RIFSEEP : les enjeux du nouveau régime indemnitaire, notamment pour les agents de catégorie C

Par une circulaire du 5 décembre 2014, le ministre de la fonction publique a précisé les conditions d’application du nouveau régime de primes des fonctionnaires (RIFSEEP pour « régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel »), créé par un décret du 20 mai 2014, auquel la CGT s’est opposée.

Au ministère du travail, ce nouveau régime devrait s’appliquer au 1er juillet 2015 pour les agents de la catégorie C (adjoints administratifs), les secrétaires administratifs et les attachés.

Concrètement, la nouvelle prime se décompose en :

– une indemnité principale mensualisée (IFSE ou indemnité de fonctions, de sujétion et d’expertise). Pour chaque corps, les fonctions occupées vont être classées en différents groupes (4 pour les A, 3 pour les B et 2 pour les C), selon des critères d’encadrement, d’expertise, de qualification ou de sujétions particulières liées au poste ;

– et un complément annuel lié à « l’engagement professionnel et à la manière de servir », véritable bonus individuel qui pourra varier d’une année sur l’autre en fonction de l’entretien professionnel.

Une prime liée à l’emploi et non plus au grade : vers des services à deux vitesses

Pour la CGT, ce régime représente une menace contre les statuts particuliers, les corps, les garanties collectives.

La prime n’est plus liée au grade ou à l’ancienneté mais à la fonction occupée. Or, l’article 12 du statut général des fonctionnaires dispose que : « le grade est distinct de l’emploi. Le grade est le titre qui confère à son titulaire vocation à occuper l’un des emplois qui lui correspondent ».

Pour le corps des adjoints administratifs, deux groupes vont être créés. Le groupe 1 est réservé aux « fonctions induisant des sujétions ou des responsabilités particulières, l’encadrement ou la coordination d’une équipe, la maîtrise d’une compétence rare (ex assistante de direction) ». Le groupe 2 aux « autres fonctions : assistant, agents d’accueil ».

Le ministère va donc répartir les emplois dans chacun de ces groupes, et la circulaire du 5 décembre 2014 précise « la différence doit être relativement sensible d’un groupe à l’autre ».

Très concrètement, cela va créer une dévalorisation des fonctions et des agents occupés dans les emplois les moins « primés », une rupture d’égalité entre les agents.

Une fausse réponse à la baisse du pouvoir d’achat des agents de la catégorie C

Le nouveau régime a été présenté par la ministre de la fonction publique comme le moyen de « déplafonner » le régime indemnitaire actuel des agents de catégorie C.

Au ministère du travail, un nombre croissant d’adjoints est en effet au plafond indemnitaire. Chacun a en mémoire le scandale du reliquat 2013 (qui s’est poursuivi en 2014), où des centaines d’adjoints n’ont pu bénéficier de repositionnement au titre de l’année concernée, ni percevoir de reliquat en fin d’année. Or, compte tenu du blocage du point d’indice, gelé depuis 5 ans et qui a perdu 15 % de sa valeur depuis 2000, le montant des primes est devenu crucial.

Certes, les plafonds vont être revus à la hausse… mais il est surtout prévu que les attributions se fassent à enveloppe budgétaire égale voire diminuée ! Il n’y aura donc en réalité aucun changement.

RIFSEEP = inégalités, arbitraire et individualisation

Le basculement dans le nouveau régime indemnitaire comporte également de lourdes incertitudes. La garantie du maintien des primes est par exemple limitée dans le temps.

Ainsi il est prévu à l’article 6 du décret que « lors de la première application le montant indemnitaire mensuel perçu par l’agent au titre du ou des régimes indemnitaires liés aux fonctions exercées ou au grade détenu est conservé au titre de l’indemnité de fonctions, de sujétions et d’expertise jusqu’à la date du prochain changement de fonction ». La circulaire confirme en énonçant que « le principe du réexamen du montant de l’IFSE n’implique pas une revalorisation automatique » puisque ce sont les compétences qui vont servir de critère principal pour le montant de la prime.

Il n’y a donc aucune revalorisation automatique prévue lors de l’entrée en vigueur du système ! Pire en cas de changement de fonctions (et les restructurations dans les services sont incessantes), le montant pourra être revu y compris à la baisse.

Enfin, la variabilité et l’individualisation des primes va s’accroître : selon le poste occupé, selon l’entretien professionnel, l’attribution indemnitaire ne sera pas la même d’un agent à l’autre ou d’une année sur l’autre. Ce sera encore plus d’inégalités de traitement, encore plus d’arbitraire, et la peur de voir son bonus annuel ne pas être reconduit… il s’agira d’une prime à la docilité dont se verront privés ceux qui contestent les réformes en cours.

Agissons contre le RIFSEEP !

C’est l’action syndicale qui peut permettre que ce nouveau régime que nous dénonçons soit limité dans ses effets néfastes et ne se traduise pas par une nouvelle baisse des rémunérations.

Pour la CGT, il est urgent que s’ouvrent de vraies négociations sur les rémunérations et les déroulements de carrière, alors que le nombre d’agents bloqués au dernier échelon de leur grade, sans possibilité de promotion s’accroît.

Alors que des qualifications toujours plus importantes sont exigées des agents, alors que effectifs diminuent sans cesse et que s’accroît la charge de travail, le nombre dérisoire de promotions est une véritable honte : une quarantaine de postes pour les plus de 8 000 adjoint des deux ministères Travail et Affaires sociales.

POUR LA CGT, L’URGENCE C’EST :

– pas un traitement en dessous de 1 700 euros bruts ;

– le dégel du point d’indice et sa revalorisation d’au moins 15%, correspondant à la perte subie depuis le 1er janvier 2000 par rapport à l’inflation ;

– des mesures compensatoires immédiates pour les agents de catégorie C et le versement pour eux d’un reliquat au moins égal au reliquat moyen versé aux agents de toutes catégories ; le déplafonnement des primes ;

– un plan massif de passage de C en B ;

– l’intégration de toutes les primes dans le traitement brut (revendication UGFF) et la suppression de tout régime indemnitaire ;

– la convocation dans les plus brefs délais d’un comité technique commun aux deux ministères pour mettre sur la table les modalités du nouveau régime indemnitaire.

Paris, le 2 février 2015

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