La perte de temps pour régler les problèmes logistiques imposés aux agent.e.s de contrôle de l’inspection du travail depuis l’OTE peut-elle porter atteinte aux conditions dans lesquelles ils/elles doivent pouvoir exercer leurs missions telles que prévues par les conventions internationales n°81 et 129 de l’OIT sur l’inspection du travail ?
Depuis 2021, les réformes violentes pour les agent(e)s n’ont cessé de s’accélérer: OTE avec la création des DREETS, DDETS(PP), externalisation des services supports aux SGCD des préfectures, relogement dans des locaux non-conformes au code du travail et ne permettant pas d’exercer pleinement certaines missions comme celles de l’inspection du travail par exemple.
Vos représentant.es du personnel CGT n’ont cessé localement et nationalement dans les CSA et F3SCT d’alerter sur les conséquences que cela génère au quotidien dans l’exercice des missions et l’impact de ces réformes sur la santé des agent(e)s. Les seules réponses obtenues relèvent des éléments de langage répétés inlassablement par les directions locales et nationales quand cela ne va pas, par endroit, jusqu’au mépris pathogène flirtant avec le “m’en foutisme” (exemple: réponse apportée par un directeur départemental de DDETS à un questionnement légitime de représentants du personnel : “Je ne suis pas fan”….. avec des arguments pareils, nul doute qu’il y a une volonté d’avancer pour améliorer l’exercice de nos missions de service public).
Mais quel est l’avis du Conseil National de l’Inspection du Travail (CNIT) sur les problèmes logistiques/informatique/immobilier auxquels les inspecteurs/inspectrices du travail sont de plus en plus confrontés ?
Il était une fois une inspectrice du travail affectée en URACTI mais hébergée dans une DDETS confrontée à une multitude d’”irritants” (langage novlangue des directions) ou d’”obstacles” à l’exercice de ses missions (langage juridique approprié) … Un 8 novembre 2024, cette inspectrice du travail saisit le C.N.I.T“[…] de différents faits qu’elle considère comme ayant porté atteinte aux principes d’indépendance et de libre décision de l’inspecteur du travail […]”. Elle saisit “[…] en premier lieu le Conseil sur les difficultés logistiques diverses qui ont eu pour effet de l’empêcher d’accomplir pleinement sa mission en limitant ses possibilités de contrôles, en limitant les choix des suites données et en impactant sa santé mentale”.
Quoi? Comment? On en serait là à l’inspection du travail après le tsunami OTE et le passage de nos services supports vers des SGCD placés sous l’autorité des préfets de département? Non mais concrètement, c’était quoi les problèmes soulevés par la collègue?
Bonne question ! Alors, à la lecture de l’avis du C.N.I.T. (publié sur SITERE, rubrique “Organisation et valorisation du SIT” – NB: ce n’est pas une blague: DGT – Avis du CNIT – AV24-0002 – ( 01/03/2025 ) | SITERE ):
“[…] Les principales difficultés résultent du refus du secrétariat général commun départemental (SGCD) de permettre à Mme X d’accéder au réseau de la DDETS, alors que pour les autres agents hébergés dans les 5 DDETS(PP) l’accès au réseau de la DREETS et aux copieurs locaux est effectif. Aucune solution alternative satisfaisante n’a pu être apportée […]”.
Pour résumer, une inspectrice du travail en URACTI n’a pas accès au réseau informatique de son employeur (à savoir la DREETS) et elle ne peut pas imprimer car elle n’a pas accès aux copieurs de la DDETS ! Rien que ça! Une bonne nouvelle quand même : “[…] Le Conseil relève que les difficultés logistiques ne sont contestées, ni par la DREETS, ni par la DGT et note les efforts de la DREETS pour rechercher une solution […] “. Autant pour nous, pour la bonne nouvelle, il fallait le dire vite, nous avions omis la fin de la phrase “[…] sans que cela n’ait abouti”(c’est ballot, c’est pourtant le DREETS qui en application du 7° de l’article R8122-1 du code du travail “[…]s’assure de l’adaptation des moyens humains et matériels dévolus au système d’inspection du travail” mais quand il cherche des solutions, comme la ligne hiérarchique spécifique du système d’inspection du travail est devenue une belle fable, il se heurte aux services sous autorité préfectorale sur lesquels il n’a pas la moindre autorité et qui paie les conséquences ? c’est vous ! enfin, en l’occurrence, c’est cette courageuse IT d’une URACTI institutionnellement maltraitée qui a saisi le CNIT ! …..) . Bon, on veut savoir nous. Qu’est ce qu’il dit d’intéressant le C.N.I.T.?
Vous êtes impatient(e)s de savoir, on comprend. On ne va pas vous faire patienter plus longtemps. Voici quelques extraits de l’avis n°A 24-0002 du C.N.I.T réuni le 14 mars 2025:
“Le Conseil national de l’inspection du travail […] Est d’avis de répondre à la saisine dans le sens des observations qui suivent:
“[…]Le conseil note […] que le secrétariat général commun départemental pose des conditions à la réservation des véhicules sur plusieurs jours, ce qui pourrait avoir pour effet de restreindre les possibilités d’intervention des agents de contrôle […]”
“[…] Le conseil considère que la perte de temps pour régler les problèmes logistiques, l’impossibilité d’avoir une connexion stable à internet, la quasi-impossibilité d’imprimer et l’isolement du collectif de travail auquel elle devait apporter son appui ont eu pour effet d’empêcher en partie Mme X d’accomplir matériellement sa mission […]
“[…] Le conseil estime que Mme X a été, de ce fait, contrainte de réduire son activité de contrôle et a été limitée dans le choix des suites qu’elle souhaitait apporter à ses contrôles […]”
“[…] Le conseil, sans se prononcer sur les conséquences personnelles pour mme X, estime que l’atteinte sur sa santé a également eu un impact sur sa capacité d’exercer sa mission […]”
“[…] Le conseil considère que, s’il n’y a pas eu d’acte positif d’une administration, au sens de l’article 28 bis de la loi du 13 juillet 1983, l’absence d’action a eu pour conséquence de mettre Mme X en situation de ne pas pouvoir remplir pleinement sa mission […]”
“[…] le conseil relève qu’entre l’affectation et les pièces complémentaires apportées à la saisine, 21 mois se sont écoulés sans qu’une solution n’ait été apportée […]”
Et le C.N.I.T. de conclure: […] Il appartient donc à son employeur, la DREETS de Y, sous l’égide de la DGT, autorité centrale, de prendre toutes mesures nécessaires pour faire cesser l’atteinte aux fonctions telles que définies aux articles 10 et 11 de la convention C081 de l’OIT, l’atteinte à la liberté de décision définie à l’article 17 de la convention C081 de l’OIT résultant de l’absence de moyens, et de permettre à Mme X d’exercer ses missions dans de bonne s conditions matérielles”.
C’est du lourd: atteinte aux fonctions de l’inspectrice du travail ! atteinte à la liberté de décision résultant de l’absence de moyens !
L’USNTEFP-CGT constate à travers cet avis que tout ce qu’elle dénonçait en matière de violation de la convention n°81 de l’OIT sur l’inspection du travail avec la création d’OTE est corroboré par cet avis du C.N.I.T. Force est de constater que la DGT, autorité centrale de l’inspection du travail , ne fait aucunement autorité face aux services préfectoraux auxquels les DREETS chargés de s’assurer des moyens matériels de l’inspection du travail en application du 7° de l’article R8122-1 du code du travail, ont délégué nos services supports.
Par conséquent, l’USNTEFP-CGT demande à la DGT si elle se sent toujours investie de la mission d’autorité centrale du système d’inspection du travail:
- de veiller à la bonne application par les préfets (dont les pouvoirs viennent encore d’être renforcés par instruction du premier ministre du 5 septembre 2025) de la fiche 11 de son propre guide DGT à l’usage des DREETS et DDETS (version mars 2021) sur les moyens matériels de fonctionnement du SIT et notamment les moyens relatifs aux locaux et à la logistique,
- de tirer toutes les conséquences de cet avis du CNIT en demandant expressément aux DREETS de reprendre en direct l’intégralité des services supports dont a besoin l’inspection du travail et tous les services du ministère du travail et de l’emploi pour fonctionner (en leur transférant évidemment les effectifs suffisants pour le faire !)
Pour rappel, le C.N.I.T est composé d’un/d’une membre du Conseil d’Etat, d’un/d’une membre de la Cour de la Cour de cassation, d’un/d’une IGAS, d’un/d’une DREETS ou chef(fe) de pôle T membre du corps de l’inspection du travail, d’un RUC, de deux inspectrices/inspecteurs du travail, d’un contrôleur du travail.
Il peut être saisi par tout agent participant aux activités de contrôle de l’inspection du travail de tout acte d’une autorité administrative de nature à porter directement et personnellement atteinte aux conditions dans lesquelles il doit pouvoir exercer sa mission (article D.8121-2 du code du travail).