lettre ouverte à la ministre du travail CGT – CFDT – CNT – FO – FSU – SUD – UNSA
Madame La Ministre,
Dans le cadre du mouvement de protestation des agriculteur.trice.s qui secoue le pays, des services de l’Etat ont été pris pour cible. Plusieurs de nos organisations vous ont interpelée… en vain ! Votre silence est assourdissant ! A la pendaison d’un cadavre de sanglier devant nos locaux à Agen jeudi dernier, se sont ajoutés les incendies de la MSA à Narbonne et du bureau des douanes à Nîmes. Quelques jours plus tôt, un bâtiment de la DREAL à Carcassonne, anciennement occupé par nos services, a été détruit par le « comité d’action viticole » au moyen d’explosifs. Quel niveau de violence faudra-t-il atteindre pour que le gouvernement défende les agent.es publics et la légitimité de leur action ?
Nos organisations syndicales soutiennent les revendications des agriculteur.ices et des salarié.es agricoles qui réclament de pouvoir vivre décemment de leur travail. En revanche, nous dénonçons la démagogie contre les « normes ». Les « normes », ce sont par exemple les règles qui permettent d’éviter que les travailleur.es agricoles s’empoisonnent avec des agent.es chimiques dangereux, que des personnes soient blessées ou tuées du fait de machines agricoles dangereuses, ou encore que les travailleur.es saisonniers auxquels l’agriculture a massivement recours, ne soient surexploités ou décèdent sous l’effet de fortes chaleurs lors des vendanges comme en 2023 !
En dénonçant la « paperasse », en pointant un nombre de contrôles qui serait trop élevé, B. Le Maire et G. Attal désignent les agent.es publics comme bouc-émissaires, alors que la responsabilité des difficultés du monde agricole est à rechercher ailleurs.
Nous nous inquiétons tout particulièrement de l’annonce du premier ministre concernant un « contrôle administratif unique » par an dans les exploitations agricoles, sous l’égide du préfet. Cette annonce peut évidemment être comprise comme englobant les contrôles de l’inspection du travail. Or, par principe, les contrôles de l’Inspection du travail doivent rester à l’initiative des agent.es de contrôle de terrain, en fonction des situations de travail réelles qu’ils et elles rencontrent. En outre, les contrôles de l’inspection de travail ne peuvent qu’être exclus de la main mise préfectorale annoncée, au regard notamment des dispostions de la convention n°129 de l’Organisation Internationale du Travail ratifiée par la France et du code du travail. Alors que les obstacles, outrages et agressions contre les agent.es de contrôle de l’inspection du travail en milieu agricole sont déjà nombreux – votre prédécesseur a été interpellé à plusieurs reprises sur ce sujet, par écrit et dans le cadre des instances de représentation des agent.es – une telle annonce risque de légitimer le recours à la violence contre nos collègues, qui sont d’ailleurs fondé.es à se retirer de cette situation que le gouvernement contribue à envenimer.
Nos organisations syndicales tiennent à vous rappeler l’importance des contrôles de l’inspection du travail dans ce secteur d’activité où les salarié.es se voient appliquer des règles dérogatoires au code du travail qui leur sont défavorables ( durée du travail hebdomadaire fixée à 60H pouvant être portée à 72H, recours au travail des jeunes facilité…), subissent des conditions de travail particulièrement difficiles (En 2021, 110 AT mortels dans le monde agricole et 47 000 Accidents du travail) dans un environnement où les instances représentatives du personnel sont faiblement implantées au regard de la taille des exploitations agricoles.
Nos organisations syndicales demandent à ce que ces annonces soient clarifiées rapidement et publiquement. Elles vous demandent, Madame La Ministre, de sortir de votre silence, qui met en danger les agent.es, de prendre position contre les menaces dont sont victimes vos agent.es, de saisir le parquet des menaces de mort proférées en Lot et Garonne, et de recevoir en urgence les organisations syndicales. Alors que nous allons commémorer cette année les vingt ans de l’assassinat de nos collègues à Saussignac, nous ne voulons pas qu’un tel drame se reproduise.