Déclaration préalable au CHSCTM 11 mars 2016 des syndicats CGT TEFP, FO, SNU-TEFE, SUD Travail Affaires Sociales

Monsieur le Président,

La réunion du CHSCT Ministériel de ce jour se tient deux jours après une mobilisation d’ampleur contre le projet de loi porté par la Ministre du travail Myriam El Khomri. Nous nous réjouissons de la réussite de cette journée d’actions et de grève et appelons les agent-es du Ministère du travail à poursuivre la mobilisation en participant à toutes les mobilisations prévues d’ici la présentation de la Loi au conseil des ministres du 24/03 et en se mettant en grève le 31 mars prochain, pour obtenir le retrait total de ce projet de loi qui constitue une attaque majeure contre les droits des salarié-es.

Si elle était adoptée, cette loi, ou ses succédanés prévisibles et annoncés, auraient en outre un impact important sur les conditions de travail des agents de l’inspection du travail : ce projet sape les possibilités de contrôle des entreprises en matière de droit du travail et prive l’inspection du travail d’une part importante de ses moyens d’action. Outre le fait qu’il serait difficile voire impossible de renseigner les salarié-e-s et de vérifier la bonne application de leurs droits sans disposer des accords en vigueur dans chaque entreprise, les dispositions fixées par ces accords ne feront l’objet d’aucune sanction pénale : le gouvernement organise sciemment l’impossibilité du contrôle et l’impunité pour les patrons.

Nous le dirons donc chaque fois que nous en aurons l’occasion : parce que la régression sociale est au cœur même du texte, ce projet n’est ni amendable, ni négociable et doit être retiré.

Cette réunion de CHSCTM se déroule par ailleurs deux semaines après la réunion en formation conjointe des CHSCTM des ministères sociaux (travail, jeunesse et sports, affaires sociales) qui s’est achevée prématurément, avec le départ de l’ensemble des organisations syndicales des trois ministères, à la suite de votre refus de donner des consignes claires et précises aux directeurs régionaux visant à accepter les demandes d’expertise votées par les CHSCTR dans le cadre de la réforme territoriale et de la fusion des régions conformément aux dispositions de l’article 55 du décret 82-453.

L’absence de consigne aboutit à des situations très différentes dans les régions concernées, alors que les agent-es sont exposé-e-s à des risques bien réels partout qui sont en train de se réaliser : expertise acceptée et cahier des charges en cours de rédaction conjointe avec le CHSCT R en AURA (comme quoi, c’est possible !), expertise totalement pilotée par l’administration ou refus réitérés dans d’autres régions, malheureusement les plus nombreuses.

Nous réitérons bien évidemment nos exigences concernant le respect de l’article 55 du décret précité et la levée des consignes données par la MICORE et le cabinet du 1er ministre fin 2015 de refuser en bloc les expertises. Nous attendons des réponses claires de votre part dans le cadre de la réunion d’aujourd’hui.

Nous profitons également de cette réunion pour vous alerter solennellement sur la dégradation conséquente des conditions de travail de nos collègues : la diminution de nos effectifs, associée aux effets de la réforme territoriale, véritable plan social, rend la situation très critique dans la plupart des services. Généralisation de la polyvalence, impliquant parfois un véritable écartèlement des agents entre plusieurs services, mutualisations tous azimuts, sans réelle réflexion, ni sur le service public rendu, ni sur les conditions de travail des agents concernés, temps de trajet en énorme augmentation, intérims de très longue durée, … De très nombreux agents travaillent en mode dégradé permanent ce qui nous semble inacceptable.

Nous sommes d’autant plus inquiets que nous venons de prendre connaissance du nombre des postes ouverts aux concours de l’inspection du travail : 47 postes, destinés à remplacer les départs des contrôleurs et des inspecteurs du travail (les départs en retraite – 68 prévus en 2016 pour les seuls contrôleurs du travail, 120 en 2017, selon vos propres estimations – mais aussi les départs, de plus en plus nombreux, de nos collègues qui ne trouvent plus de sens à nos missions dans ce contexte et qui quittent nos rangs). Nous vous le disons une fois de plus : nous allons droit dans le mur.

Comme si tout n’allait pas si mal et qu’il suffisait de quelques petites mesures d’ajustement, vous nous consultez aujourd’hui, à la demande du CTM, sur le plan d’accompagnement RH de la réforme territoriale. Ce document, contenant des données parfois datées, répertorie les dispositifs d’information, de formation, d’aide, d’appui et d’accompagnement à la mobilité fonctionnelle et/ou géographique, et d’accompagnement au changement. C’est une approche très individuelle qui est privilégiée : l’examen des situations individuelles des agent-es concerné-es par la réforme est au centre de ce plan d’accompagnement RH. Les organisations de travail mises en place depuis le 1er janvier 2016, et les risques qui en résultent, ne sont pas analysés. À peine évoque-t-on l’expérimentation sur le travail en site distant menée en Bourgogne-Franche-Comté, sans aucun retour d’analyse. Le document reconnait d’ailleurs que les études d’impact RH sont trop incomplètes et insuffisantes pour réaliser ces analyses de risques. Les mesures de prévention concernant les risques liés aux organisations de travail (travail distant, surcharge de travail,..) sont très insuffisamment traitées. Nous nous répétons : seule la réalisation de diagnostics de qualité, reposant sur l’analyse du travail réel et de ses contraintes, pourra déboucher sur l’adoption de mesures de prévention concrètes et adaptées.

En conséquence, nous estimons qu’aucun avis ne peut être rendu tant que les expertises votées par les CHSCTR dans le cadre de la réforme territoriale et de la fusion des régions ne seront pas effectuées.

Enfin, cette réunion de CHSCTM intervient deux mois après la généralisation de Wiki’T dans les services. En effet, en dépit de l’avis défavorable émis par le CHSCTM le 7 octobre 2015, vous avez déployé ce nouvel outil, suivant le planning que vous aviez pré-défini, sans prendre en compte au préalable nos préconisations ni celles du cabinet ERETRA, sans analyse préalable des conséquences sur les organisations de travail.

Dans une note du 18 février 2016, le DGT rappelle que Wiki’T est désormais accessible à 4000 agent-es mais reconnait que « les premiers retours d’expérience justifient la nécessité d’amélioration continue de l’application (…), qui associe les utilisateurs aux évolutions de l’outil et la commission de suivi du CHSCT ministériel ». Concernant les organisations du travail, il renvoie aux Direccte le soin d’établir les règles d’utilisation de Wiki’T.

Au-delà de l’information trompeuse concernant le suivi qui serait assuré par le CHSCTM, quelle est donc cette commission de suivi du CHSCTM dont nous découvrons l’existence ? Devons-nous vous rappeler que nous avons dû insister pour qu’un point sur WIKI’T soit porté à l’ordre du jour de la présente réunion ? Le DGT reconnaît donc à demi-mot les dysfonctionnements de l’outil.

ais comment pourrait-il en être autrement ? Les remontées du terrain sont catastrophiques : problèmes de connexion récurrents, lenteur de la connexion s’étendant à l’ensemble du réseau internet, complexité pour réaliser certaines tâches,….Wiki’T est une source de dégradation des conditions de travail pour les agent-es, tous postes et catégories confondus. Les agent-es sont contraints de s’adapter à un outil ne prenant pas en compte les réalités des situations de travail, en méconnaissance totale des principes généraux de prévention. Ils se réunissent pour adopter des tactiques de contournement ou pour décider collectivement de ne pas utiliser cet outil inadapté, qui alourdit considérablement leur charge de travail, ce que nous ne comprenons et soutenons.

L’amélioration continue de l’outil Wiki’T préconisée par le DGT comme seule réponse aux dysfonctionnements, est clairement insuffisante. D’autant qu’à la lecture des comptes rendus des premières réunions des groupes utilisateurs, certaines des pistes d’amélioration proposées, pourtant indispensables a minima, ne sont manifestement pas techniquement réalisables.

Nous vous demandons donc à nouveau de suspendre l’utilisation de Wiki’T et de développer un outil basé sur l’activité réelle des agent-es et non sur la vision que la DGT a des métiers de l’inspection du travail ou du moins vers laquelle elle veut qu’ils évoluent – un outil conçu avec les agents, pour les agents et au service des missions.

Concernant les organisations de travail, il semble que vous avez changé d’avis. Alors que vous nous indiquiez en octobre dernier que le CHSCTM serait consulté sur ces problématiques, celles-ci sont aujourd’hui renvoyées aux Direccte. Nous vous demandons donc de clarifier votre position sur ce point.

Lire et télécharger la déclaration intersyndicale

Lire et télécharger la motion intersyndicale sur le suivi RH de la réforme territoriale