La campagne d’entretien professionnel 2017 est lancée. Nos organisations syndicales refusent l’individualisation, l’isolement et la concurrence entre agents et appelle les agents à se retirer des entretiens professionnels, au moyen de la lettre type jointe.
1/ L’entretien professionnel nuit aux collectifs de travail et à la santé
Il a été démontré de longue date que la fixation d’objectifs et l’évaluation individuelle des performances nuisent à la santé. Cette procédure est pleine d’arbitraire et d’injustice. Elle peut être source de discriminations, elle renforce les angoisses, désorganise les solidarités et la confiance au travail. Le ministère nous dit que désormais ce sont des objectifs collectifs qui sont notifiés, mais cela ne change rien car l’évaluation, elle, reste individuelle !
A lire au verso : des extraits d’une interview de Christophe Dejours, psychanalyste du travail, critique des systèmes d’évaluation.
2/ Les ratios de promotion sont très faibles
Evaluation ou pas, les promotions dans le grade ou le corps supérieurs sont toujours données au compte-gouttes et arbitrairement. L’opacité est toujours de mise dans l’appréciation de la manière de servir et le choix des agents à promouvoir, laissé au bon vouloir des directions.
3/ On nous demande toujours plus avec toujours moins et les suppressions de postes continuent
En 2017, 150 postes vont encore être supprimés au ministère. Selon les bilans sociaux du ministère, les services déconcentrés ont perdu, depuis 2008, près de 10% des effectifs – soit l’équivalent des régions Grand-Est et Bourgogne-Franche-Comté.
Cyniquement, les directions en appellent à la solidarité ou à l’entraide nous faire accepter la surcharge de travail généralisée, alors que les besoins sont criants pour accueillir le public ou traiter les dossiers et que la DRH refuse de publier tous les postes vacants.
Pour les agents à temps partiels, surtout des femmes, c’est la double peine puisque la charge de travail n’est pas adaptée.
Avec l’entretien professionnel, on est évalué sur le travail fourni alors que le ministère ne nous donne pas les moyens de rendre un service de qualité, et on est rendu responsable de cette situation !
4/ Le RIFSEEP s’est mis en place et c’est encore plus d’inégalités
Avec le RIFSEEP, la part variable de la rémunération est plus que jamais utilisée comme carotte ou bâton. Derrière l’alibi méritocratique, la réalité reste l’arbitraire et la mise en concurrence des agents. On a vu ce que ça pouvait donner avec le versement du complément annuel (CIA, ex reliquat) : quelle que soit l’évaluation individuelle, les montants versés ont été différents d’une région à l’autre, parfois d’une catégorie à l’autre, avec des quotas d’agents « bons » ou « moins bons ».
Dans le contexte du gel du point d’indice, c’est une véritable provocation.
5/ Aucune reconnaissance statutaire
Les adjoints sont méprisés par l’administration et n’ont aucune perspective de promotion de grade ou d’un corps, la complexification des tâches n’est accompagnée d’aucune revalorisation statutaire.
Pour les contrôleurs du travail, le CRIT tel qu’il est organisé continue à produire ses effets délétères et anxiogènes du fait du nombre restreint de lauréats.
Retirons-nous des entretiens professionnels !
Depuis sa mise en place, nos organisations syndicales n’ont pas manqué d’alerter le ministère sur la souffrance que génère ce dispositif parmi les collègues. Nous refusons l’approche comptable de nos missions et la perte du sens de nos missions. Nous revendiquons:
- l’abandon de tous les objectifs chiffrés et de la politique d’évaluation par objectifs ;
- l’arrêt des suppressions d’emploi et de missions, des mutualisations, des externalisations ;
- l’arrêt de la dévalorisation et mise en concurrence des agents comme mode de relation hiérarchique.
Entretien de Christophe Dejours, titulaire de la chaire de psychanalyse santé-travail du CNAM, pour le magazine Entreprise & Carrières (extraits)
E & C : Quelles sont les principales causes de l’augmentation de la souffrance au travail?
Dejours : L’apparition de nouvelles formes d’organisation du travail est la principale explication et, tout particulièrement, l’introduction de l’évaluation individualisée des performances. Ensuite, viennent des causes secondaires : les contraintes de la qualité totale, la précarisation du monde du travail…
E & C : Pourquoi êtes-vous si critique envers les systèmes d’évaluation ?
Dejours : L’évaluation individuelle a été rendue possible par l’informatique, qui a pris place dans nos vies à une vitesse impressionnante. Les ordinateurs sont comme des boîtes noires, ils enregistrent tout, ce que vous faites ou ne faites pas, vos erreurs… Cette évaluation individuelle met les salariés en concurrence les uns avec les autres, et elle a été poussée très loin. Elle entraîne des pressions très fortes, surtout sur les salariés en position instable. Les entreprises utilisent également beaucoup la menace de passage à la sous-traitance pour exiger des performances de plus en plus élevées.
A partir du moment où on a introduit des primes, les salariés ont adopté des conduites déloyales, fait de la rétention d’informations ou même nui à leurs collègues. Le tissu de confiance et d’entraide a été déchiré au profit du chacun pour soi. Les solidarités ont fondu. Les syndicats sont très déstabilisés par ce lien social affaibli, beaucoup plus que par la chute du Mur de Berlin. Mais, si les salariés acceptent ces pratiques lâches ou de se faire maltraiter, il ne faut pas s’étonner de la multiplication des dépressions et des pathologies de la solitude.
Certes, les salariés ont réclamé ces évaluations individuelles. Ils pensaient qu’elles seraient plus justes que l’avancement à l’ancienneté ou à l’appartenance syndicale, mais ils se sont fait piéger. Ces évaluations sont fausses et arbitraires, car il n’est pas possible d’évaluer quantitativement et objectivement le travail. D’ailleurs, ce n’est pas un hasard si certaines entreprises reviennent sur ce système.
Entreprise & Carrières, semaine du 27/11 au 03/12/2007
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