Monsieur le directeur des ressources humaines,
Ce comité technique ministériel est convoqué à quelques jours de la disparition des DIRECCTE. Conçues comme guichet unique au service des entreprises, et non des travailleur-euses, nous ne les regretterons pas. Mais nous rappelons une nouvelle fois l’ineptie qui conduit à mener à terme cette réforme inutile dans la situation de crise sanitaire et sociale actuelle. Nous continuons à nous y opposer et à déplorer les conditions lamentables de mise en place des DREETS et des DDETS. Outre les cafouillages sur les messageries électroniques qui inquiètent nombre de collègues, la réforme ressemble déjà à un fiasco dans certaines régions, quand par exemple les agent-es des SGC n’ont pas les droits sur les logiciels de gestion du temps de travail, ou quand certaines plates formes MOE (comme en Bourgogne Franche-Comté) ne seront pas créées au 1er avril, alors que les agent-es ont été pressé-es de les rejoindre. Elle laisse surtout des centaines de collègues sur le carreau sans reclassement tel un véritable plan social. Nous sommes scandalisés par les propos de la ministre tenus devant notre organisation syndicale le 5 mars dernier : elle minimise les problèmes et les réduit à des « désagréments » alors que nous parlons bien de l’avenir de collègues dont l’horizon angoissant se résume à une lettre de mission de quelques mois. Nous exigeons un engagement de la ministre pour le reclassement de tous les agent-es au ministère du travail. Nous nous inquiétons des lettres de mission adressées par certain-es préfet-es aux futur-es DDETS, notamment en Occitanie, qui leur délègue les missions d’inspection du travail qu’ils-elles n’ont pas, en totale contradiction avec la convention 81 de l’OIT : manifestement les messages sur l’indépendance ne passent pas, ce qui n’augure rien de positif comme nous avons pu le constater dernièrement quand l’inspection du travail a été embarquée à certains endroits dans les actions discriminatoires des CLIR.
Concernant les effectifs, la ministre communique à renfort médiatique sur un plan de recrutement de 300 inspecteur-trices du travail sur 3 ans. Ce chiffre permet de donner le change au regard de la faiblesse des recrutements des années passées et il n’aurait sans doute pas été arbitré sans la pression des agent-es et de leurs syndicats qui ne cessent d’alerter sur la situation catastrophique à laquelle ils doivent faire face au quotidien. Mais en réalité l’arnaque est totale et c’est bien de suppressions de postes qu’il s’agit de maquiller ! Nous avons pris notre calculatrice et, si nous croyons la DGT sur le nombre de postes occupés à l’inspection du travail et le directeur de l’INTEFP sur le nombre de départs à la retraite annoncés dans le journal Le Monde du 10 mars, ce n’est pas 300 postes qu’il faudrait mais 1000 pour seulement maintenir à flot les effectifs de ce corps, tous services confondus ! Les recrutements ne vont pas inverser la tendance baissière et nous pouvons sans aucun doute faire le même raisonnement pour les autres corps, notamment celui des adjoint-es laissé à l’abandon et promis à une extinction de fait sous l’effet du recours grandissant aux contractuel-les de droit public et privé sur les fonctions essentielles occupées. D’ailleurs, des collègues nous signalent que le ministère du travail ne figure pas dans les choix de préaffectation pour les concours nationaux d’adjoint-es et de secrétaires administratif-ves !
L’administration profite de ce contexte de destruction des emplois et des collectifs de travail pour imposer des conditions de travail inacceptables aux agent-es. Plusieurs projets fleurissent au sein de certaines UD de « densification des m² », comme à St Brieuc où en pleine pandémie la direction n’a rien trouvé de mieux que d’installer les collègues en bureaux partagés, ou à Paris avec un projet d’envergure visant à réduire le nombre de sites et les surfaces. Cela nous laisse envisager des conditions de travail bien dégradées et des conditions d’accueil pour les usager-es totalement inacceptables.
A Bordeaux, une nouvelle étape a été franchie. Comme nous vous l’avons signalé, le projet de relogement prévoit seulement des bureaux partagés et 7 m² par agent-e (pas pour les chef-fes de service bien entendu…), et positionné-es « en face à face ». Lors d’une initiative de protestation, un inspecteur du travail a été alors été ceinturé par le futur directeur adjoint de la DDETS 33 et la police a été appelée et s’est déplacée. Cela augure bien mal la mise en œuvre concrète de cette réforme de l’OTE que vous avez imposée à marche forcée. Jusqu’à présent, vous n’aviez que faire et ne teniez pas compte de l’avis des agent-es et de leurs représentant-es concernant l’imposition de vos réformes destructrices. Désormais, il semble que vous vouliez les faire passer par tout moyen, y compris par des violences physiques et la voie policière. Nous vous avons interpellé avec d’autres syndicats sur ce sujet et nous vous demandons de condamner ces méthodes.
A peine l’OTE mise en place, la ministre nous informe de son intention de lancer deux réformes, l’une sur les aspects carrières et statut, l’autre sur l’organisation de l’inspection du travail. Cette méthode ressemble furieusement à celle utilisée par Michel Sapin il y a neuf ans : donner un peu sur les carrières, et encore de manière sélective, pour serrer fort la vis sur l’organisation du travail. Nous ignorons le contenu des projets mais nous annonçons d’ores et déjà que nous nous opposerons à toute remise en cause des sections d’inspection du travail, comme le préconise la Cour des comptes, ou à tout renforcement de l’encadrement et du pilotage. Nous nous opposerons à toute manœuvre de division des collègues et ne nous satisferons pas d’un plan qui ne concernerait que les inspecteur-trices du travail et l’encadrement et ignorerait l’urgence de revalorisation des carrières de l’ensemble des agent-es et notamment de catégorie C du fait de l’écrasement des grilles indiciaires et de l’effet d’entonnoir résultant de la faiblesse des taux de promotion. Nos collègues effectuent des missions indispensables au service public et ne doivent pas être laissé-es pour compte. Nous réclamons un plan immédiat de passage au grade supérieur et de promotion massif de C en B et de B en A afin que soient enfin reconnues les qualifications et l’utilité des missions.
L’administration centrale n’est pas épargnée par les réformes. Les agent-es du ministère du travail réuni-es en assemblée le 4 mars dernier ont exprimé leur désaccord sur la réorganisation en cours au sein de la direction des affaires juridiques des ministères sociaux (DAJ) à la fois sur la forme et sur le fond. Sur la forme, cette réorganisation se déploie dans une totale opacité, à marche forcée et ne tient pas compte des aspects humains qu’elle engendre. Sur le fond, le transfert de postes depuis les pôles juridiques de proximité vers la DAJ, entrainerait d’une part un report de charge de travail sur les équipes « métiers » et, d’autre part un allongement des délais de réponses et de validation juridiques. Par ailleurs, l’adéquation de la réponse juridique aux spécificités métiers risque de se diluer. Selon les dernières informations, le secteur Travail serait épargné par cette réforme, mais jusqu’à quand puisqu’elle est toujours d’actualité côté Affaires sociales ? Nous dénonçons cette stratégie du saucissonnage pour mieux diviser et réclamons l’arrêt total de cette réorganisation.
Sur la refonte du cadre de gestion des agent-es non titulaires, projet également conçu par l’administration en collaboration avec les directions à l’insu aussi bien des agent-es que de leurs représentant-es, et dont la mise en œuvre serait imminente en administration centrale et Ile-de-France, les agent-es non titulaires commencent à se mobiliser et font remonter à la CGT leurs inquiétudes et désapprobation. La CGT a demandé sans succès d’obtenir une information exhaustive concernant ce projet et ne peut que constater encore une fois le manque de transparence et de concertation. Nous demandons également l’arrêt de ce projet.
Concernant le traitement des signalements émis par les lanceur-euses d’alerte, nous nous étonnons du retard pris par les ministères sociaux pour définir une procédure interne en application d’un décret paru en 2017, soumise aujourd’hui à consultation alors que la loi va évoluer du fait de la transcription de la directive européenne d’octobre 2019. Mais plus encore nous nous inquiétons du choix de confier à la commission de déontologie le rôle de se prononcer sur la recevabilité des alertes, leur traitement et leur clôture. Le risque est que, au vu des avis qu’elle a récemment rendus visant à corseter l’activité syndicale ou associative, cette commission agisse comme un filtre pour étouffer certaines alertes ou qu’elle se retourne contre les lanceur-euses d’alerte qu’on ne manquera pas d’accuser d’agir de manière déloyale, tant les questions déontologiques sont traitées à géométrie variable et utilisées à des fins de règlement intérieur au sein de ce ministère. En lui attribuant également le rôle de référent laïcité, vous souhaitez manifestement donner à cette commission un rôle bien plus vaste de commission panoptique de surveillance dans un ministère axé de plus en plus sur la discipline interne. C’est bien d’ailleurs comme cela qu’elle est perçue, puisque la lecture du rapport annuel de la commission révèle que des chef-fes la saisissent désormais sans aucune raison avant un recrutement ! C’est pourquoi nous réclamons la dissolution de la commission de déontologie.
Enfin, nous revenons à nouveau sur la situation particulière de la région Grand-Est. Nos nombreuses alertes n’ayant été suivi d’aucun effet, notre organisation, associée à d’autres, a décidé de changer de registre : il est inacceptable de voir l’administration avancer à marche forcée au point de piétiner les textes et nous avons été contraints de saisir les tribunaux. Le tribunal administratif de Strasbourg a bien évidemment donné raison à l’intersyndicale Grand-Est face au refus du DIRECCTE, couvert par la DRH, de diligenter une enquête suite aux multiples signalements dans le cadre d’une situation de danger grave et imminent dont souffrent nos collègues de la Marne. C’est un camouflet pour le ministère qui feint d’ignorer les textes, défend les membres de l’encadrement intermédiaire, malgré leurs défaillances manifestes et couvre ce qui n’est rien d’autre que des manœuvres d’intimidation de nos collègues et de graves manquements en matière de santé et sécurité au travail. Dans ce même contexte, nous sommes convaincus que le Tribunal judiciaire de Strasbourg recevra la plainte formée par l’intersyndicale contre Mme Isabelle Notter et y réservera les suites appropriées. Si la gestion de la crise sanitaire au sein de nos services n’a pas été exemplaire, loin s’en faut, au niveau national, elle a été calamiteuse en région Grand-Est : de l’interdiction de porter un masque pour montrer le très mauvais exemple à la plus grande résistance possible au télétravail, en passant par son mépris absolu de la représentation du personnel et sans même avoir besoin d’évoquer la sanction d’un inspecteur du travail qui œuvrait pour la protection de salarié-es du secteur de l’aide à domicile dans le contexte pandémique, il nous semble évident que Mme Notter doit répondre de ses actes. Le fait que Mme Notter soit toujours DIRECCTE, dans une autre région, participe du scandale d’Etat sur les masques sur lequel l’encadrement de notre ministère devra, lui aussi, rendre des comptes. Et évidemment, nous attendons toujours, les signes d’apaisement promis dans le cadre du dernier CTM…
Et puisque nous somme en mars 2021 et que nous fêtons ses 150 ans, nous conclurons en disant « Vive la Commune » !