La loi ESSOC : pour un Etat au service des patron·ne·s
Le 24 septembre 2018, la DGT a publié une note relative à la loi pour un Etat au service d’une société de confiance (dite « ESSOC »). La note détaille les diverses mesures pro-patronales que contient le texte. Ainsi les DIRECCTE pourront prononcer un avertissement en lieu et place d’une amende administrative alors même que, la plupart du temps, les agent·e·s de contrôle ont déjà effectué un ou plusieurs rappel à la loi avant de décider de transmettre un rapport au DIRECCTE.
La loi ESSOC introduit également la possibilité de contrôles « à la carte ». Ainsi, les employeurs·euses ont désormais un « droit au contrôle » et donc la possibilité de demander un contrôle sur un ou plusieurs thèmes précis. Placé·e dans une position quasi schizophrénique, l’agent·e devrait alors, selon la DGT, fermer un œil et se contenter de regarder ce que le patron ou la patronne veut bien lui montrer. Pour le reste on repassera !
Cerise sur le gâteau, la loi introduit à titre « expérimental » dans les régions Hauts-de-France et Auvergne-Rhône-Alpes, une limitation des contrôles, toutes administrations confondues, à une durée cumulée de neuf mois sur trois pour les entreprises de moins de 250 salariés réalisant moins de 50 millions d’euros de chiffre d’affaires. Ainsi une entreprise qui aurait fait l’objet d’une vérification fiscale de longue durée ne pourrait plus être contrôlée par l’inspection du travail ? On voit mal comment ces deux dernières dispositions pourraient être compatibles avec la convention 81 de l’OIT.
Obsession des chiffres : le retour des objectifs individuels chiffrés
Mais l’essentiel de la note porte sur le « rôle de la DGT en tant qu’autorité centrale de l’inspection du travail ». La loi ESSOC crée un nouvel article L. 8121-1 du code du travail selon lequel la DGT « détermine les règles qui encadrent l’exercice des missions et s’assure de leur respect ».
Le code du travail affirmait pourtant déjà qu’elle a autorité sur les agents de l’inspection, joue le rôle d’autorité centrale, détermine les orientations de la politique travail, veille au respect du code de déontologie… Rien de bien nouveau donc si on s’en tient à la lecture des articles. Mais profitant de ce cavalier législatif (l’article n’a aucun rapport avec le reste de la loi), la DGT se livre à une surinterprétation du texte et annonce qu’elle va serrer la bride aux agent·e·s.
Elle s’estime ainsi « fondée à fixer » des objectifs par thèmes qu’elle juge prioritaires, des objectifs individuels, un temps minimum par agent·e de contrôle en entreprise. Quid des contrôles à l’initiative de l’agent·e ou suite à une plainte des salarié·e·s ? Elle veillera à ce qu’ « une place leur soit conservée ». Autrement dit, ils appartiennent à une époque révolue et doivent devenir résiduels.
C’est donc le grand come-back des objectifs individuels chiffrés, abandonnés en 2012 après les mobilisations pour la reconnaissance des suicides de nos collègues Luc Béal-Rainaldy et Romain Lecoustre en accident de service. Avec un sens du timing à toute épreuve, Muriel Pénicaud les réintroduit alors que onze collègues ont mis fin ou tenté de mettre fin à leurs jours en un an.
A n’en pas douter, le retour des objectifs individuels chiffrés aura pour conséquence une nouvelle dégradation des conditions de travail et de l’état de santé des agent·e·s : mise en concurrence des collègues, repli sur soi, angoisse de ne pas arriver à tenir ses chiffres, peur de devoir expliquer que l’on n’a pas pu ou qu’on a fait d’autres choses etc. Nous en voyons déjà les premiers effets au travers de l’augmentation des entretiens d’évaluation pointilleux et vexatoires.
L’inspection du travail au garde-à-vous !
Sous prétexte d’un renforcement du rôle de pilotage et de contrôle de la DGT, la note indique également que la DGT pourra intervenir « par instruction particulière destinée à un agent·e » pour « obtenir une pratique professionnelle respectueuse du cadre de la légalité (sic), menée avec discernement (re-sic) et conforme aux exigences de la convention 81 ».
Fin avril dernier, une note de la DGT demandait aux inspecteurs·trices du travail de « réserver » leur avis lorsqu’ils étaient saisis par les cheminot·e·s sur le décompte illicite des jours de grève ! Ainsi, plusieurs collègues qui avaient eu l’occasion de rappeler à la SNCF par courrier son obligation de rémunérer les jours de repos entre deux périodes de grève, avant que le jugement favorable du TGI de Bobigny ne vienne confirmer cette juste interprétation, avaient été convoqués individuellement et s’étaient vus passer un savon. Est-ce là le discernement attendu ?
En fait de commentaire de dispositions légales, il s’agit là d’une nouvelle note à caractère de règlement intérieur destinée à faire rentrer les agent·e·s dans le rang et à forcer leur adhésion à la « politique travail ». Note du 11 décembre 2014, code de déontologie, note loi ESSOC : la DGT multiplie les textes à vocation disciplinaire depuis quelques années. Plutôt qu’une autorité centrale de l’inspection du travail, elle agit de plus en plus comme une caserne tandis qu’elle intervient systématiquement pour défendre les employeurs·euses !
La CGT-TEFP revendique le retrait de la note du 24 septembre 2018.
Elle appelle toutes et tous les agent·e·s à refuser collectivement la surenchère de la course aux chiffres.
La CGT revendique une inspection du travail réellement indépendante du pouvoir politique.