Retour sur la mobilisation du 5 septembre 2018 et l’audience en Cour de cassation de l’affaire Tefal

Communiqué intersyndical CGT-SUD-FSU-CNT-FO

Nous étions près de 150 personnes du ministère du travail avec l’appui de nos confédérations à venir soutenir devant la Cour de cassation notre collègue qui avait été condamnée par la Cour d’appel de Chambéry pour recel de document volés et violation du secret professionnel dans le cadre de l’affaire Tefal.

A l’audience de la Cour de cassation, le rapporteur public et l’avocat général vont dans le même sens : ils demandent un nouvel examen au fond de l’affaire au regard de la nouvelle loi du 9 décembre 2016 (entrée en application deux jours après le jugement de la Cour d’appel de Chambéry), dite loi Sapin II. L’avocat général a conclu sa plaidoirie en demandant l’annulation de l’arrêt de la Cour d’appel de Chambéry du fait de cette nouvelle loi jugée plus douce et censée protéger les lanceurs d’alerte sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres moyens invoqués par l’avocat de notre collègue.

Cette reconnaissance du statut de lanceur d’alerte, d’une part, pour le salarié ayant transmis les documents révélant l’obstacle aux fonctions de notre collègue, et d’autre part pour notre collègue ayant relevé ces infractions par voie de procès-verbal transmis au procureur de la république et par saisine du Conseil National de l’inspection du travail et des syndicats du ministère du travail pour assurer sa défense, relancerait une nouvelle phase juridique au cours de laquelle nous comptons bien obtenir une relaxe de notre collègue qui n’a fait que son travail et qui supporte depuis 2013 la pression instaurée par Tefal et relayée par notre ministère.

Pour nous, l’enjeu est aussi le respect de l’indépendance de l’inspection du travail à l’égard de toute pression et la liberté de se défendre en communiquant les preuves de collusions aux organisations syndicales représentant les intérêts de la profession.

Après lecture d’une déclaration commune intersyndicale (ci-dessous), la parole a été donnée à nos camarades victimes de la répression syndicale au sein du ministère du travail et ayant fait récemment l’objet de sanctions disciplinaires dans le cadre de l’affaire du pré catelan, de la réunion de nos services chez Safran dans le 77, ou pour avoir participé à une mobilisation de défense des droits des travailleurs sans papier.

La parole a également été donnée aux confédérations Solidaires, CNT et CGT, aux syndicalistes ayant dénoncé des actes de collusion entre leur administration et le patronat comme Anne Sophie Pelletier, syndicaliste CGT des EPHAD les opalines, ou encore Philippe Pascal, ex inspecteur du l’URSSAF poursuivi dans le cadre de l’exercice de ses fonctions, relaxé après plusieurs années de procédure, ou bien les camarades de la CGT Tefal toujours présents dans ce combat à nos côtés.

De nombreux lanceurs d’alerte et personnalités publiques étaient venus également soutenir notre collègue, comme Philippe Pascot écrivain, Stéphanie Gibaud, qui a dénoncé l’évasion fiscale au sein d’UBS et Daniel Ibanez organisateur du salon du livre des lanceurs d’alerte. Enfin Gérard Filoche et Francois Ruffin ont dénoncé de leurs voix cette collusion entre l’administration publique et le patronat révélée par l’affaire Tefal.

Le jugement sera rendu le 17 octobre 2018. En cas d’annulation, un nouveau procès se tiendra devant une cour d’appel.

https://www.humanite.fr/le-sort-de-laura-pfeiffer-fixe-le-17-octobre-660302

http://www.lefigaro.fr/flash-eco/2018/09/05/97002-20180905FILWWW00156-affaire-tefal-rassemblement-de-soutien-a-une-inspectrice-du-travail.php

Télécharger le communiqué intersyndical

Déclaration intersyndicale lue lors du rassemblement du 5 septembre 2018

La Cour de cassation doit se prononcer, ce 5 septembre 2018, sur la légalité de la condamnation de notre collègue pour recel de violation du secret des correspondances et violation du secret professionnel.

Pour résumer en quelques mots l’affaire TEFAL, un salarié, informaticien de l’entreprise, découvre en octobre 2013 un compte rendu RH le concernant et mentionnant : « Licenciement de Monsieur M : Aucun motif – coût 12 000 euros : donc lui fixer des objectifs inatteignables ». Abasourdi par ces méthodes, il cherche des renseignements sur le serveur informatique pour se protéger. Il découvre à cette occasion que l’entreprise, via le Medef et les services de la DCRI (renseignement généraux) de la préfecture du 74, ont cherché à se débarrasser de l’inspectrice du travail, gênante à leur yeux pour avoir qualifié un accord RTT d’illégal.

Ce dernier communique alors ces documents compromettants à l’inspectrice en charge de l’entreprise. Elle comprend soudainement pourquoi son directeur l’a convoquée et menacée en avril 2013, au cours d’un entretien ayant pour objet un recadrage violent. Lors de cet entretien, son directeur départemental avait notamment exigé qu’elle revoie les demandes qu’elle avait adressées à l’entreprise Tefal.   Notre collègue en sortira déstabilisée et sera en arrêt maladie plusieurs mois. Elle saisit alors le Conseil national de l’inspection du travail (CNIT), procédure prévue en cas d’atteinte à l’indépendance de l’inspection du travail. Elle met en copie de sa saisine les organisations syndicales de son ministère qui l’aident en lieu et place de sa hiérarchie défaillante. Elle transmet ces documents au procureur de la République dans un procès-verbal d’obstacle à ses fonctions et elle porte plainte pour harcèlement moral contre les directeurs de l’administration dont les pressions et même les menaces sont la cause de la dégradation de sa santé et de ses conditions de travail.

Alors que le CNIT reconnaît l’existence de pressions et une défaillance du ministère du travail, par un spectaculaire retournement de perspective, le procureur d’Annecy décide en avril 2015, suite à une plainte de Tefal déposée contre X, d’engager des poursuites  contre l’inspectrice du travail.  Son crime ? Avoir étayé sa dénonciation par ces documents compromettants échangés au sein de Tefal, et entre Tefal et l’administration; avoir mis en copie de sa saisine du CNIT les organisations syndicales de son ministère, qui l’ont aidée en lieu et place de sa hiérarchie défaillante.

Depuis 5 ans, le silence est assourdissant autour des pratiques pernicieuses de Tefal, des manœuvres du patronat local pour obtenir l’éviction de l’inspectrice et de sa connivence avec l’administration comme avec la justice, illustrée par les propos du procureur sur cette « occasion de faire le ménage » à l’inspection du travail (L’Humanité, 21 mai 2015). Les procédures de l’inspectrice ont toutes été classées sans suite par le même procureur, le directeur du travail mis en cause a été exfiltré en douce et en douceur (Libération, 16 décembre 2014)… pendant que sont condamnées nos deux vigies et cloués au pilori et l’inspection du travail, et les organisations syndicales et les lanceurs d’alerte pour avoir joué leurs rôles respectifs de garants de l’intérêt général (tribunal correctionnel d’Annecy 4 décembre 2015, cour d’appel de Chambéry 16 novembre 2016).

L’association Anticor (lutte contre la corruption) a d’ailleurs remis un prix éthique en janvier 2016 à l’inspectrice du travail.

En cinq ans, que s’est-il passé ?

En 2018, nous ne pouvons que constater que la situation au sein de l’inspection du travail n’a fait que se dégrader depuis cette affaire. Il a révélé au grand jour que le ministère ne cherche pas à protéger ses agents contre les « pressions extérieures indues » du pouvoir politique et du patronat mais, au contraire, fournit les instruments permettant d’attaquer systématiquement ses agents. Ainsi, depuis l’affaire Tefal, un code  de déontologie a été mis en œuvre, véritable vadémécum pour employeur cherchant à déstabiliser un corps de contrôle chargé de la protection des salariés.

Les exemples de remise en cause des agents en raison de leur appartenance syndicale ou d’un soit disant manque d’impartialité fleurissent. Les situations d’agressions de collègues se multiplient et s’aggravent : des attaques verbales et physiques, collègues séquestrés dans leur voiture de service….En interne, le ministère se fend d’un mail de soutien mais aucun message clair n’est envoyé aux employeurs.

De surcroit ce code de déontologie (« fait pour nous protéger » dit la main sur le cœur le DGT)  sert de matrice a une multiplication sans précédent de sanctions envers les agents pour leur activité syndicale avec plus de 4 procédures disciplinaires en moins de 6 mois. Les « recadrages » oraux ou écrits d’agents ayant simplement exercé leur droit syndical sont de plus en plus nombreux.

En réalité, on ne compte plus aujourd’hui les décisions prises au niveau de la Direction Générale du Travail, en dehors de toute logique juridique, visant juste à satisfaire les intérêts du patronat et de ses lobbys. En 2014-2015, à la suite d’un recours hiérarchique, le DGT signe lui-même les autorisations de licenciements des salariés de Goodyear, reproduisant quasi intégralement l’argumentaire de l’employeur sans aucune base juridique. Il prend, à cette occasion, une véritable décision politique.

Dernièrement, en pleine grève à la SNCF, la DGT a produit une note demandant aux agents de l’inspection du travail de s’abstenir d’intervenir auprès de la SNCF sur les modalités de retenue de salaire.  Elle s’est même permis de rappeler à l’ordre les collègues qui avaient eu l’outrecuidance de répondre à une demande sociale. Rappelons que tandis que la DGT demandait à l’inspection du travail de fermer les yeux, la SNCF a depuis été condamnée pour son mode de calcul illicite.

L’affaire Tefal a été l’élément accélérateur d’une politique de répression et de mise au pas sans précédent de l’inspection du travail. Ce phénomène n’est pas isolé. La répression touche tous les contre-pouvoirs du patronat : les élus et militants sont poursuivis en justice pour une chemise déchirée ou un envahissement, la loi sur les secrets des affaires menace de pénaliser tout travail journalistique dérangeant.

Et pendant ce temps, le droit du travail est dépecé, les statuts publics ou privés sont atomisés, le service public est condamné. Il est plus que temps de dire stop à ces attaques et d’organiser une riposte collective et concertée pour défendre le droit du travail, ceux qui le font appliquer et ceux qui bénéficient de sa protection.

Nous sommes ici réunis, militants syndicaux, lanceurs d’alerte, collègues du Ministère du travail, avec le soutien des organisations syndicales et des partis politiques, pour soutenir une inspectrice du travail mise en cause pour n’avoir fait que son travail, pour avoir dénoncé, grâce au courage du salarié lanceur d’alerte, les pressions extérieures indues dont elle a été victime de la part d’une entreprise.

Nous attendons donc de cette audience qu’enfin notre collègue soit reconnue dans ses droits et sa dignité. Nous continuons de demander :

  • la relaxe de  notre collègue ;
  • la poursuite devant la justice des procédures initiées par notre collègue ;
  • une condamnation publique des agissements de Tefal.