Compte-rendu du CHSCT-M du 7 octobre 2015

Déclaration préalable CGT – SNUTEFE – SUD – FO

Le CHSCT M est réuni quelques jours après que deux délégations du personnel se sont rendues dans les unités territoriales de l’Eure et Loir et du Vaucluse pour échanger avec les collègues. Au-delà des constats réalisés sur WIKI’T qui ne font que confirmer nos craintes exprimées sur les risques dont est porteur cet outil, cette visite a été l’occasion d’écouter les doléances des collègues, hiérarchie compris.

Les situations décrites par nos collègues de Chartres et d’Avignon confirment que la mise en œuvre du projet Ministère Fort entraine une dégradation importante des conditions de travail de l’ensemble des agents. Tous les témoignages convergent sur la désintégration des collectifs de travail, la démobilisation des agents qui se sentent dévalorisés sans compter toutes les contraintes liées aux réorganisations permanentes tant sur le plan matériel que sur celui des rapports entre les collègues.

A Avignon, la volonté de trouver une organisation « innovante » a débouché sur la mise en œuvre d’une organisation du travail au sein des deux unités de contrôle contre-productive mais aussi complètement pathogène. Chaque secrétaire de section se trouve en situation de travailler avec de 7 à 10 agents de contrôle en dehors de toute logique de secteur de contrôle. Cette situation ubuesque reste actuellement en vigueur malgré « l’opposition » des agents concernés.

L’existence de situation de travail pathogène n’est pas propre aux services de l’inspection du travail comme nous avons pu le constater sur place. La lettre adressée par une collègue CDET à la Ministre du travail avant de tenter de mettre fin à ses jours est particulièrement édifiante. Elle nécessite la reconnaissance immédiate de son geste en accident de service ainsi que la prise de mesures de prévention conservatoires visant à assurer à l’ensemble des agents des services emplois, des conditions de travail propres à garantir leur sécurité et leur intégrité. D’ores et déjà, nous vous demandons de prévoir une présentation du rapport d’enquête réalisé par le CHSCT de la région PACA au niveau du CHSCT-M.

D’autres situations de souffrance existent dans les services dans lesquelles l’administration a une responsabilité. Ainsi notre collègue Laura Pfeiffer d’Annecy a besoin du soutien de l’ensemble des agents du Ministère et de la Ministre elle-même dans le cadre du procès qu’elle doit affronter le 16 octobre prochain. La présence massive d’agents à ses côtés constitue l’une des mesures de prévention à mettre en œuvre, raison pour laquelle nous réitérons notre demande d’une autorisation spéciale d’absence pour tous les agents qui le souhaitent. En outre, nous renouvelons la demande de reconnaissance de l’accident de service la concernant.

Malheureusement, les situations de souffrance aggravées risquent de se multiplier compte tenu des effets conjugués des réformes passées et en cours et de la mise en œuvre de la réforme territoriale, des fusions des DIRECCTES et de la loi NOTRe. Malgré les discours censés être rassurants lors du dernier CHSCT M, force est de constater que l’évaluation des risques en amont ne constitue pas une priorité ni pour le président du CHSCT M, ni pour les Direcctes préfigurateurs. Concrètement, il est indiqué partout que l’évaluation des risques (pour nous, la constatation des dommages…) débutera en 2016….

Les résultats du baromètre social qui doivent être étudiés en séance montrent d’ores et déjà que la situation de nos services est la plus critique en matière de conditions de travail de tous les services des ministères sociaux. Ce n’est pas en refusant de réaliser de réelles analyses des risques, basées sur l’observation du travail réel et en refusant de traiter les cas identifiés de dysfonctionnement en région – que comme les CHSCTR, nous vous avons notamment fait remonter-, que nous pourrons construire le programme de prévention permettant de mettre un frein à la situation actuelle.

Enfin, nous souhaitons vous alerter sur la situation dans la région Champagne-Ardenne. Une procédure de droit d’alerte a été enclenchée et une enquête réalisée sur les conséquences pour la santé du sous-effectif lié à la mise en œuvre de Ministère Fort. Les résultats de cette enquête devaient être présentés au CHSCTR en présence d’experts qui ont été refusés par le Direccte. Face à la volonté des agents d’échanger sur leur travail réel en CHSCT, le DIRECCTE a mis fin brutalement à la réunion. Aujourd’hui, ces agents ont reçu un courrier les menaçant de sanctions sur la base de la note que vous avez co-rédigée en décembre dernier avec le DGT.

Est-ce vraiment ainsi que vous entendez répondre aux agents qui font face à une charge de travail insurmontable et vous le font savoir ? C’est inacceptable, d’autant plus que la situation au sein de cette région et la gravité des risques psychosociaux auxquels sont exposés les agents sont connues de vos services. Nous demandons à l’administration d’accepter la présence des experts désignés par nos organisations dans le cadre du CHSCT R reconvoqué et surtout, de prendre les mesures d’urgence listées dans le rapport d’enquête.

Des situations similaires existent dans d’autres régions sur lesquelles nous vous demandons une nouvelle fois de rappeler aux DIRECCTE leurs obligations en matière de dialogue social, de fonctionnement des instances, de l’obligation de réaliser des enquêtes en cas de risque grave pour la santé des agents. Nous en profitons pour vous rappeler vos propres obligations concernant le CHSCTM (réponse sur le désaccord sérieux et persistants, points non traités suite à la demande de réunion extraordinaire de février 2015…).

 Une DRH qui refuse de discuter des conditions de travail

L’ordre du jour de la réunion du 7 octobre portait essentiellement sur la consultation du CHSCT-M sur le déploiement de l’outil WIKI’T et ses conséquences sur les conditions de travail.

D’autres points prévus à l’ordre du jour, en particulier la réforme territoriale et le télétravail, n’ont pas pu être discutés faute de temps. Les questions de la prévention du risque d’exposition à l’amiante et des moyens des CHSCT ont toutefois pu être abordées en fin de réunion.

Avant de débattre longuement sur l’outil WIKI’T, nous avons interpelé le DRH, dans la déclaration préalable intersyndicale CGT- SNU- FO- SUD (ci-dessus), sur les multiples situations de mal-être qui existent dans les services, tant à l’inspection du travail que dans les services emploi (ainsi que nos récentes visites à Chartres et à Avignon nous ont permis de le constater), et qui risquent de s’accentuer avec la poursuite des réformes, à l’exemple de la réforme territoriale.

Nous avons également réitéré notre demande d’une expression de soutien de la part de la Ministre du travail à notre collègue, Laura Pfeiffer poursuivie devant le tribunal correctionnel d’Annecy le 16 octobre prochain.

La seule réponse du DRH à l’ensemble de ces points a été de dénoncer la confusion que nos organisations syndicales chercheraient à opérer entre des sujets dont les liens entre eux seraient tenus, parlant même d’une méthode à la « limite de la malhonnêteté » lorsque nous avons demandé la reconnaissance immédiate en accident de service de la tentative de suicide d’une collègue CDET à Avignon, ainsi que la prise de mesures de prévention conservatoires visant à assurer à l’ensemble des agents des services emplois, des conditions de travail propres à garantir leur sécurité et leur intégrité pour les services de l’emploi.

Manifestement le DRH considère que lors de notre déplacement à Chartres et à Avignon, nous n’aurions pas dû échanger avec les agents sur leurs conditions de travail. Quelle étrange conception (déconnectée du réel) du rôle du CHSCT-M! Ce n’est certainement pas la nôtre. Nous continuerons à demander à l’administration, ne lui en déplaise, des explications sur toutes les situations de travail dégradées dont nous avons connaissance dans les services.

Concernant WIKI’T (dossier spécial à lire ici avec le rapport d’expertise, le rapport d’enquête du CHSCT-M et les analyses de la CGT)

Sur la base du rapport présenté par les ergonomes du cabinet ERETRA et de la synthèse de l’enquête réalisée par des délégations du CHSCT-M à Avignon et à Chartres les 1er et 2 octobre dernier, une discussion s’est engagée avec la DRH et la DGT, tant sur l’utilité de l’outil WIKI’T que sur son utilisabilité.

Nous avons, en premier lieu, mis en exergue le défaut de conception de l’outil WIKI’T.

Cet outil informatique a manifestement été conçu sans s’attacher aux besoins réels des agents, sans analyse du travail réel. Les constats opérés par les ergonomes concernant le principe de conception erroné des courriers sur un présupposé de page blanche en est une illustration. WIKI’T a été conçu d’abord comme un outil de rendu-compte de l’activité, et non comme un outil d’aide au contrôle ou de partage de l’activité.

Il convient par ailleurs de relever qu’en dépit de nos demandes de transmission des travaux du groupe utilisateurs qui a travaillé à la conception de WIKI’T, aucun élément ne nous a été communiqué.

En second lieu, nous avons souligné que certaines des fonctionnalités de WIKI’T étaient inadaptées et/ou chronophages : multifenêtrages, recherche des établissements uniquement par UC et non par section, nomenclature des articles inadaptée pour la rédaction des courriers, impossibilité de créer des modèles personnels, … (Pour plus de détails sur ces points, se reporter à la synthèse du rapport d’enquête du CHSCT-M).

Enfin nous avons relevé l’absence de toute analyse des risques liés à l’introduction dans les services de ce nouveau système informatique, notamment au regard des changements qu’il pouvait entrainer dans les organisations du travail. Aucune évaluation de risques n’a pu nous être présentée par l’administration lors de la réunion du CHSCT-M.

Or le déploiement de WIKI’T dans les deux sites pilotes a déstabilisé les pratiques professionnelles des agents (agents de contrôle et secrétaires) et a généré des inquiétudes importantes quant à l’avenir de leur métier, et/ou des services.

En réponse, la DGT nous a informé que des remontées signalées lors de l’expérimentation ont été prises en compte dans la version 1.2 du logiciel qui devrait être déployée d’ici la fin du mois d’octobre, mais elle a reconnu que ces évolutions seraient mineures.

Elle a également évoqué d’autres évolutions qui pourraient être intégrées dans la version 2 de WIKI’T – qui ne sera développée que dans un an – notamment sur les points suivants:

  • La saisie des licenciements de salariés protégés,
  • La chaine d’initiation des courriers,
  • La nomenclature pour la rédaction des courriers,
  • Le développement d’un système de géolocalisation pour permettre un double rattachement des établissements par UC et par section.

Enfin, concernant l’organisation du travail, il nous a été indiqué qu’un travail sur l’organisation des UC avait été entamé en vue de définir un référentiel national avec des cibles de fonctionnement. Par ailleurs le projet sur l’évolution des fonctions d’assistantes de contrôle sera présenté lors du CTM du 13 octobre.

A l’issue des débats, un report de la consultation du CHSCT-M a été demandé par la CFDT – soutenu par l’ensemble des organisations syndicales – à l’administration, qui a rejeté cette demande.

Nous avons en conséquence adopté par un vote de 4 voix pour (2 CGT, 1 SNU, 1 SUD) et de 2 abstentions (1 CFDT, 1 UNSA), la motion suivante:

A l’issue du rapport du cabinet ERETRA, des remontées des collègues de Chartres et d’Avignon rencontrés par les membres du CHSCT M les 1 et 2 octobre 2015, du rapport élaboré par l’ensemble des organisations syndicales, les membres du CHSCT M donne un avis défavorable au déploiement de l’outil WIKIT pour les raisons suivantes :

1 – La conception de l’outil n’est aucunement basée sur les besoins réels des utilisateurs et malgré les demandes répétées du CHSCTM, aucun document permettant de prendre connaissance des propositions du soit disant groupe utilisateur n’a pu être produit par l’administration.

2 – Le choix fait par l’administration est celui « d’une vision comptable plus qu’opérationnelle » tel que souligné par le cabinet ERETRA. Comme le souligne les agents mais aussi la direction de l’UT 28, WIKIT n’a pas été développé sur la base de l’activité réelle des agents mais sur la vision qu’a la DGT des métiers d’inspection du travail.

3 – L’outil a été conçu sans prendre en compte les organisations du travail existantes. La DGT a fait un choix non affiché de concevoir ce logiciel afin de tendre à sa seule utilisation par les agents de contrôle et faire évoluer à marche forcée les tâches confiés aux agents de secrétariats. Au contraire des principes généraux de prévention, on demande aux agents de s’adapter aux contraintes de l’outil au lieu de concevoir des outils prenant en compte les réalités des situations de travail.

 4 – Le déploiement de l’outil intervient une nouvelle fois sans que la DRH n’ait procédé à une analyse en amont des risques professionnels induits en violation des dispositions des articles R.4121-2 du code du travail.

5 – Cette absence d’analyse des risques et de mesures de prévention associées est d’autant plus scandaleuse que le propre cabinet d’ergonomie choisi par le Ministère relève dans son rapport que «ce projet et sa conduite portent des facteurs de RPS et constituent un terreau à l’émergence de troubles / manifestations de ces risques ».

6 – Les observations réalisées par les membres du CHSCT M à Chartres comme à Avignon, confirment qu’il ne s’agit pas que de simples risques mais de situations pouvant donner lieu à la survenance de dommages graves pour la santé physique et mentale des collègues.

7 – Concernant l’ergonomie du logiciel, le CHSCT M reprend à son compte les observations du cabinet ERETRA y ajoutant les observations contenues dans son rapport d’enquête présenté en séance ce jour.

8 – Enfin, le CHSCT M ne peut être valablement consulté sur la partie pilotage qui n’a pas pu être observé, ni par le cabinet ni par les membres de l’instance.

9 – Le CHSTM constate que les mesures présentées par la DGT, dans sa note du 29 septembre 2015, en réponse au rapport du cabinet ERETRA, ne sont pas de nature à modifier son avis compte tenu du refus de retravailler sur la conception et de se limiter à quelques mesures correctives mineures.

 En conclusion, le CHSCT-M émet un avis défavorable au déploiement de l’outil, demande sa suspension immédiate et le développement d’un outil conçu avec les agents, pour les agents et au service des missions.

Concernant la prévention du risque d’exposition à l’amiante

La DRH nous a informé qu’un groupe de travail avait été constitué au sein de la DRH (avec notamment des représentants des DIRECCTE d’Ile de France, du Nord Pas de Calais, un ISST, le médecin coordonnateur de prévention, le conseiller de prévention) afin de réfléchir aux modalités de mise en œuvre de la possibilité offerte par la circulaire de la fonction publique du 18 août 2015 d’ouvrir, sur décision d’un chef de service, le bénéfice du suivi médical post professionnel à des agents de ses services dont il estime que l’activité professionnelle est susceptible de les exposer à l’amiante. Il s’agit de réfléchir sur le niveau à retenir pour la mise en œuvre de la décision (la Ministre ? les DIRECTTE ?..) et sur le périmètre d’ouverture de ce suivi médical (à quels agents ?).

Nous avons demandé à ce que ce suivi médical post professionnel soit ouvert à tout agent ayant eu une activité de contrôle susceptible de l’avoir exposé à l’amiante, sans limiter aux seuls contrôles des chantiers de désamiantage (ex. chantier de rénovation et de réhabilitation, exposition passive dans les locaux de travail,…).

Nous avons demandé des explications sur les modalités du suivi post professionnel en exigeant que la possibilité de passer un scanner soit prévue.

Nous avons également insisté sur la nécessité de rappeler aux DIRECCTE les règles concernant la traçabilité des expositions des agents au risque amiante mais également au risque CMR.

Enfin, interrogée sur l’évolution de la situation à Compiègne, l’administration nous a indiqué que le SGAR qui assure le suivi du dossier, estime que le désamiantage des locaux de l’inspection du travail est de la responsabilité du propriétaire des locaux, et qu’une recherche de locaux domaniaux est en cours. Néanmoins aucune échéance de date n’a pu nous être communiquée.

Concernant les moyens des CHSCT

La DRH nous a informé qu’un arrêté était en préparation concernant le nombre de jours dont bénéficient les membres des CHSCT Régionaux.

Concernant les moyens des membres du CHSCT-M, notamment la prise en charge de leurs frais de déplacement hors convocation de la direction dans le cadre de leurs missions, la DRH a indiqué avoir saisir la fonction publique mais que l’attente, elle réaffirmait son refus de toute prise en charge de ces frais, ce qui revient à entraver l’action de vos représentants.

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