Monsieur le DRH, vous nous conviez ce jour à un 3ème CHSCT Ministériel Travail par audio conférence, plus de 15 jours après la précédente réunion, en dépit de votre engagement de tenir une réunion hebdomadaire et d’étudier la possibilité de réunions en visio-conférence déjà pratiqués dans d’autres ministères, et avec comme à votre habitude, un déficit d’informations et de document, institutionnalisant, toujours un peu plus, les dysfonctionnements de l’instance : aucun PCA et DUER, alors que nous les réclamons depuis le début du confinement ; aucun document sur les modalités d’organisation et la charge de travail des services de l’activité partielle et des renseignements, rien sur les mesures de protection des agent-es de contrôle et des services informatiques, rien sur les perspectives du déconfinement – tous ces points étant pourtant à l’ordre du jour.
Vous nous conviez donc ce jour à ce troisième CHSCT-M Travail depuis le début de la crise sanitaire, dans le cadre duquel nous n’avons eu de cesse de batailler contre le défaut de cadrage national et l’absence de mesures de prévention adéquates pour protéger, partout, sur chaque site, les agent-es du Ministère du travail contre l’épidémie de COVID-19, et de vous alerter sur les comportements inappropriés de certain.es DIRECCTE ou RUD. Nous vous avons en particulier, à plusieurs reprises, alerté sur la DIRECCTE du Grand-Est, sur ses entraves régulières au fonctionnement du CHSCT-R, son refus de prendre les mesures nécessaires pour permettre à tous les agent-es d’être en télétravail et sa défaillance dans la protection des agent-es de l’inspection du travail, allant jusqu’à proscrire dans un courriel le port des masques « [les ] agents de contrôle, s’ils doivent intervenir en entreprise, n’ont pas à se protéger des personnes qu’ils rencontrent. Nous demandons aux salariés de continuer à travailler pour assurer la continuité de l’activité économique, indispensable à la gestion de cette crise ; [les] agents, qui doivent remplir des missions de service public, doivent le faire AUSSI. »
Mais, Monsieur le DRH, plutôt que d’agir en vue de la protection de la santé des agent-es du Ministère du travail, et de recadrer et / ou sanctionner certain-es directeur-rices dangereusement défaillant-es, vous avez fait le choix, en plein accord avec la Ministre et le DGT, au contraire, de relayer les pressions et menaces et de mener une « guerre » contre les agent-es qui tentent de faire correctement leur travail, et contre les syndicats qui les soutiennent.
Dans cette « guerre », tous les coups sont permis. Ainsi, à la suite d’une plainte d’un employeur, relayée activement par le Président du Conseil départemental de la Marne et la RUD de la Marne, vous avez pris la décision, le 15 avril dernier, de suspendre de ses fonctions « dans l’intérêt du service », à titre conservatoire, dans l’attente de la mise en œuvre d’une sanction disciplinaire, notre collègue Anthony Smith, inspecteur du travail du département de la Marne, ancien secrétaire général de la CGT TEFP, membre de son bureau national et représentant des inspecteur-trices du travail au Conseil National de l’Inspection du Travail.
Le motif de cette procédure est d’une extrême violence ! Notre collègue a voulu continuer à exercer ses missions de contrôle du respect du droit du travail dans cette période où les salarié-es qui continuent de travailler sont encore davantage exposé-es qu’en temps normal. Il lui est ainsi notamment reproché d’avoir adressé des lettres de rappel de la réglementation aux entreprises de son secteur, et surtout d’avoir engagé « hors du cadre collectif de l’unité de contrôle » une procédure de référé visant une structure d’aide à domicile n’ayant pas pris de mesures suffisantes pour préserver la santé et la sécurité des travailleur-euses qu’elle emploie. Il lui est également expressément reproché d’avoir demandé à l’employeur de cette structure de mettre des masques de protection et d’autres équipements de protection individuelle à disposition des aides à domicile alors même que des salarié-es de l’association ont été hospitalisé-es et que plusieurs autres sont en arrêt pour suspicion de COVID-19.
Simultanément sa RUD a osé faire obstacle à sa mission de contrôle en se faisant le relais direct des pressions patronales et politiques, en parfaite contradiction avec la convention OIT 81 et le code de déontologie de l’IT que vous rappelez à tort et à travers. Et là vous ne faites rien.
En méprisant les règles de droit, Muriel Pénicaud et ses sbires veulent faire régner la terreur dans les rangs de l’inspection du travail, afin de dissuader les agent-es de contrôle de faire usage des pouvoirs propres que leur confère le code du travail. L’objectif est notamment d’éviter que les procédures en référé, comme celles qui ont été suivies d’ordonnances de mesures de prévention des risques dans le département du Nord, ne se généralisent sur le territoire.
A cette fin, comme le dénonce depuis maintenant plusieurs semaines l’intersyndicale CGT-CNT-FSU-SUD, le ministère du travail est prêt à toutes les dérives et n’hésite pas à violer allégrement les textes nationaux et internationaux, notamment l’article 6 de la convention n°81 de l’OIT qui rend les agent-es de l’inspection du travail indépendant-es « de toute influence extérieure indue ».
Nous exigeons le retrait immédiat de la mise à pied d’Anthony Smith et l’abandon de toute procédure disciplinaire, et nous vous demandons l’arrêt immédiat de cette politique de terreur qui démultiplie les risques psychosociaux dans une période où les collectifs de travail sont déjà mis à mal, travail à distance massif oblige.
Comme l’ont écrit plus de 150 signataires, dont les secrétaires généraux de la CGT et de Solidaires dans leur lettre adressée à la Ministre Pénicaud le 2 avril dernier, la Ministre du Travail doit cesser la politique criminelle du gouvernement qui expose inutilement chacun des milliers de travailleurs et de travailleuses au risque de contamination à la maladie COVID 19 sans mesures de protection.
Politique criminelle mais aussi politique mensongère du Ministère du travail, comme de celui de la santé notamment, dont les représentant-es ont continué à dire dans les médias comme dans les consignes officielles que le port de masque ne constitue pas une mesure de protection. Nous répondons qu’il s’agit d’un MENSONGE car le port de masque FFP2 constitue la seule barrière efficace dès lors qu’ils sont changés après chaque utilisation, comme cela est confirmé par la circulaire du Ministère du Travail du 3 juillet 2009 relative à la pandémie grippale qui indique « La première recommandation d’ordre sanitaire a trait à l’utilisation d’équipements de protection individuelle de type masques FFP2, destinés à protéger les personnes qui les portent. »
Mensonge encore quand le gouvernement continue d’indiquer que la distance d’un mètre est suffisante pour éviter l’inhalation de gouttelettes alors que l’avis d’experts publié par Santé Publique France en mai 2019 sur les pandémies grippales indique que la transmission via les gouttelettes émises lors de la toux se fait dans un rayon d’action de 2 mètres – 2,50 mètres environ, que des experts de renommée internationale mettent en évidence le risque de contamination par aérosol et par conséquent recommandent le port de masques FFP2 pour tous et toutes (note de bas de page 1)
Les déclarations et écrits scandaleux de la direction générale du travail et de la DGAFP pour le secteur public, tendant à vouloir restreindre le droit de retrait des salarié-es exposé-es, participent de cette politique criminelle qui se confirme chaque jour par le recensement de salarié-es décédé-es.
La mise en œuvre de cette politique passe aussi par les décisions prises au plus haut niveau de l’Etat pour supprimer ou limiter à l’extrême les interventions et contrôles en entreprises de l’ensemble des préventeurs, contrôleur-es et ingénieur-es des Carsat, médecins du travail et IPRP et bien sûr des services de l’inspection du travail, à qui il a été demandé de ne pas aller dans les entreprises, sauf exception autorisée par la hiérarchie. Alors que des millions de travailleurs et de travailleuses sont contraints d’aller travailler chaque matin, y compris dans des entreprises qui n’ont rien d’essentiel dans la lutte contre le virus, que les conditions sanitaires sont désastreuses dans plusieurs secteurs dont la santé, la grande distribution, la logistique, les activités postales ou encore l’aide à domicile, le gouvernement a décidé de dire aux employeurs : « N’hésitez pas à faire des travailleuses et travailleurs de la chair à Patron, il n’y a aura quasiment aucun contrôle de l’inspection du travail ».
Ce n’est pas une « guerre » contre le coronavirus que mènent Macron, Lemaire et Pénicaud, mais une guerre contre les travailleurs et les travailleuses qui sont massivement exposé-es aux risques de contamination pour sauvegarder les profits des capitalistes.
Dans cette guerre, la générale en chef Pénicaud s’appuie sur des hauts fonctionnaires zélés, incapables de remettre en cause les directives illégales de la ministre même si cela peut causer des morts.
Aujourd’hui, les agent-es de l’inspection du travail sont tiraillés par les injonctions contradictoires. DGT et DRH doivent cesser immédiatement les pressions, les menaces et faire enfin confiance au professionnalisme des collègues qui sont les mieux à mêmes de décider des modalités d’actions et d’interventions au plus près du terrain pour tenter de faire appliquer l’ensemble des dispositions du code du travail.
Nous vous demandons de lever immédiatement la mise à pied d’Anthony Smith comme le revendiquent unanimement les syndicats CFDT, UNSA, CFTC, CFE-CGC, FO, SOLIDAIRES, FSU et CGT de la Marne et de la Région Grand Est.
Nous vous demandons de faire cesser sans délais les pressions et les menaces qui s’exercent sur les agent-es, quelles que soient leurs fonctions.
Nous vous demandons de veiller à la santé mentale des agent-es en mettant en place une vraie politique de prévention des risques psychosociaux.
Nous vous demandons de protéger la santé physique de tous les agent-es amené-es à faire des interventions extérieures, en leur fournissant des masques FFP2 (non périmés et non détériorés comme c’est le cas dans de nombreuses DIRECCTE) et des kits de protection adaptés (gel hydo-alccolique, lingettes virucides…) pour pouvoir accomplir leurs missions.
Oui, il faut réintégrer notre collègue Anthony Smith, mais il faut également protéger l’ensemble des agent-es du Ministère du travail du management par la terreur qui risque de faire d’autres victimes !
Nous ne siègerons donc pas à ce CHSCT Ministériel Travail. Nous refusons de discuter ce jour avec les hauts fonctionnaires zélés représentants du Ministère du travail, le DRH et le DGT, qui se déshonorent en ne respectant pas la convention OIT 81, qui dévoient le sens et l’action de ce Ministère et refusent de jouer leur rôle de protection de la santé, tant de leurs agent-es que de celle des travailleurs et travailleuses.