120 battements par minute dans la salle Laroche à l’occasion de la Journée internationale de lutte contre l’homophobie, tout en faisant le lit des oppressions hétéronormatives dont sont victimes les LGBTI+ avec des communications stigmatisantes adressées à des dizaines de milliers d’agentEs comme celle du 10 janvier dernier.
De la même manière, le jeudi 19 juillet 2018, Muriel Pénicaud, Ministre du Travail, a signé la charte d’engagement LGBT+ de l’Autre Cercle, en présence de représentants d’entreprises. Nous affirmons que les chartes et déclarations d’intention n’ont jamais protégé les minorités, preuve en est la condamnation de BNP Paribas, signataire de la charte, en 2016 pour discrimination homophobe.
Muriel Pénicaud annonçait également « dans la formation initiale des inspecteurs du travail, il y a déjà un module sur la discrimination. Nous allons faire un module spécialisé sur la discrimination liée à l’orientation sexuelle ». Depuis, rien n’a été fait. A croire que le Ministère du Travail accorde autant d’importance à la protection des personnes LGBTI+ qu’aux violences faites aux femmes, dont le réseau de formation a récemment été supprimé.
La CGT revendique :
- des droits nouveaux pour les personnes LGBTI+, des mesures contraignantes pour les employeurs publics et privés et non des chartes privées d’effet : stop aux plans de com’!
- le maintien des CHSCT et la création de référentEs, indépendantEs du ministère, désignéEs par les Institutions Représentatives du Personnel, chargéEs d’accompagner les victimes, de diligenter des enquêtes ou des expertises et de suivre la mise en œuvre des mesures de prévention,
- l’arrêt de la communication « Le chat la diversité et nous » et création d’une campagne de communication contre les LGBTIphobies dans les ministères sociaux, sans stéréotypes, associée à des formations pour les personnels et notamment les encadrants,
- une véritable enquête, qualitative et quantitative, en matière de discriminations faites aux personnes LGBTI+
[1] La norme hétérosexuelle prédominante dans la société.
[2] Orientation sexuelle et écart de salaire sur le marché du travail français : une identification indirecte
Thierry Laurent Ferhat Mihoubi, économie et statistique, 2013.
[3] Restitution de la première campagne de testing sur l’orientation sexuelle dans la fonction publique, 2018
[4] Procédé de communication utilisé par un État, une organisation, ou une entreprise dans le but de se donner une image progressiste et engagée pour les droits LGBT.