Déclaration des élu/es CGT au CHSCT-M du 18 décembre 2017, où ils n’ont pas siégé

Compte-tenu du contexte inédit et gravissime de répression des libertés syndicales et du droit d’expression, la CGT-TEFP a décidé de boycotter les réunions d’instances convoquées par l’administration en cette fin d’année (CTM, CAP, CHSCT-M, CTS des DIRECCTE). C’est la ministre qui en porte la responsabilité devant toutes et tous, comme elle porte la responsabilité des suppressions de postes massivement rejetées !

Concernant le CHSCT-M du 18 décembre 2017, les élu/es CGT ont adressé la déclaration suivante au DRH, M. Joël Blondel.


Monsieur le Président du CHSCT Ministériel,

La réunion du CHSCT Ministériel de ce jour se tient quelques jours à peine après la CAP disciplinaire convoquée à l’encontre de notre collègue et camarade de SUD Travail, Aurianne COTHENET, qui s’est vue reprocher d’avoir participé à un rassemblement déclaré et autorisé, et donné une interview, dans un cadre exclusivement syndical, à un journaliste sur la situation de suppression massive de postes au sein du Ministère du travail.

A l’occasion de cette CAP, les agent.es se sont mobilisé.es, en nombre, en soutien à cette collègue – que ce soit par biais de la pétition massivement signée, l’appel public publié dans le journal l’Humanité ou le rassemblement organisé devant Duquesne -, pour dénoncer et contester la répression syndicale qui s’intensifie dans les services mais aussi pour défendre la liberté d’expression au sein du Ministère du travail.

Grâce à cette mobilisation des collègues et aux prises de position publiques des syndicats du ministère (à l’exception notable du SYNTEF-CFDT, qui a appelé la DRH à sanctionner Aurianne, avec mesure (sic !), et a voté en faveur d’un avertissement lors de la CAP), et des confédérations syndicales, notamment celle de la CGT, la DRH a en partie reculé, proposant au final 15 jours de suspension avec sursis.

Cela étant, nous vous demandons, de nouveau, en nous faisant l’écho de la mobilisation des agent.es du Ministère, l’abandon de la procédure disciplinaire engagée contre Aurianne COTHENET, le retrait des sanctions infligées dernièrement à des syndicalistes, ainsi que l’abrogation du code de déontologie.

Dans ce contexte, il nous est bien évidemment impossible de siéger et de participer à la réunion du CHSCT Ministériel reconvoquée ce jour, suite à son premier boycott le 28 novembre dernier.

Pour autant, nous n’allons pas nous priver de vous faire connaitre, ainsi qu’aux agent.es, notre point de vue sur plusieurs des questions et problématiques portées à l’ordre du jour de cette réunion.

Sur le bilan de la santé, de la sécurité et des conditions du travail 2016 (point présenté pour avis)

Une nouvelle fois, nous dénonçons le fait qu’il est peu efficace de présenter fin décembre 2017 le bilan de l’année 2016 et demandons que tout soit mis en œuvre pour que le bilan 2017 soit présenté d’ici la fin du 1er trimestre 2018.

Si le nombre des accidents de service est en légère baisse, l’augmentation de 30 % du nombre de jours d’arrêt nous inquiète. Au-delà des chiffres, la vraie question est de savoir combien d’accidents du travail auraient pu être évités si :

  • l’administration remplissait son obligation d’évaluation des risques,
  • l’administration mettait en œuvre les mesures de prévention primaires.

Sur les 288 accidents de service recensés, il apparait que seulement 16 enquêtes ont été décidées débouchant sur 8 rapports, dont on ne sait pas si les préconisations ont été mises en œuvre pour éviter la survenance de nouveaux accidents.

Il est nécessaire qu’à la suite de la parution du guide d’enquête réalisée par la DRH nationale, des formations sur la méthodologie d’enquête soient dispensées pour chaque CHSCT en 2018, et pas seulement aux assistant.es/conseiller.es de prévention et que des instructions soient données aux présidents de CHSCT pour que des enquêtes soient diligentées pour chaque accident de service avec arrêt et pour chaque déclaration de maladie professionnelle.

Concernant le fonctionnement des CHSCT, le bilan annuel passe sous silence les difficultés rencontrées dans les régions fusionnées où certaines DIRECCTE ont refusé de réunir les CHSCT non conjoints, ce en violation des dispositions réglementaires (Grand-Est et Hauts-de-France notamment….). Nous exigeons le maintien des CHSCT régionaux dans leur périmètre initial au plus près des agent.es et demandons que la DRH s’engage dès maintenant au maintien de CHSCT de proximité à l’issue des prochaines élections de fin 2018.

 On constate ces non respects du décret 82-453 dans d’autres domaines puisque le bilan annuel indique que moins de 60% des DI(R)ECCTE ont un DUER, que seules 36 % des DI(R)ECCTE ont évalué les RPS, que 40 % des DI(R)ECCTE ont réalisé un bilan annuel et 55 % un programme annuel de prévention.

Puisque nos dirigeants adorent le pilotage par indicateurs, espérons que l’objectif 2018 est bien d’être à 100 % sur l’ensemble de ces points.

Enfin, concernant le risque amiante bâtimentaire, nous demandons la liste des 43 bâtiments concernés ainsi que la ventilation des 679 agent.es susceptibles d’être exposé.es et les mesures prises pour éviter tout risque d’exposition.

Sur les mesures de prévention spécifiques mises en œuvre contre les violences sexistes et sexuelles au sein du Ministère du travail (point présenté pour information)

A l’appui de ce point inscrit à l’ordre du jour à la demande de notre syndicat, vous nous avez transmis un document listant les outils et dispositifs de détection et de traitement des situations de discrimination et de harcèlement, ainsi que les actions de prévention et de sensibilisation mis en place dans les services.

Force est de constater que ce document brille par son inconsistance et constitue une parfaite illustration de l’absence politique de prévention du Ministère du travail en matière de violences sexistes et sexuelles au sein des services, et de son inertie pour traiter les situations dont elle a connaissance.

En effet, alors qu’il est relevé que dans le cadre de la dernière édition du baromètre social, 28 agent.es des DIRECCTE et 2 agent.es en direction d’administration centrale du secteur travail considèrent avoir fait l’objet de harcèlement sexuel au cours des 36 derniers mois, vous semblez vous satisfaire des quelques actions et mesures existantes : diffusion d’informations et de documentation aux agent.es uniquement via une sous-rubrique sur l’intranet PACO et le livret d’accueil du nouvel.le arrivant.e ; organisation d’évènements ponctuels de pure comm’ type table ronde ou mur d’expression ; programmation de quelques sessions et/ou actions de sensibilisation et de formation continue, axées sur la diversité, l’égalité et la lutte contre les discriminations (label diversité oblige !), et organisées de manière on ne peut plus confidentielle (relevons ainsi : fin 2016, 19 cadres et 22 agentes ont suivi une formation sur l’égalité femmes/hommes avec un focus sur le harcèlement sexuel ; en juin 2017, 17 cadres et 19 agent.es ont suivi une journée de formation sur les situations de violence, de harcèlement sexuel et de harcèlement moral).

Ces mesurettes sont clairement insuffisantes et impropres à prévenir les violences sexuelles et sexistes au sein des services, comme vous l’impose pourtant le protocole d’accord relatif à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans la fonction publique du 8 mars 2013.

Pourtant, nos services ne sont pas épargnés par ces violences. Des femmes de ce ministère, en administration centrale ou dans les services déconcentrés, ont été et sont victimes de harcèlement sexuel, d’agressions sexuelles, de réflexions, blagues, affiches ou gestes créant un environnement sexiste hostile pour les femmes.

Les données du baromètre social en témoignent, tout comme les situations qui ont été portées à votre connaissance ou à celle des directions régionales et/ou locales, et qui ont été très, trop souvent, traitées de manière non satisfaisante. Ainsi en fut-il, par exemple, de l’alerte portée par notre syndicat en CHSCTM concernant l’agression d’une collègue par son chef de service avec des gestes violents et un comportement comprenant des propos à caractère sexuel au sein du pôle 3 E en DIRECCTE Normandie. Quelle fut alors la réponse apportée par l’administration : l’auteur des faits a été promu puis exfiltré…! Alors que sa responsabilité a été mise en évidence dans plus d’une situation de violences.

Il serait donc temps que le Ministère du travail se décide, enfin, à définir et à mettre en place une réelle politique de prévention des violences sexuelles et sexistes au sein des services – comme nous l’avons demandé, avec les syndicats SUD Travail et CNT, à la Ministre du travail, dans la lettre ouverte que nous lui avons adressée au mois d’octobre dernier (restée à ce jour sans réponse), mais aussi dans la campagne intersyndicale que nous avons lancé auprès des agent.es au mois de novembre dernier, avec notamment l’envoi d’un questionnaire anonyme à destination des femmes du ministère (ce questionnaire peut toujours être renseigné à l’adresse suivante : https://goo.gl/forms/ryXv3AagtY6z0vVo1).

Nous vous demandons donc de nous présenter lors de la prochaine réunion du CHSCTM, un plan de prévention de ces violences, qui détaillera les mesures de prévention définies ainsi que les moyens mis en place pour les faire appliquer dans tous les services du Ministère du travail.

Ce plan devra a minima prévoir la mise en œuvre des mesures suivantes :

  • des notes de service précisant les procédures à suivre si un cas de sexisme ou de harcèlement survient, incluant une enquête paritaire, traitée sans retard en cas de plainte,
  • la formation des agent.es à ne plus subir et à dénoncer ces propos et agissements ;
  • la sensibilisation et la formation adéquate des responsables hiérarchiques ;
  • ces différentes formations devront être dispensées par des associations féministes –
  • la garantie pour les victimes de bénéficier de protections : soutien et, si nécessaire, aide à leur maintien et à leur retour dans l’emploi ainsi que, en premier lieu, de la protection de leur plainte ou témoignage,
  • l’effectivité de la protection fonctionnelle dans les cas de harcèlement sexuel,
  • l’affichage sur les lieux de travail de l’interdiction du harcèlement sexuel et des agissements sexistes, mais aussi de toutes les informations utiles à destination des victimes (ex. numéro des associations pouvant être saisies, coordonnées des membres de CHSCT,…).

Il conviendra par ailleurs d’étendre l’application des dispositifs qui seront définis, aux violences et au harcèlement d’origine extra-professionnelle détectés sur le lieu de travail (comme le préconise d’ailleurs la circulaire du 22 décembre 2016 relative à la politique d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans la fonction publique).

Sur la mise en œuvre du télétravail et les recommandations du cabinet Secafi suite au diagnostic relatif aux risques liés au télétravail (point présenté pour avis)

Alors que le CHSCTM a été consulté en novembre 2016 sur le projet d’arrêté ministériel relatif à la mise en œuvre du télétravail dans les services centraux et déconcentrés relevant du ministère du travail (arrêté non encore publié à ce jour), seront présentées lors de cette réunion du mois de décembre 2017, les recommandations du cabinet SECAFI suite au diagnostic qu’il vient d’achever sur les risques liés au télétravail.

Lors des réunions d’échanges sur le projet de rapport du cabinet SECAFI, en amont de la présente réunion du CHSCTM, vous vous êtes engagé à prendre en compte certaines des recommandations du cabinet dans la note de service qui devrait être publiée en même temps que l’arrêté, notamment : définition de critères de priorisation nationaux pour accepter ou non les demandes de télétravail, traitement des demandes de télétravail pour raison médicale comme des demandes d’aménagement de poste afin d’éviter tout conflit entre les demandes de télétravail pour motifs médicaux avec les autres demandes.

En revanche, vous refusez de modifier les termes de l’arrêté ministériel déjà soumis à notre consultation.

Nous vous demandons de revenir sur cette position de principe et de modifier l’arrêté a minima sur les points ci-après – ne serait-ce que pour vous conformer aux dispositions du décret n°2016-151 du 11 février 2016 relatif aux conditions et modalités de mise en œuvre du télétravail dans la fonction publique :

  • décompte et comptabilisation de la durée du travail des agent.es sur une base non forfaitaire, avec la mise en place d’un système de suivi du temps de travail effectif (comme le préconise d’ailleurs le cabinet Secafi),
  • prise en charge des coûts découlant de l’exercice des fonctions en télétravail: abonnement et les matériels permettant une connexion internet, fourniture de moyens d’impression adaptés si nécessaire et selon l’activité le mobilier (bureau, fauteuil réglable…) et accessoires de bureau (pupitre, lampe d’appoint…), ainsi que le surcoût lié au télétravail (majoration éventuelle de l’assurance habitation, frais divers comme électricité, chauffage etc.).

Enfin, nous rappelons de nouveau que si pour la CGT, le télétravail peut répondre aux besoins des agent.es de limiter la fatigue et le stress liés aux déplacements domicile/travail et professionnels et/ou à des convenances personnelles (en adaptant notamment les jours de travail aux éventuelles contraintes personnelles), il n’est pas systématiquement synonyme d’amélioration des conditions de travail, ni d’amélioration de l’équilibre vie professionnelle – vie privée. Il peut en effet conduire à un isolement professionnel, ainsi qu’à une interpénétration entre travail et vie privée, qui peut devenir source de risques comme le « burn out ».

Enfin, il existe un risque non négligeable, dans le contexte dégradé de réorganisation des services avec la réforme territoriale, et de baisse continue des effectifs dans les services centraux et déconcentrés, que le télétravail serve en réalité à combler les lacunes des réorganisations ou de la gestion des ressources humaines.

Il convient donc que des mesures de prévention soient mises en place, en s’appuyant sur les recommandations du cabinet Secafi, pour prévenir ces risques, et qu’un plan de prévention soit présenté au prochain CHSCTM.

 Sur les modalités du suivi individuel de l’état de santé des agent.es des ministères sociaux (point présenté pour avis)

Vous soumettez pour avis un projet de note sur le suivi individuel de l’état de santé qui déroge aux dispositions réglementaires du décret 82-453 (adaptation des modalités du suivi individuel et notamment des visites initiales et de leur renouvellement périodique, visites assurées par d’autres professionnel·les de santé que le médecin de prévention), alors que ce même texte ne prévoit pas la possibilité de dérogation.

Nous sommes, avec notre confédération, contre l’ensemble des mesures prises ces dernières années qui visent à détruire la médecine du travail en la transformant de plus en plus en médecine de sélection de la main d’œuvre.

Nous sommes donc contre ce projet de note.

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