Une tribune des syndicats CGT-TEFP, CNT-TEFP, FSU-SNUTEFE et SUD-TAS sur le rôle qu’ils estiment devoir jouer pour appuyer les droits des salariés qui continuent à se rendre sur leur lieu de travail, les exposant à une contamination au covi-19. Ils dénoncent la position de leur ministre de tutelle qui pousse à l’inverse les employeur-euses à maintenir leur activité dans la période. Publiée sur le site du journal L’Humanité le 26 mars 2020.
Salarié-es en danger, inspection du travail sacrifiée !
Tous les jours depuis l’instauration des restrictions gouvernementales pour lutter contre la pandémie de covid-19, les inspecteur-trices du travail sont alerté-es par des salarié-es et des représentant-es du personnel de leur mise en danger parce que leur employeur-euse ne prend pas les mesures assurant la protection de leur santé et leur sécurité, ou parce qu’elles sont impossibles à mettre en œuvre dans quantité d’entreprises – dans le bâtiment notamment. Nombre de salarié-es exercent à juste titre leur droit de retrait.
Dans ce contexte exceptionnel, l’utilité du ministère du travail devrait être d’éviter au maximum les trajets et les expositions professionnelles sources de contamination et de propagation du virus par la limitation du travail aux seules activités d’intérêt vital. Et pour ce faire, d’informer les salarié-es de leurs droits, de les étendre, de desserrer le lien de subordination au besoin en restreignant les libertés patronales – en premier lieu celle de rompre les contrats de travail – et de renforcer les pouvoirs de contrôle de l’inspection du travail.
Mais, sans surprise, d’autres choix sont faits par Muriel Pénicaud. Elle exhorte à aller travailler et dénonce le « défaitisme ». Elle désincite publiquement à l’utilisation du droit de retrait. Elle désinforme les travailleur-euses sur les obligations des employeur-euses en matière de sécurité. Elle exerce du chantage à l’activité partielle vis-à-vis des entreprises dont l’activité n’est pas interdite mais qui ont décidé de fermer. Elle porte une ordonnance visant à autoriser sans condition le dépassement des durées maximales de travail et la réduction du temps de repos.
Pour la ministre, l’intervention en entreprise doit se limiter à la diffusion des mesures gouvernementales et de « guides de bonnes pratiques » à l’attention des patron-nes. Les inspecteur-trices du travail sont tenu-es d’en référer à leur hiérarchie avant toute intervention en réponse aux alertes et droits de retrait. Certain-es ont aussitôt été rappelés à l’ordre pour avoir osé informer les employeur-euses de leurs obligations et mentionner la légitimité du droit de retrait. Ils-elles ont été menacé-es de sanction disciplinaire et de plainte pénale pour avoir mis en commun des courriers type qu’ils-elles élaborent pour suppléer aux carences de leur administration. Ils-elles n’ont pas d’équipement de protection (masques notamment) leur permettant d’effectuer des contrôles en sécurité.
De fait, les inspecteur-trices du travail, déjà en nombre insuffisant en temps normal du fait des suppressions de postes, sont entravé-es dans l’exercice de leur mission de contrôle. Quant aux sanctions pénales, elles sont envoyées aux oubliettes : nous n’avons pas entendu Muriel Pénicaud annoncer que les patron-nes délinquant-es seraient fermement mis-es à l’amende. Le gouvernement met entre parenthèses l’inspection du travail.
De toute urgence, pour limiter l’exposition professionnelle au virus, il faut l’arrêt des activités non essentielles aux besoins de la population, le maintien de tous les contrats de travail et des salaires en prenant sur les profits des grands groupes. Et pour contrôler les entreprises, les inspecteur-trices du travail doivent disposer des protections nécessaires et bénéficier de pouvoirs étendus (par des arrêts d’activité par exemple) et d’une grande liberté d’action.