Les RPS ont de l’avenir au Ministère du travail
Lors du dernier CHSCT Ministériel du 25 septembre 2019, face au silence assourdissant de la DRH sur les suites données à nos demandes concernant la prévention des RPS, des tentatives de suicides et des suicides, ainsi que sur la mise en place des échanges professionnels entre pairs – pourtant préconisés par plusieurs rapports depuis 2014 (ex. Rapport Alternatives ergonomiques sur le plan « Ministère Fort », rapport du CHSCT-M sur la réforme territoriale de 2017) et maintes fois demandés – nous avons voté, à l’unanimité, une demande de CHSCT extraordinaire avec pour ordre du jour unique ces deux problématiques.
Aucune convocation n’est intervenue depuis, ce qui s’analyse à ce stade comme un refus illégal au regard de la réglementation.
Certes l’administration a depuis organisé un groupe de travail sur les tentatives de suicides et suicides, mais qui s’est vite transformé en conversation du café du commerce[1], du fait du refus de l’administration de nous communiquer les informations, dont les rapports d’enquête des CHSCT-R, permettant de mener un travail d’analyse commun, de définir et de pouvoir mettre en œuvre des mesures de prévention transversales adaptées au niveau du Ministère.
Nous avons fermement exprimé notre désaccord sur cette façon de procéder et sur l’impossibilité de fait pour le CHSCT-M de pouvoir traiter, au niveau ministériel, de ces questions au fond et réaliser un travail construit et global, pourtant indispensable, sur les risques auxquels sont exposé·es les agent·es au sein du Ministère, en Direcctes, en Diecctes ou en Administration centrale.
En effet, les sujets et les situations sources de RPS ne cessent de s’accumuler au sein du Ministère, sans être traités. Pire ils sont parfois volontairement générés par des décisions politiques prises de façon dogmatique, pour « faire des économies » sans égard pour le service public et les conditions de travail des agent·es.
C’est le cas avec la réforme de l’organisation de l’Etat (OTE), qui est en train d’être déployée sans aucune lisibilité, et sans avoir préalablement évalué les risques.
L’« analyse d’impact » (à défaut d’expertise acceptée par la Direction) présentée ce jour au CHSCT-M pointe le caractère pathogène de cette réorganisation pour les agent·es : usure, perte de sens, éloignement de l’usager et lassitude face à l’accumulation des réformes d’organisation des services et des politiques publiques, contradictoires et non évaluées, dans un contexte de réduction des effectifs et de dégradation du service public.
Autre exemple de maltraitance des agent·es : le sort réservé aux contrôleur·ses du travail avec la « mise en extinction du corps » et le CRIT.
Sujet qui devait être traité par le CHSCT-M en 2019 dans le cadre des orientations ministérielles suite à un autre refus expertise mais qui semble avoir été « oublié ». Avant d’être finalement traité en urgence pour partie par une note conjointe DGT –SG suite à la décision incompréhensible du jury de retoquer 115 agent·es ! Si le Ministère avait écouté nos syndicats qui demandaient la juste reconnaissance des capacités professionnelles des contrôleur·ses du travail plutôt qu’une loterie opaque…
Et que dire des services renseignements ou la mise en place du numéro d’appel unique et la « mutualisation » des agent·es par région, qui aboutit à un service public dégradé, avec des usagers renvoyés sans cesse et sans réponse, une inflation de courriels bien plus difficiles à traiter qu’un face à face avec un·e salarié·e en instance de licenciement…
Toujours coté travail, les agent·es de contrôle subissent les injonctions permanentes de la DGT et de sa politique du chiffre, alors même que les effectifs et le nombre de sections sont en baisse continuelle avec des problématiques d’intérims structurels et de vacances de postes dans de nombreuses UD.
Et le délire managérial autoritaire de la DGT s’aggrave, sans tenir aucun compte du climat social catastrophique qui règne dans les services (voir le baromètre social 2018 du ministère avec ses 11% d’agent·es qui se sentent bien au travail…), avec la sommation du mois d’octobre que WIKIT soit utilisé par toutes et tous tout le temps. En se moquant de la législation sur les fichiers nominatifs et de ses propres déclarations à la CNIL sur la non-utilisation de WIKIT pour suivre individuellement les agent·es !
Certains Direcctes en rajoutent dans le mépris des agent·es et du service public : les dernières exigences par mèl du 6 Novembre du Direccte ARA en matière de contrôle PSI en sont une illustration hallucinante : il faudrait « différer tout autre contrôle, hors situation de danger grave et imminent et enquête d’accident du travail grave ou mortel, jusqu’à l’atteinte des objectifs régionaux de contrôle »(sic !). Les agent·es vont résister à cet oukase et nous les soutiendrons !
Car nos chef·fes, incapables de motiver un service démoralisé par la baisse des effectifs, la dégradation des conditions de travail et les réformes successives, détruisent le sens du service public en le réduisant à une politique des bâtonnets.
En outre, non seulement la Ministre et la DGT ne prennent pas en compte la réalité des conditions de travail de leurs agent·es, mais ils ont été jusqu’à remettre publiquement en cause l’action des agent·es de contrôle, dans le cadre du droit de retrait exercé par des cheminots après l’accident ferroviaire survenu dans les Ardennes.
Que la Ministre triture le code du travail dans sa vision pro-patronale constante, pour servir ses objectifs politiques est déjà choquant, mais que le DGT s’abaisse, en parfaite connaissance des textes et pratiques des services, à écrire au DRH de la SNCF le 22 octobre 2019, que les lettres d’observations des inspecteurs du travail -soit 95% de leur activité écrite – « n’engagent que leurs auteurs »… La coupe est pleine pour les agent·es que nous représentons.
Et après le terrible incendie de Lubrizol, révélateur de la faillite de l’Etat néo-libéral, le ministère cherche des boucs-émissaires dans nos services.
Les accidents comme ceux de Lubrizol ne surviennent pas à cause de la fainéantise des agent·es des corps de contrôle. Ils se produisent parce que les grands groupes capitalistes courent après les profits au mépris de la sécurité de leurs salarié·es et des populations, notamment en externalisant nombre d’opérations délicates et les risques induits. Ils se produisent parce que le gouvernement a fait le choix politique de la défense des intérêts de ces grands groupes et a organisé sciemment sa propre impuissance, et ce au mépris des engagements pris après l’explosion d’AZF.
Nos organisations syndicales mettent en garde la DGT et le ministère : la solution à ces problèmes n’est pas la création d’énièmes sections ou unités de contrôle spécialisées qui équivaut à déshabiller certain·es salarié·es pour en couvrir d’autres !
La mise en place de sections spécialisées SEVESO va aggraver la situation avec des collègues qui vont se retrouver seuls face à la pression des multinationales du pétrole ou de la chimie, des collègues à qui l’administration reprochera ne n’avoir pas suffisamment contrôlé si le crime industriel survient.
A Rouen, les agent·es de l’inspection du travail qui ont été faire le boulot sur le site dès le lendemain, n’avaient pas les équipements de protection individuelle adaptés et 6 semaines après, aucune procédure n’existe pour le nettoyage des EPI malgré les demandes récurrentes du CHSCT. Idem en termes de suivi médical où l’administration a omis d’avertir le médecin de prévention ! Une véritable honte.
Si l’Etat veut réellement prévenir les accidents industriels, au lieu de n’en parler qu’après chaque catastrophe, qu’il en donne les moyens à ses services, seule preuve d’une réelle priorité politique, par une réglementation à la hauteur des enjeux, une interdiction de la sous-traitance incontrôlée qui augmente considérablement les risques, un plan massif de recrutement à l’inspection du travail (à peine 1800 agent·es de contrôle sur le terrain en 2018, contre 2250 en 2010 avec le projet d’un·e agent-e pour 10 000 salarié·es ! Et le ministère prévoit de supprimer encore 200 postes d’ici 2022), une augmentation des moyens techniques et d’appuis aux agent·es plutôt que des chef·fes chargé·es-s uniquement de « piloter » les agent·es de terrain, qu’il étende la procédure d’arrêt de travaux à tous les manquements en matière de santé sécurité, qu’il permette aux agent·es de contrôle de déclencher une expertise risque grave aux frais de l’employeur et bien sûr une tolérance zéro pour la délinquance patronale.
Malheureusement, la politique actuelle continue d’être le déni des risques. A Rouen, le préfet de Région s’illustre une nouvelle fois après LUBRIZOL. Il refuse que les résultats de prélèvements amiante réalisés cet été au sein de la cité administrative de Rouen où est logée l’UD 76, soient communiqués aux différentes administrations et leur CHSCT !
Mais pourquoi le préfet devrait-il respecter la réglementation sur les CHSCT et l’amiante quand le ministère du travail ne les respecte pas… ?
Après presque 6 ans de bagarre pour faire respecter le décret 82-453 sur l’intervention de l’inspection du travail en cas de désaccord sérieux et persistant suite à un DGI ou un refus d’expertise votés en CHSCT, le DGT et la DRH demandent que l’inspection du travail des armées soit compétente pour nos services !
Les multiples atteintes au service public et aux conditions de travail des agent·es ne font qu’augmenter la souffrance au travail des agent·es dans tous les services, emploi ou travail.
Nous vous mettons en garde solennellement, il est urgent de changer de politique !
[1] Conversation du Café du commerce : conversation sans intérêt, non élaborée, où l’on dit des banalités pleines d’un gros bon sens, dépourvu de profondeur et de finesse