Le 18 janvier 2012, notre collègue, notre camarade, notre ami, Romain Lecoustre mettait fin à ses jours.
Le 3 février 2012, quelques jours avant une journée nationale de mobilisation des agent·e·s de l’inspection du travail, le journal Le Monde publiait un long article, intitulé « Moi, Romain, 32 ans, inspecteur du travail, mort de mon métier ». Il citait notamment un e-mail adressé par Romain le 14 septembre 2011 : « Voir ton premier vrai cadavre dans un accident du travail, rentrer chez toi à 23 heures, revenir travailler à 8 heures (…) et entendre ton directeur adjoint te dire que le premier geste professionnel, c’est de faire le signalement [de l’accident] à la direction générale du travail… Tu as envie de tout claquer (…) et quand tu appelles au secours, tu passes pour un faible ». A Arras, Romain Lecoustre avait découvert un site en sous-effectif et avait été amené à assurer un, voire deux, jusqu’à quatre intérims, ce qui l’avait conduit à l’épuisement professionnel.
Lire les mots de Romain Lecoustre et cet article, 10 ans plus tard, donne le vertige, tant rien n’a changé… La situation s’est même aggravée !
Après plusieurs mois de bras de fer avec l’administration, le suicide de Romain Lecoustre a été reconnu en accident de service, mais aucun enseignement n’en a été tiré et personne au sein de ce que l’on appelle désormais la « ligne hiérarchique de l’inspection du travail » n’a été inquiétée, bien au contraire.
En septembre 2012, nous écrivions :
« Aujourd’hui, nous voudrions croire que vous avez raison entendue, mais aucun de vos actes ne nous le laisse penser. Aucune des mesures fortes que nous attendions n’a été prise. Nous vous avons alerté à de nombreuses reprises sur la dégradation de nos conditions de travail liée, notamment, à la diminution des effectifs, sur les effets déstructurants de la culture du résultat et des objectifs chiffrés, sur les conséquences désastreuses des entretiens professionnels et des mesures d’individualisation des rémunérations,… Nous pourrions continuer, la liste est malheureusement longue ».
10 ans plus tard, la situation des effectifs s’est encore dégradée, les collègues devant supporter des intérims longs sont nombreux.ses, les objectifs chiffrés sont partout, les fameux CREMA (chiffres individuels produits lors des évaluations) qui avaient été supprimés après les mobilisations d’il y a 10 ans font leur retour, les écarts de rémunération et l’opacité du système des primes font des ravages, sans compter la réforme de l’organisation territoriale de l’Etat (OTE) qui casse l’unité des services et génère d’innombrables dysfonctionnements, au risque de l’épuisement professionnel.
Dans un contexte où les collectifs de travail sont mis à mal, où la résignation gagne parfois du terrain, où les dommages du mal travail font de plus en plus de dégâts, il est primordial de continuer à résister collectivement!
Défendre une inspection du travail au service des travailleur.se.s, avec ou sans emploi, avec ou sans papiers, se regrouper autour de nos revendications, combattre les projets de destruction du code du travail reste la meilleure façon de rendre hommage à Romain Lecoustre, à Luc Beal-Rainaldy et à tou.te.s les collègues qui ont souffert et qui souffrent encore des effets catastrophiques des politiques de ces 20 dernières années.
On n’oublie pas ! On ne lâche rien !