Le 16 octobre 2015, un millier de manifestants à Annecy pour la relaxe de Laura

Déclaration du SNTEFP-CGT

Répondant à l’appel des organisations syndicales du ministère du travail et interprofessionnelles (CGT, CNT, FO, FSU, Solidaires) un millier de manifestants se sont rassemblés vendredi 16 octobre 2015 devant le palais de justice d’Annecy pour exiger la relaxe de l’inspectrice du travail et de l’ex-salarié, lanceur d’alerte, de Tefal. Ils étaient poursuivis pour recel et violation du secret professionnel pour l’agente de contrôle, et vol et atteinte au secret des correspondances pour l’ex-salarié.

Un « tous ensemble » permis par la mobilisation des unions départementales CGT de Rhône-Alpes venues en car, par une présence massive des salariés en grève de Tefal, et par la venue de toute la France d’agents du ministère du travail également en grève.

Sur le parvis du palais de justice d’Annecy, au milieu des manifestants une grande scène, celle de « l’autre procès » réalisé par des artistes engagés. C’est le procès qui normalement aurait dû avoir lieu : celui de l’atteinte à l’indépendance de l’inspection du travail, et le procès d’un ministère qui n’est toujours pas intervenu pour dénoncer les pressions de Tefal.

Au lieu de poursuivre les procès-verbaux de Laura Pfeiffer sur l’obstacle aux fonctions, sur la durée du travail, sur l’entrave CHSCT, le procureur d’Annecy a préféré poursuivre l’inspectrice pour lui reprocher d’avoir mis en copie de sa saisine du Conseil national de l’inspection du travail non pas un syndicat, mais tous les syndicats du ministère du travail…

A l’intérieur du tribunal lors du procès, il n’a jamais vraiment été discuté du fond, du contenu des documents transmis au CNIT démontrant l’atteinte à l’indépendance de l’inspection. Le procureur a débattu de la nécessité de l’inspection du travail à s’adapter aux réalités économiques, et surtout a contesté la possibilité pour un agent de faire appel à l’ensemble des syndicats du ministère alors que l’indépendance de l’inspection du travail est mise en cause…

Celine Verzeletti, membre du Bureau confédéral de la CGT, est notamment intervenue pour :

  • défendre l’exercice de cette liberté syndicale en dénonçant notamment les propos du procureur de la République, « qui ne peut pas être un représentant digne de la République en piétinant dans une même expression et le statut des fonctionnaires et la liberté de se syndiquer » ;
  • rappeler que « le fonctionnaire a pour vocation de servir l’intérêt général et c’est dans ce sens et au titre de la responsabilité qui lui incombe qu’il doit bénéficier de la plénitude de ses droits citoyens ».

Pourtant, le procureur a requis pour 5000 euros d’amende.

Le jugement est attendu pour le 4 décembre 2015. C’est un véritable procès à front renversé, une inversion des rôles où ceux qui ont dénoncé les atteintes à l’indépendance de l’inspection du travail sont devenus les coupables, tout comme les salariés d’Air France le sont devenus, après s’être mobilisés contre le chantage à l’emploi, la brutalité des licenciements.

Tous réunis, mobilisés, unis, nous exigeons :

  • la relaxe de l’inspectrice du travail et du lanceur d’alerte ;
  • la reconnaissance de l’accident de travail dont a été victime Laura ;
  • la condamnation publique des agissements de Tefal et des propos du parquet par la ministre du travail et la ministre de la justice ;
  • l’appel du classement sans suite du PV d’entrave au CHSCT de Tefal par la ministre du travail.

Merci à tous ceux qui étaient présents ou en grève et qui ont contribué au succès de la mobilisation : 1000 manifestants à Annecy, des dizaines de rassemblements dans les régions et (pour le moment) 2300 signatures de la pétition en ligne.

Paris, le 20 octobre 2015

La déclaration intersyndicale CGT-SUD-SNUTEFE-FO-CNT lue à Annecy le 16 octobre 2015

Aujourd’hui, notre collègue Laura Pfeiffer est appelée à comparaître devant le tribunal correctionnel pour recel et violation du secret professionnel à la demande de l’entreprise Tefal.

Aujourd’hui, nous ne pouvons qu’être en colère contre cette mise en cause de l’inspectrice du travail pour n’avoir fait que son travail, pour avoir dénoncé, grâce au courage du salarié lanceur d’alerte, les pressions extérieures indues dont elle a été victime de la part de l’entreprise Tefal, relayée par sa hiérarchie locale. Le Conseil national de l’inspection du travail, saisi par notre collègue, a confirmé par son avis du 10 juillet 2014 l’existence de pressions extérieures indues, confirmant donc la violation de la convention 81 de l’OIT.

Nous sommes en colère car cette comparution est une attaque contre nos missions de plus en plus fragilisées par le patronat qui tente par tout moyen de nous faire taire, allant parfois jusqu’aux menaces et actes de violence. Le dernier exemple en date se passe dans les côtes d’Armor où des inspecteurs du travail ont vu leur voiture de service sabotée par un agriculteur, avec un classement sans suite du parquet. Mais c’est également une attaque contre le monde du travail, les salariés que nous devons protéger face à l’arbitraire et face à des lois de moins en moins protectrices des salariés (éclatement de la hiérarchie des normes, loi Macron et Rebsamen).

Nous sommes en colère car cette affaire a débuté il y a maintenant plus de 2 ans et la santé de notre collègue en est considérablement dégradée. L’acharnement de la direction contre notre collègue (refus de congés, refus de reconnaissance de ses trois accidents de service, convocation par le DIRECCTE à un entretien disciplinaire…) a été aggravé par sa comparution devant le tribunal, qui compromet encore plus son état de santé.

Alors quoi ? Que faut-il attendre pour que la justice soit rendue ? Pour que les procédures de notre collègue contre l’entreprise Tefal soient suivies, pour que notre ministère sorte enfin de son silence insupportable ? Ce silence, qui n’est pas un hasard : les agissements de Tefal sont encouragés par le gouvernement qui promet de poursuivre encore sa politique pro-patronale par une nouvelle réforme du code du travail reprenant les conclusions du rapport Combrexelle.

Et comme si on n’en n’avait pas assez, c’est au tour du procureur de la République d’Annecy de s’exprimer dans la presse pour nous briser « Qu’une grande entreprise vienne dire au directeur du travail qu’une inspectrice du travail lui casse les pieds, je ne suis pas juridiquement d’accord. Mais en même temps c’est la vie réelle, on vit dans un monde d’influence et de communication, ce n’est pas le monde des bisounours…. On en est encore au stade des poursuites, mais ce peut être un rappel à l’ordre pour un corps [celui de l’inspection du travail] qui se doit d’être éthiquement au-dessus de la moyenne, une occasion de faire le ménage ». « Les inspecteurs du travail ne devraient pas pouvoir se syndiquer ».

Personne ne fera le ménage chez nous ! Ce procès politique doit cesser !

Il porte atteinte au droit international du travail garanti par l’OIT et à la justice sociale!

Nous demandons :

  • la relaxe de notre collègue et du lanceur d’alerte ;
  • la poursuite devant la justice des procédures initiées par notre collègue ;
  • une condamnation publique des agissements de Tefal et des propos du parquet par la ministre du travail et la reconnaissance des accidents de service de notre collègue.

L’intervention de Céline Verzeletti, membre du bureau confédéral de la CGT, à Annecy le 16 octobre 2015

Cher-es camarades,

nous sommes toutes et tous, aujourd’hui, réunis, rassemblés, mobilisés, unis pour défendre nos camarades, de Téfal et de l’inspection du travail.

Ici présents pour les soutenir parce qu’ils ont eu le courage, pour l’un de révéler les manœuvres de Téfal pour empêcher une fonctionnaire de faire son travail en l’occurrence de faire appliquer le droit du travail, et pour l’autre, notre camarade de l’inspection du travail d’avoir eu le courage et la ténacité de mener à bien sa mission sans flancher sous les différentes pressions et notamment celles de sa hiérarchie.

Nous sommes toutes et tous rassemblés pour dénoncer les attaques répétées à l’encontre de l’inspection du travail, démantelée depuis des années de manière volontaire et éhontée afin que le patronat puisse tirer profit au maximum du travail des salarié-es sans être encombrer de règles et garanties qui assurent pourtant l’intégrité physique et mentale des travailleurs.

Nous sommes toutes et tous présents, pour dénoncer les propos du procureur de la République, qui ne peut pas être un représentant digne de la République en piétinant dans une même expression et le statut des fonctionnaires et la liberté de se syndiquer.

Je rappellerai quand même que le fonctionnaire a pour vocation de servir l’intérêt général et c’est dans ce sens et au titre de la responsabilité qui lui incombe qu’il doit bénéficier de la plénitude de ses droits citoyens.

Nous savons le statut des procureurs fragiles et donc ne permettant pas une indépendance totale, mais, comment peut-on représenter l’action publique et faire si peu cas des droits et des libertés,  faire si peu de cas de la Loi…. Comment est-il possible qu’un Procureur puisse manquer autant de réserve ?….puisse bafouer ainsi la Justice et la démocratie ?

Nous assistons à une inversion des rôles où les victimes deviennent les agresseurs, des personnes coupables de délits et les véritables agresseurs des victimes de harcèlement, de violences. En dénonçant des délits, en refusant de nous soumettre, nous devenons coupables car irrespectueux du devoir de réserve, ayant violé la discrétion et le secret professionnel, ou en faute pour manquement à la déontologie ? Nous devenons coupables de violences en réunion comme nos camarades d’Air France, qui ont pu perdre un peu de sérénité face à la violence sourde et quotidienne des stratégies menées par leur direction, face au chantage à l’emploi qui leur est soumis depuis plusieurs années.

Nous n’acceptons pas ce système pervers, qui détourne l’état de droit ! Nous ne devons pas être dupes, cette offensive du patronat soutenue par l’Etat employeur, soutenue par le gouvernement n’est pas le fait du hasard.

C’est bien une stratégie pour mettre au pas toutes celles et tous ceux qui ne voudraient pas se plier au diktat de la finance. Mettre au pas toutes celles et tous ceux qui travaillent l’émergence d’un front de résistance, toutes celles et tous ceux qui pourraient nourrir l’idée que d’autres choix économiques sont possibles, nourrir l’idée que les droits des travailleurs ne sont pas un frein à une relance de l’économie mais bien au contraire, que de meilleures conditions de travail, de meilleurs salaires, de meilleures conditions de vie sont la clé d’une société moderne et riche, ambitieuse et pleine d’avenir.

Trop souvent l’Etat ne garantit pas l’application du droit, n’assure pas les libertés syndicales. Les militantes et militants, qu’elles ou ils soient du public ou du privé, sont maltraités : blocage de carrière, licenciement, mises à pied, déplacement d’office, sanctions disciplinaires, procédures judiciaires suite à des montages fallacieux, un véritable scandale !!!

Face à tous ces agissements, ce déni du droit et de la loi, nous devons nous battre, élever le rapport de force, nous mobiliser, mener la bataille…..

Comme aujourd’hui, dans l’unité la plus large, gardons la tête haute, resserrons les liens de solidarité.

La CGT soutient pleinement les camarades et souhaite vivement :

  • l’arrêt immédiat des poursuites contre l’inspectrice et le lanceur d’alerte ;

  • la reconnaissance de l’accident de travail dont a été victime Laura ;

  • que les infractions commises au détriment des salarié-es de Téfal soient corrigées au plus vite, que la justice reconnaisse enfin ces infractions et les sanctionne comme il se doit ;

  • une condamnation publique des agissements de Tefal et des propos du parquet par la ministre du travail et la ministre de la justice.

Soyez-en-sûrs, la CGT assure et assurera jusqu’au bout son engagement pour obtenir la justice et la reconnaissance de nos droits.