Covid-19 : lettre ouverte à Muriel Pénicaud, ministre du travail (CGT-CNT-SUD-FSU)

La semaine dernière, deux agent-e-s du ministère du travail sont décédé-e-s du fait du Covid-19. Malgré les nombreuses alertes et interpellations des représentant-e-s au CHSCT et des organisations syndicales, il aura fallu la mort de notre collègue d’Évreux pour que la DIRECCTE de Normandie prenne conscience des risques réels et décide de fermer l’ensemble des sites le temps de prendre de nouvelles mesures d’organisation des services. Alors que ces situations dramatiques risquent de se multiplier, les mesures de prévention mises en œuvre au sein du ministère sont toujours aussi hétérogènes et insuffisantes.

Dans de nombreuses unités départementales, des agent-e-s sont contraint-e-s de se rendre dans les locaux du ministère pour réaliser des tâches, comme l’activité partielle ou le renseignement en droit du travail, qui seraient parfaitement télé-travaillables si les moyens techniques appropriés étaient déployés. Et certains RUD imposent encore la présence sur site d’un nombre minimum d’agents de contrôle et de secrétariat. Jour après jour, de nouveaux collègues contractent le virus et il est manifeste que certain-e-s d’entre eux ont été contaminé-e-s sur leur lieu de travail après le début de la période de confinement. Nous demandons que l’imputabilité au service de ces contaminations soit reconnue par l’administration. N’attendez pas que d’autres agent-e-s décèdent pour prendre les mesures appropriées! Plus aucun collègue ne doit être contraint de se rendre sur site! Des moyens doivent être fournis sans délai pour que l’ensemble des missions dont la poursuite est nécessaire puissent être conduites à distance. Les CHSCT doivent être informés en temps réel des cas ou suspicions de contaminations. Les UD concernées doivent être temporairement fermées et décontaminées.

Parallèlement, des entraves scandaleuses et illicites sont apportées à l’action des agent-e-s de contrôle qui tentent de poursuivre leur mission dans ces circonstances difficiles. Ainsi des chefs de services refusent purement et simplement de délivrer des autorisations de déplacement. Des RUD (Seine-et-Marne), face à l’absence de volontaires, menacent d’affecter d’autorité des agent-e-s de contrôle à l’activité partielle et remettent en cause le sens du service public de celles et ceux qui souhaitent poursuivre leurs missions d’inspection du travail. La majorité de nos collègues n’ont aucun masque FFP2 ou équipement de protection individuel équivalent à leur disposition pour se protéger si une intervention en entreprise exposant à un risque de contamination (par exemple après un droit d’alerte d’un CSE ou CSSCT) est nécessaire. Pire, une DIRECCTE (Grand-Est) a fait interdiction aux agent-e-s de contrôle d’en porter!

Enfin, nous constatons que chaque conseil ou avis émis conformément à la convention OIT81 par un-e collègue, tendant – pour mettre fin à une situation de risques professionnels avérés – à conforter l’exercice du droit de retrait par des salariés ou suggérant à une entreprise d’interrompre provisoirement son activité déclenche systématiquement les foudres de la hiérarchie, qui s’est autorisée à plusieurs reprises à répondre à des employeurs en lieu et place des agent-e-s voire à réécrire leur courrier. Dans le Maine-et-Loire, la direction a même organisé le recadrage collectif d’une unité de contrôle par audioconférence en présence du DIRECCTE !

Loin de condamner ces pressions, la note du DGT en date du 30 mars les institutionnalise. En bon petit soldat du gouvernement, M. Struillou tente d’interdire aux agent-e-s de contrôle, et les menace de voir leur responsabilité engagée, d’adresser des courriers de rappel de la réglementation aux entreprises de leur secteur au motif que ces derniers pourraient les considérer comme «une injonction de cesser immédiatement toute activité». Les missions de conseil et d’information doivent être priorisées, mais uniquement pour diffuser les « fiches pratiques du ministère du travail », lesquels ne rappellent jamais les obligations de l’employeur en matière de santé et de sécurité prévues par le code du travail. Les interventions sur site doivent être limitées aux situations d’urgence et seulement en cas d’impossibilité d’intervenir à distance, après en avoir informé son RUC ainsi que… l’entreprise.

Sous couvert d’assurer la protection des agent.es, la DGT organise donc l’arrêt des contrôles inopinés ! Nos organisations syndicales refusent cette mise entre parenthèse de l’inspection du travail, cette forme de suspension de l’ordre public social par impossibilité de le contrôler,appendice de la communication gouvernementale qui donne la priorité à la « continuité de l’activité économique » sur la préservation de la santé au travail. Au contraire, dans ces circonstances l’indépendance de décision de l’inspection du travail, garantie par la convention 81 de l’OIT, est d’autant plus vitale. Nous exigeons le retrait de cette note honteuse et une instruction nationale claire garantissant à l’ensemble des agent-e-s de contrôle les moyens administratifs et techniques de poursuivre leur mission en sécurité, notamment la fourniture partout aux agents de l’inspection du travail de kits de protection contre le risque biologique, incluant des masques FFP2, avec des consignes sanitaires adaptées et des procédures d’intervention.

Nous demandons au gouvernement d’étendre les arrêts d’activité au risque biologique.

Dès maintenant nous exigeons l’arrêt immédiat des pressions et mesures de rétorsion.

Nous appelons nos collègues à ne pas céder aux menaces et ordres illicites du DGT. D’ores et déjà nous mettons en place un système de recueil national des pressions et entraves à nos missions et nous saisirons si besoin le BIT.

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