La lutte contre les inégalités est une priorité affichée du gouvernement, au premier rang desquelles l’égalité entre les femmes et les hommes, « grande cause » du quinquennat d’Emmanuel Macron. Nos organisations devraient pouvoir se réjouir d’un tel programme et de mesures en adéquation avec ces grands principes.
Nos ministères devraient logiquement être à la pointe et présenter un plan d’actions ambitieux, à la hauteur des problèmes précisément diagnostiqués. Nos organisations devraient pouvoir saluer un plan d’actions ambitieux, autour de plus de 50 mesures « phares ».
Malheureusement, après avoir pris connaissance des documents adressés dans le cadre du CTM conjoint de ce jour, nous devons nous résoudre à porter l’appréciation suivante, en lieu et place des félicitations : « Peut beaucoup mieux faire ». Et nous ajoutons que c’est urgent.
Pourquoi nous attendons beaucoup mieux et beaucoup plus ?
D’abord parce que le diagnostic est très insuffisant. Comme nos représentant.e.s l’ont indiqué à plusieurs reprises dans le cadre du groupe de travail, nous demandons des chiffres précis et exhaustifs, depuis au moins 2014 et vos réponses sont toujours évasives. Il s’agit pourtant d’une obligation réglementaire, précisément définie par la DGAFP ! Nous vous avons notamment demandé de déterminer les écarts de rémunération et de les ventiler. Il est fondamental, pour mener un travail d’analyse sérieux, de connaitre la part des écarts liée à la structure des emplois, la part des écarts liée au temps partiel, la part résiduelle de la discrimination pure. Cette demande est moins exigeante que les calculs à effectuer en utilisant le tableur élaboré par la DGAFP et pourtant, ces chiffres ne nous ont pas été communiqués. Dès lors, comment pouvez-vous présenter des mesures de résorption des écarts de rémunération sans avoir effectué de diagnostic ? A la louche ?
Donnez-nous au moins les résultats bruts en attendant !
Nous demandons également depuis de nombreuses années des statistiques sexuées sur la durée moyenne entre deux promotions, sur le déroulement de carrière à ancienneté égale. Sur ces sujets également, nos demandes n’ont jamais été satisfaites.
Ensuite parce que la plupart des mesures listées relèvent de la communication, de l’affichage. Combien de mesures concrètes derrière les 53 mesures listées ? Combien de mesures aux effets concrets sur le quotidien des victimes ? Malheureusement, très, très peu.
Quelques exemples :
- Comment garantissez-vous « la représentation équilibrée des candidats auditionnés » lors du recrutement ?
- « Assurer le maintien des nominations équilibrées sur les emplois de cadres supérieurs et dirigeants », c’est-à-dire ?
- Vous appelez formation des séquences de deux heures et ne précisez toujours pas si ces « formations » seront obligatoires pour les personnes amenées à traiter des situations de violence.
- Comment comptez-vous « résorber les écarts de carrière » ?
Le 4ème axe du plan (« Mieux accompagner les situations de grossesse, la parentalité et l’articulation des temps de vie professionnelle et personnelle ») est particulièrement éloquent : beaucoup de communication, mais rien sur les violences conjugales, malgré nos demandes. Les violences ne s’arrêtent pourtant pas à la porte du ministère et encore moins avec le télétravail. En tant qu’employeur, l’administration doit agir pour protéger les agent-es. L’octroi d’autorisation spéciale d’absence, la priorité à l’accès aux logements sociaux, une aide financière d’urgence, la formation à la détection des signaux faibles et à l’accompagnement de l’encadrement sont autant de mesures manquantes au plan du ministère. Même sur des sujets « simples », comme la sécurisation de la scolarité, notre demande en vue d’acter l’aménagement possible de la scolarité pour les élèves en situation de grossesse n’a pas été entendue…
L’arrêté que vous nous présentez aujourd’hui relatif à la procédure et au traitement des violences sexistes et sexuelles est lui aussi très imprécis. Après lecture des documents communiqués nous ne savons toujours pas quelle est la procédure définie.
A ce propos, en cas de signalement de violence, vous prévoyez la possibilité de sanction de l’auteur après enquête, certes, mais quid de la protection des victimes et quid de la sanction en cas d’inertie de la hiérarchie ou pire en cas de faute de celle-ci ?
Et enfin surtout parce que ce plan n’est ni associé à un budget conséquent, ni porteur d’amélioration de la situation des catégories C dont 90% sont des femmes.
Et oui, pour un projet ambitieux, pour résoudre des problèmes qui durent depuis des années, pour corriger des inégalités qui se sont creusées et qui ont sapé la carrière de milliers de collègues… il faut de l’argent !
Vous l’aurez compris, pour la CGT, le compte n’y est pas. Il est pourtant urgent d’agir. Syndicat féministe et de transformation sociale, la CGT porte des propositions en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes. Des mesures concrètes sont possibles et doivent être ajoutées :
- budget conséquent pour mettre fin aux écarts de salaire entre les femmes et les hommes et procéder aux rattrapages nécessaires ;
- compensation financière du télétravail et abrogation de la journée de carence ;
- titularisation et déprécarisation de l’ensemble des agent.es de catégorie C ;
- revalorisation salariale des métiers très féminisées par des mesures correctrices immédiates ;
- suppression de tout régime indemnitaire, abrogation du RIFSEEP et intégration des primes au traitement de base brut,
- plan massif de passage de C en B et de B en A ;
- protection des victimes de violences intégrant des mesures d’éloignement des agresseurs présumés
- mesures d’accompagnement des victimes de violences conjugales (ASA, hébergement d’urgence, aide juridique, formation spécifique…) ;
- modification des règles de fonctionnement de la cellule d’alerte et engagement de l’administration à donner suite aux situations caractérisées de discrimination.
- Eéablissement de procédures pour que tous les signalements fassent l’objet d’un traitement sérieux et rapide
Parce que oui, même si l’administration ne veut pas le voir et qu’elle est manifestement fière de son rapport « Diversité », les problèmes en matière de discrimination sont importants et nombreux au sein de nos services. Ce rapport – dont nous dénonçons à nouveau l’indigence – a le mérite d’être cohérent avec le plan d’actions : de la communication, de l’affichage, très peu d’actes ! Quelles sont par exemple les suites réservées aux signalements, notamment ceux qui donnent lieu à enquête qui conclut en faveur du « plaignant », même si les conditions d’enquête sont biaisées et déjà particulièrement défavorables aux agents ?
La « diversité » est également bien mise à mal par l’application, officielle ou officieuse, du critère de la « mobilité » qui est fréquemment utilisé, alors que reconnu illégal par la jurisprudence, pour les promotions, mais aussi à présent, pour les processus de « recrutement », totalement hors contrôle depuis qu’ils sont à la main des directeurs et directrices locaux. Il est pourtant bien évident qu’il est beaucoup plus compliqué d’être « mobile » pour les victimes de discrimination.
Nous ne pouvons pas nous empêcher de relever l’ironie du choix de la seule photo du document : cinq hommes sous le titre « Le développement de la diversité au sein de la Haute Fonction Publique »… Cherchez l’erreur !!
S’agissant du « focus » consacré aux collègues en situation de handicap, la crise sanitaire a mis en évidence le peu d’attention accordée, au réel, aux agents en situation de handicap, qu’ils aient été recrutés sous ce statut ou qu’ils le soient devenus. Dans la « vraie vie », c’est toujours la galère pour obtenir le moindre équipement approprié. Combien de masques permettant de lire sur les lèvres ont-ils été distribués ? Au bout de combien de temps ? Sans parler des obstacles quasiment infranchissables posés pour le télétravail dans certains cas. Nous avons même un exemple où le matériel nécessaire a été livré à une collègue puis retiré, en raison d’un aménagement de poste, prévu que pour le bureau et non pour le télétravail… Là aussi, cherchez l’erreur !