A grand bruit, Robert Badinter et Antoine Lyon-Caen publient un livre et s’offrent une tribune dans Le Monde où ils dénoncent la « complexité croissante du droit du travail » et un code du travail « atteint d’obésité » incapable d’assurer la sécurité juridique des patrons et des salariés. Afin de le rendre lisible et efficace, ils proposent d’en dégager les grands principes sous forme d’une « déclaration des droits du travail » (et non des travailleurs…).
A bien y regarder, la proposition ne cherche cependant pas à débarrasser le code du travail de complexités inutiles qui restreignent ou différencient les droits des salariés. Il s’agit au contraire d’un véritable manuel de la déréglementation.
D’abord – et bien que les auteurs se défendent de répondre à une commande gouvernementale – il faut rappeler qu’Antoine Lyon-Caen fait partie de la mission Combrexelle mise en place par le gouvernement pour « élargir la place des accords collectifs dans le droit du travail et la construction des normes sociales » – autrement dit accentuer le processus d’inversion de la hiérarchie des normes, visant à placer les accords d’entreprise au-dessus de la loi qui ne serait plus qu’un socle minimal. Si Macron s’est empressé de déclarer que la mission s’appuierait sur les travaux de MM. Badinter et Lyon-Caen, c’est que la coïncidence temporelle n’est pas le fruit du hasard et que la ficelle est un peu grosse.
Ensuite, le discours sur la simplification, supposée dissiper les angoisses des employeurs et faciliter les embauches, relève d’une véritable mystification. La complexification à outrance est en réalité le fait de ceux qui modifient les lois en faveur des patrons, notamment en multipliant les dérogations et les exceptions au principe de faveur. La loi Macron qui introduit de nouvelles dérogations au repos dominical ou au travail de nuit en est un nouvel exemple. A l’inverse, le scandale de l’amiante rappelle quels peuvent être les ravages de l’absence de réglementation. De leur coté, les travailleurs de Grèce pourraient témoigner de « l’efficacité » d’un code du travail simplifié à l’extrême : une précarité et un chômage qui explosent !
Enfin, bien des propositions de la « déclaration des droits du travail » enregistrent les reculs opérés ces dernières années (sur la durée du travail, le repos dominical, le travail de nuit, le recours au travail précaire, la prescription des actions en justice sur les salaires…). Pire, le « socle » proposé est lui-même en recul par rapport à l’existant : rien sur la santé et la sécurité, aucune référence au SMIC, rien sur la protection des représentants du personnel, aucune trace de l’inspection du travail…
Pour le SNTEFP-CGT, la seule simplification qui vaudrait, ce serait celle qui accroîtrait les protections des salariés : l’édiction de règles simples et protectrices applicables à tous les salariés, la fin des dérogations favorables aux patrons, le retour au principe de faveur… et également le retrait des lois Macron et Rebsamen et la dissolution de la mission Combrexelle.
Paris, le 19 juin 2015