Conseil d’État, 1ère – 4ème chambres réunies, 17/04/2025, 492418
Documents de décompte du temps de travail: c’est mieux si c’est infalsifiable mais si c’est modifié a posteriori que se passe-t-il? Pour le Conseil d’Etat, pas de soucis: et oui, il y a le droit et il y a le bon sens (ou pas).
Tout employeur a l’obligation de décompter les horaires de ses salariés dès lors qu’ils ne travaillent pas suivant le même horaire collectif…. Un décompte précis quotidien mentionnant les horaires de début de fin de travail de chaque salarié, ainsi que, depuis un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation, ceux des pauses prises de manière effective doit être établi. Ce décompte doit également mentionner pour chaque semaine, le nombre total d’heures de travail accompli chaque semaine.
BEABA de l’action de l’inspection du travail permettant de s’assurer que chaque salarié.e est rémunéré.e le nombre d’heures qu’il a effectivement travaillé et que les durées maximales de travail sont respectées, les actions de contrôle en la matière sont essentielles. Le respect de la réglementation relative à la durée du travail est également un socle fondateur de la santé et de la sécurité au travail, car il ne saurait y avoir d’action en faveur de la sécurité sans s’être assuré que les salariés ont bénéficié d’un repos suffisant, gage d’une bonne santé.
Le non-respect de cette réglementation constitue une infraction susceptible d’être relevée par procès-verbal et depuis quelques années, de faire l’objet de sanction administrative… De ce fait, des contentieux se sont retrouvés devant le conseil d’Etat… Et c’est ainsi que par une décision du 17 avril 2025 (Conseil d’État, 1ère – 4ème chambres réunies, 17/04/2025, 492418), celui-ci a été saisi par un puissant employeur (EDF) d’un recours contre une sanction administrative établie pour défaut de décomptes de la durée du travail. En effet, seuls les plannings informatiques prévisionnels étaient à disposition, ceux-ci étant rectifiés pour tenir compte du réel en fin de semaine.
Tout.e agent.e de contrôle de l’inspection du travail aurait, conformément à la jurisprudence de la cour de cassation, constaté une infraction. Mais par cette jurisprudence administrative novatrice, c’est un véritable coup que vient de porter le Conseil d’Etat au droit des travailleurs et des travailleuses en admettant que “Si la brièveté du délai selon lequel cette correction est effectuée participe du caractère objectif, fiable et accessible du système mis en œuvre, la circonstance, inhérente à un tel système, que, dans l’intervalle, le nombre d’heures mentionné, qui ne figure qu’à titre provisoire dans l’outil informatique, puisse ne pas correspondre au nombre d’heures effectivement accomplies ne saurait, par elle-même, conduire à le regarder comme ne présentant pas les garanties d’objectivité, de fiabilité et d’accessibilité requises”.
Traduction : ce n’est pas parce que l’employeur bidouille un peu les horaires a posteriori que son système de décompte du temps de travail n’est pas fiable…. Allons, allons, vous n’allez pas hurler au faux et usage de faux pendant que vous y êtes? Tout de suite, les procès d’intention…. Vous, agent.e de contrôle, en rédigeant votre rapport de demande de sanction administrative au DREETS, vous êtes vous demandé.e un seul instant qui veillait sur les badgeages a posteriori des documents de décompte du temps de travail d’EDF pendant qu’EDF veille à la fiabilité des chiffres remontés par votre compteur électrique? Et oui, bonne réponse: c’est le Conseil d’Etat !
Balayées:
-l’obligation, en cas de décompte de la durée du travail via un système informatique, d’assurer l’impossibilité de falsifier les données rentrées,
-l’obligation pour l’employeur de décompter quotidiennement les horaires réellement accomplis,
Non seulement c’est un coup pour les salarié.e.s mais c’est aussi une atteinte grave aux prérogatives de l’inspection du travail dont les moyens et modalités d’interventions sont gages, notamment du fait du caractère inopiné des contrôles, de l’efficacité de ces derniers et préviennent les manœuvres visant à falsifier ces documents de contrôle.
La CGT TEFP dénonce le zèle du conseil d’Etat qui accompagne le gouvernement dans son œuvre de sape de la réglementation du travail.
tract décision conseil d’Etat EDF