La ministre a reçu la CGT le 9 septembre dans le cadre de réunions bilatérales avec les syndicats du ministère du travail. Rappelons qu’elle avait refusé une demande de réunion intersyndicale déposée dès son arrivée à Grenelle, ce que l’intersyndicale a publiquement dénoncé. Nous avons néanmoins accepté le cadre bilatéral pour obtenir des réponses aux revendications des agent-es que nous relayons depuis des mois sans écho.
La ministre du travail a introduit la réunion en présentant ce qui, pour elle, constitue les enjeux à venir : le plan de relance, le plan jeunes, l’accompagnement des plans de licenciements. Elle a indiqué que les agent-es pouvaient être « fier-es de servir », que les interventions des services et de l’inspection du travail étaient essentielles et que, d’un point de vue interne, il fallait travailler sur les conditions de travail et les perspectives individuelles de carrière. Selon elle, quatre sujets peuvent être identifiés en interne : la réforme de l‘OTE, les effectifs, le télétravail et les carrières. Pas un mot sur le dossier chaud du moment, à savoir la sanction infligée à notre collègue Anthony, comme si de rien n’était.
La délégation CGT a ensuite lu la déclaration suivante en soutien des revendications du personnel :
Madame la ministre,
Ce n’est pas seulement la CGT, syndicat majoritaire, qui est reçue aujourd’hui.
Nous avons en effet un mandat du personnel du ministère du travail, qui s’exprime massivement depuis le 15 avril pour la levée de la suspension d’Anthony Smith, pour l’abandon de la procédure disciplinaire, pour le retrait de la sanction qui le frappe, et en défense des revendications plus générales que nous portons depuis des années – soutien qui s’exprime encore aujourd’hui dans le rassemblement intersyndical qui se tient en ce moment même rue de Grenelle, sous vos fenêtres, et à travers plusieurs initiatives locales. Vous avez pu avoir un aperçu de la colère qui anime nos collègues lors de votre déplacement à Caen il y a quelques jours.
Nous avons également un mandat des centaines de milliers de soutiens, syndicaux, politiques, individuels, qui se manifestent sans relâche depuis cinq mois, ces soutiens dépassant largement le cadre du ministère du travail tant cette procédure a créé un émoi considérable dans le monde du travail.
La procédure disciplinaire engagée par votre prédécesseuse, Mme Muriel Pénicaud, a ouvert une crise majeure et sans précédent au ministère du travail. Vous aviez dès votre arrivée l’opportunité d’y mettre un terme, ou en tout cas d’apaiser ce conflit, en renonçant à tenir le conseil de discipline, en vous abstenant de toute sanction, en reconnaissant que la demande de M. Anthony Smith de mettre des masques et des protections à disposition de salarié-es était cohérente avec votre propre décision de les imposer dans les entreprises.
Nous regrettons le choix que vous avez fait, qui prend la forme d’une mesure particulièrement excessive puisqu’elle mute notre collègue sur un poste à 200 km de son lieu de vie et hors de sa région d’origine et porte atteinte à sa vie personnelle et familiale, l’empêche d’exercer son mandat syndical au CHSCT de la DIRECCTE Grand Est et le déplace en dehors de l’inspection du travail où il n’a fait que son travail et cherché à aider des salariés en détresse.
Nous sommes donc ici d’abord pour obtenir des réponses, que nous réclamons en vain depuis des mois dans nos demandes récurrentes d’audience laissées malheureusement sans suite, sur les questions que se pose le personnel :
- quelle suite allez-vous donner au recours gracieux déposé par M. Anthony Smith contre la sanction dont il fait l’objet ?
- comment allez-vous garantir l’exercice indépendant de la mission d’inspection du travail à des collègues effarés et inquiets d’apprendre que la procédure disciplinaire est venue en exécution d’une demande du président du conseil départemental de la Marne relayée par l’encadrement local qui se permet d’intervenir à la place des agent-es de contrôle ? Qui plus est dans une nouvelle organisation des services qui risque de donner la tutelle des préfets sur l’inspection du travail ?
- quelles conditions de travail allez-vous offrir à des agent-es du ministère du travail épuisés et écœurés mais qui ont encore à cœur de rendre leur mission de service public laminée par des années d’austérité et l’empilement de réformes inutiles ?
- comment répondez-vous aux inégalités criantes résultant de la politique indemnitaire qui sert en priorité l’encadrement et néglige les bas salaires ?
Mais nous sommes aussi ici pour vous prévenir, Mme la ministre, que le personnel du ministère du travail n’en restera pas là. Son soutien à notre collègue et camarade Anthony est résolu, déterminé.
Nous n’allons évidemment pas chercher à nous convaincre réciproquement aujourd’hui : nous connaissons votre politique et ses effets sociaux et environnementaux désastreux, vous connaissez nos expressions et prises de position publiques.
Mais nous chercherons évidemment à entretenir la dynamique exceptionnelle de mobilisation du personnel en cours au ministère, sur la base des revendications suivantes :
- Retrait de la sanction prise contre Anthony Smith et respect de l’indépendance de l’inspection du travail
- Arrêt des suppressions de postes, rattrapage des pertes subies depuis au moins 2017, plan de recrutement pour pourvoir les postes vacants et doubler à terme les effectifs
- Arrêt immédiat de la réforme de l’organisation territoriale de l’Etat
- Dégel du point d’indice et rattrapage des pertes subies, 300 euros pour tous et toutes
- Promotion immédiate des collègues en sommet de grade au grade supérieur
- Passage sans condition de tous les contrôleurs du travail qui le souhaite en inspecteur du travail
- Plan de transformation des emplois de catégorie C en catégorie B
Sur la sanction prise contre Anthony : la ministre a accepté d’évoquer le sujet hors la présence d’Anthony, puis annoncé sa volonté « trouver les voies d’un apaisement» et de faire évoluer le contenu de la sanction en l’affectant sur un poste en section d’inspection du travail dans la Meuse, et ce sans condition ni contrepartie. Elle a toutefois confirmé son soutien à la sanction et indiqué que celle-ci n’était pas fondée sur les choix d’intervention (« ce serait là porter atteinte au principe d’indépendance » – sic), mais sur « des actes contraires à des fondamentaux du service public ». Elle a ajouté qu’il n‘était dans l’intérêt de personne de faire d’Anthony « un porte-étendard ou un symbole ». L’intersyndicale a déjà communiqué sur ce sujet.
Sur l’OTE : la ministre a indiqué que cette réforme la « laissait perplexe » (sic), regrettant essentiellement qu’elle supprime des postes d’encadrement, et qu’elle concevait qu’elle pouvait avoir des effets « anxiogènes » sans toutefois s’engager sur un quelconque retour en arrière.
La CGT a insisté sur les conséquences de l’accumulation des réformes depuis dix ans et, concernant spécifiquement l’OTE, sur le risque d’éclatement total des collectifs de travail des services du ministère et, pour l’inspection du travail, sur le risque d’immixtion des préfet-es avec, pour dernier exemple en date, les contrôles conjoints ARS/inspection du travail sous le pilotage du préfet dans la Sarthe.
La ministre n’a pas répondu sur le premier point et, sur le second, a affirmé que « l’inspection du travail ne serait pas sous la coupe des préfet-es » et qu’une ligne hiérarchique spécifique serait maintenue pour préserver l’indépendance des agents de contrôle. Elle a par ailleurs dit qu’elle trouvait très positif que des administrations travaillent ensemble sans répondre évidemment sur la question de la mainmise du préfet. Enfin, toujours concernant l’OTE, la Ministre a noté, chez les préfigurateur-trices qui ont été désigné, « un déséquilibre » entre ministères, laissant entendre qu’un rééquilibrage serait nécessaire.
Sur les effectifs : nous avons cité les chiffres des suppressions postes depuis 2017, tous services confondus, et rappelés ceux du dernier rapport de la Cour des comptes sur l’inspection du travail chiffrant à moins de 1900 le nombre d’agent-es de contrôle physiquement présent-es sur le terrain.
La ministre – qui ignorait la teneur de ce rapport – a concédé que, à l’occasion de ses déplacements sur le terrain, dans l’Oise et dans le Finistère, elle avait bien vu que le nombre de postes vacants était très important et que cette situation était préoccupante. Elle a en revanche indiqué que « ce n’était pas un moment d’euphorie pour les finances publiques » et laissé entendre que, compte tenu de la quantité d’argent déjà mise sur la table par le gouvernement en soutien à l’économie, il ne fallait pas espérer grand-chose concernant l’augmentation des effectifs.
Sur les carrières : nous avons rappelé que Mme Pénicaud n’avait pas tenu son engagement de porter auprès de Bercy la solution de passage de tous les CT en IT, reconnue par la DRH comme étant la moins coûteuse et faisant l’unanimité des syndicats. Elle a pris note de ce sujet qu’elle avait l’air de découvrir et indiqué qu’elle remettrait le dossier « en haut de la pile ». Nous avons également porté la nécessité de rouvrir les discussions rompues par le ministère en 2016 sur la revalorisation des agent-es de catégorie C et la transformation l‘emploi en catégorie B, dans lesquelles la CGT s’était fortement impliquée.
Le temps imparti (1 heure) n’a pas permis d’aborder d’autres sujets pointés dans notre déclaration (conditions de travail, santé, rémunérations…). La ministre a indiqué qu’elle présiderait le prochain CTM (convoqué le 19 octobre prochain) et le prochain CHSCTM (à une date encore inconnue).
La délégation CGT : Julien Boeldieu, Valérie Labatut, Anthony Smith