Neutralité en entreprise : la ministre ouvre la porte à toutes les dérives racistes

Adopté au dernier moment, l’article 1bis de la loi Travail, relayé par un guide de la DGT qui sortira en octobre, prévoit la possibilité pour les employeurs, via le règlement intérieur, d’instaurer le principe de « neutralité » et de « restreindre la manifestation des convictions des salariés » au nom du « bon fonctionnement de l’entreprise ».

D’ores et déjà apparaissent dans certaines entreprises des « chartes de la laïcité » contenant des interdictions générales et absolues d’afficher une croyance religieuse, et parfois même une opinion politique.

Les personnes de confession musulmane, ou supposées telles, vont en premier lieu faire les frais des restrictions de liberté et du traitement discriminatoire qui se mettent aujourd’hui en place sous couvert de neutralité, de laïcité, voire de féminisme.

L’article 1bis de la loi El Khomri, dont même l’Observatoire de la laïcité avait exigé le retrait, sera sans nul doute contesté devant le Conseil constitutionnel ou la Cour européenne des droits de l’Homme. Mais dans l’attente des dizaines voire des centaines de femmes pourront être licenciées et exclues du travail au seul motif du port du voile. Bel exemple d’une politique d’émancipation… Ni l’Etat ni l’entreprise n’ont à règlementer la religion, c’est aux femmes de décider !

Elles continueront à subir un acharnement raciste et islamophobe qui s’enracine à tous les niveaux de l’Etat et de la société, qui s’attaque au « vivre ensemble » et qui a des a des conséquences dramatiques pour ceux et celles qui en sont victimes : stigmatisation, humiliations, exclusions d’espaces publics et privés.

Depuis 2004, les interdictions du port du voile et les actes d’extension du principe de neutralité religieuse se multiplient – au sein du service public aussi, où fleurissent les affiches rappelant que « la République se vit à visage découvert ». On observe mêmes des incitations illégales ne pas accueillir ou renseigner les usagères voilées, à ne pas leur accorder le bénéfice de tel ou tel dispositif, à leur demander de se « dévoiler ». Ces consignes stigmatisantes n’ont pour effet que de priver d’accès au service public une partie de la population.

Encore une fois, le gouvernement et les élus locaux se servent de l’émotion causée par les attentats intervenus ces dernier mois pour multiplier les contrefeux racistes et sexistes. Avec « l’affaire du burkini » cet été – assimilant des femmes à des terroristes – nous avons vu avec sidération un premier ministre cautionner des atteintes graves et manifestement illicites aux libertés publiques, puis persister malgré la censure du Conseil d’Etat.

Si nous condamnons ces attentats, nous dénonçons également l’exploitation honteuse qui en est faite par le gouvernement, qui tente de faire oublier son bilan catastrophique en matière économique et sociale et de détourner la colère sociale qui s’est exprimée au printemps contre la loi Travail.

Au-delà d’une nouvelle attaque contre la liberté de conscience, c’est l’expression de toutes les opinions : syndicales, politiques, philosophiques… qui pourrait être muselée. Avec la loi Travail, le gouvernement veut faire régner dans l’entreprise le même régime de caserne que celui mis en place dans la rue à la faveur de l’état d’urgence, nous ne l’acceptons pas !

La CGT-TEFP combat et dénonce toutes les déclarations et amalgames racistes qui se multiplient et toute instrumentalisation raciste de la laïcité.

Nous refusons toutes les tentatives de désigner un « ennemi de l’intérieur », quel qu’il soit, afin de créer une prétendue « union nationale » derrière le gouvernement.

Nous défendons les libertés individuelles et les droits d’expression dans l’entreprise.

Nous revendiquons un service public du travail et de l’emploi accessible à droits égaux à toutes et tous.

Paris, le 18 octobre 2016

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