Accidents du travail : La France triste leader européen de la mort au travail

Ils étaient ouvrier du bâtiment, menuisier, jeune saisonnier, conducteur de poids lourd…ils sont tous morts au travail entre le 18 et le 21 juillet.

Suivant le décompte réalisé par Mathieu LEPINE[1] sur le compte twitter « accidents du travail : silence des ouvriers meurent », ce sont en effet au moins 9 travailleur.ses qui ont été victimes d’un accident du travail mortel au cours de ces 4 jours.

Deux de ces accidents du travail mortels sont en lien « possible » selon Santé publique France, avec l’exposition aux fortes chaleurs de ces derniers jours.

Quelques jours auparavant, c’étaient une agente de nettoyage à Roissy et un agent d’entretien  travaillant à l’Assemblée nationale qui  étaient victimes d’un accident du travail mortel.

Chaque année, en France, ce sont entre 600 à 750 salarié.es qui perdent la vie au travail – chiffre qui ne baisse plus depuis près de 15 ans.

Le nombre d’accidents du travail mortels a même bondi au cours des 10 dernières, passant de 537 décès en 2010 à 733 (646 hors accidents routiers) en 2019.

Sans compter les accidents du travail graves laissant des travailleur.ses handicapé.es à vie.

 

En Europe, c’est en France qu’on meurt le plus au travail. 

Selon les données publiées par Eurostat, l’office européen des statistiques, le travail tue et blesse davantage en France que partout ailleurs en Europe : il y a en France, 3,5 accidents du travail mortels reconnus pour 100 000 salariés contre 1,7 en moyenne dans les autres pays européens, (moins de 1 pour 100 000 en Grèce, en Allemagne ou en Suède).

 

Face à cette hécatombe, il est urgent d’agir.

Et ce n’est certainement pas le plan pour la prévention des accidents du travail graves et mortels 2022-2025, lancé en mars dernier par le gouvernement, sans ligne budgétaire supplémentaire ni proposition d’évolution de la réglementation (hors une réflexion sur le retour éventuel de la dérogation pour l’affectation des jeunes à des travaux dits dangereux – dérogation qui était délivrée par les inspecteur.rices du travail et a été supprimée en 2015….) qui permettra de répondre à cette urgence.

Ce plan se limite à des actions de communication, de sensibilisation et d’expérimentation, en ciblant des populations dites « vulnérables » comme les jeunes embauché.e.s ou les travailleur.ses précaires. Il ne s’attaque ni aux causes structurelles des accidents du travail, ni aux organisations pathogènes du travail, ni à la faiblesse des moyens d’action des acteur.rices de la prévention.

Rien donc dans ce plan sur les causes structurelles de beaucoup d’accidents du travail telles que : l’intensification du travail associée à des objectifs de rentabilité et/ou à une réduction des effectifs et des moyens, le recours à l’intérim et à la sous-traitance, l’éclatement des collectifs de travail, l’impossibilité pour les salarié.e.s de peser sur leurs conditions de travail…

Rien non plus pour renforcer l’action et les moyens des acteur.rices de la prévention, largement affaiblis par des réformes successives : suppression des CHSCT par les ordonnances Macron de 2017, baisse très importante des effectifs des médecins du travail, … et bien évidemment, la baisse drastique, dans nos services, du nombre d’agent.e.s de contrôle avec seulement 1700 postes pourvus pour 20 millions de salarié.es, dotés de moyens coercitifs limités, pas toujours efficaces en termes de prévention (arrêts de travaux limités à certaines situations à risque ; action pénale peu efficace hors AT mortels ou graves, …).

 

Notre syndicat revendique, dans la continuité du Manifeste pour la santé des travailleuses et des travailleurs adopté à la Bourse du travail de Paris le 28 avril 2022, lors de la journée de mobilisation intersyndicale interprofessionnelle sur les accidents du travail, des actions fortes :

  • Une politique pénale du travail sévère, poursuivant et condamnant fermement la délinquance patronale ;
  • Le renforcement des droits de retrait et d’alerte des salarié.es ;
  • La suppression des régimes de précarisation des travailleur.ses ;
  • La suppression du recours massif à la sous-traitance dans les activités telles que le BTP, le nettoyage… ;
  • L’engagement de la responsabilité civile et pénale des donneurs d’ordre pour les accidents du travail chez les sous-traitants,
  • Des évolutions de la réglementation pour protéger la santé et la sécurité des travailleur.ses : rétablissement  de la dérogation pour l’affectation des jeunes à des travaux dits dangereux, adoption de règles précises pour prévenir les risques liés aux fortes chaleurs, …
  • Le retour des CHSCT comme contre-pouvoir pour la protection de la santé des travailleur.ses ;
  • Le doublement des effectifs de l’inspection du travail et des services de prévention (Carsat, médecine du travail), assurer leur indépendance et leur donner de nouveaux et véritables pouvoirs coercitifs (nouveaux arrêts d’activité notamment).

 

[1] Pour lutter contre l’invisibilité et interpeller sur leur nombre, Mathieu LEPINE – professeur d’histoire géographie – recense quotidiennement les accidents du travail mortels sur twitter.