Cette semaine, du 17 au 21 mai 2021, se tient le procès de Terra Fecundis au Tribunal Judiciaire de Marseille. Cette entreprise de travail temporaire (opportunément rebaptisée « WORK FOR ALL » pour l’occasion) basée en Espagne, qui détache des milliers de travailleurs dans les exploitations agricoles françaises, est accusée de travail dissimulé en bande organisée, marchandage en bande organisée et blanchiment. Le préjudice de cotisations sociales est estimé à 112 millions d’euros.
Au-delà de ce préjudice, la crise sanitaire du COVID-19 au printemps 2020 a mis en lumière la situation des travailleurs agricoles détachés en France, majoritairement originaires d’Afrique et d’Amérique du Sud. Terra Fecundis, entreprise présente en France depuis plusieurs années, est bien connue des agents de contrôle de l’inspection du Travail pour ses pratiques frauduleuses : conditions d’hébergement indignes, heures supplémentaires non payées, non-respect du salaire minimum…
Certains chercheurs estiment que le secteur de l’agriculture est véritablement devenu un « laboratoire de régression sociale », le maintien de l’état de vulnérabilité des travailleurs et l’affaiblissement de leurs droits dans les exploitations agricoles devenant la seule variable d’ajustement d’un modèle de production intensif. Il s’agit d’un véritable système organisé de traite d’êtres humains, dans lequel des travailleurs y ont laissé leur vie. Au nombre des victimes du « système Terra Fecundis » figure Elio Maldonado, un salarié mort de déshydratation dans une exploitation agricole en 2011, dont l’accident du travail sera évoqué lors du procès.
Les médias se sont largement fait le relais de cette situation (voir les liens vers les articles ci-après) et l’émission Envoyé Spécial y a consacré une enquête le 7 janvier dernier.
Alors que le ministère du Travail affiche fièrement la fraude au détachement comme l’une de ses priorités d’actions, continue à se développer en toute impunité une activité qui porte atteinte aux droits fondamentaux des salariés !
Cette situation est le résultat de la multiplication des contrôles de façade, non pas pour améliorer la situation des travailleurs détachés, mais pour empiler les interventions « indolores » et soigner la communication gouvernementale.
Bien souvent, les collègues se retrouvent démunis et seuls face à des entreprises voyous qui, par le biais de leurs avocats, n’hésitent pas à mettre en cause personnellement les agents, usant de stratégies d’intimidation, de menaces et d’obstacle au contrôle. Le développement des pratiques de ces entreprises ont été favorisées par l’absence de coordination de nos services, le manque de moyens (interprètes notamment), la faiblesse de l’appui juridique aux collègues et l’inexistence d’une véritable politique pénale volontariste et cohérente.
A ce titre, la CGT dénonce l’absence de communication et d’investissement de la hiérarchie locale dans ce procès. A croire que la course aux chiffres est plus importante que l’effectivité des procédures menées, entre autres, par des agents de l’inspection du Travail. Sur ce sujet, notre hiérarchie fait preuve d’un véritable détachement en bande organisée !
Cette semaine, ce n’est pas uniquement le procès de Terra Fecundis qui s’ouvre, mais celui de la politique du chiffre de notre Ministère !
Pour une réelle effectivité du droit du travail dans le monde agricole, la CGT revendique :
- plus d’effectifs et de moyens pour lutter contre le développement de ces pratiques qui portent atteinte aux droits des travailleurs ;
- une politique pénale volontariste et cohérente avec un réel suivi des procédures auprès des tribunaux et la représentation de nos services aux audiences ;
- l’arrêt de la politique du chiffre qui empêche nos services d’intervenir pour agir efficacement face à ces situations ;
- une vraie garantie de l’indépendance des services d’Inspection du Travail, notamment dans le cadre de la réforme de l’OTE ;
- une protection et un appui aux agents en cas d’intimidation et de mise en cause par ces entreprises.
Articles de presse
- « Terra Fecundis: l’exploitation de travailleurs en «bande organisée» visée par la justice » (Mediapart, 17 juillet 2020)
- « Marseille : procès Terra Fecundis sur le travail détaché dans l’agriculture française, la fin du dumping social ? » (France 3, 17 mai 2021)
- « Affaire Terra Fecundis : le procès de la fraude au travail détaché » (Le Monde,17 mai 2021)
- « Procès du travail détaché : une fraude à 112 millions et des milliers d’ouvriers sans droits » (Mediapart, 17 mai 2021)
- « Dumping en Provence : les amnésies de Terra Fecundis » (la Provence, 18 mai 2021)
- « Terra Fecundis, le modèle juteux de l’exploiteur » (La Marseillaise, 18 mai 2021)
https://www.lamarseillaise.fr/societe/terra-fecundis-le-modele-juteux-de-l-exploiteur-XI7695653