Tribune publique : pour une inspection du travail uniquement au service des usagers

Cette tribune signée par les responsables nationaux des syndicats CGT, SUD, FSU et FO du ministère du travail a été publiée dans le journal L’Humanité du 18 novembre 2019.


L’inspection du travail a été, ces dernières semaines, violemment attaquée par le président de la République, par la ministre du Travail, mais aussi par sa propre hiérarchie.

Le 10 octobre, le président de la République, s’exprimant devant des chef•fes d’entreprise, les a invité•es à le citer pour demander à l’inspection du travail de ne pas sanctionner au premier manquement : « Vous pouvez le dire de ma part : quand quelqu’un arrive et pour la première fois vous met la douille, vous dit je vous mets tout de suite les pénalités plein pot, vous pourrez lui dire, “j’ai vu le président de la République, il nous a dit qu’il y a le droit à l’erreur !”. S’ils ne sont pas au courant vous m’écrivez ! Et ce sera corrigé ! » Et peu importe si l’inspection du travail a été en partie exclue du principe du « droit à l’erreur »…

Le 22 octobre sur France Inter, la ministre du Travail a publiquement reproché aux inspecteurs•trices du travail contrôlant la SNCF de lui avoir rappelé la loi sur l’exercice du droit de retrait par les cheminot•es, puis a affirmé que les observations formulées par l’inspection du travail ne s’imposaient pas aux employeur•euses. Cette position a été confirmée le jour même par le directeur général du travail (DGT), chef de l’autorité centrale de l’inspection du travail, dans un courrier dressé à la SNCF passant outre les observations des inspecteurs•trices du travail de terrain. Et peu importe si les tribunaux ont déjà déjugé l’immixtion de la DGT dans les contrôles de l’inspection, si la ministre du Travail ment ou si elle ne prend pas la peine de prendre connaissance des dispositions légales et réglementaires en vigueur et se permet de désavouer ses propres services.

Dans plusieurs régions, les agent•es de l’inspection du travail sont depuis la semaine dernière prié•es d’obéir aux ordres du cabinet de la ministre du Travail afin de multiplier les contrôles de façade en matière de détachement de travailleurs•euses étranger•es, non pas dans le souci de les protéger… mais pour que le gouvernement puisse dire à la Commission européenne qu’il a rempli ses objectifs chiffrés en la matière cette année. Le directeur de la région Auvergne-Rhône-Alpes va même jusqu’à demander aux agent•es de suspendre le reste de leur activité tant que les chiffres ne sont pas atteints ! Et peu importe si un récent rapport du Sénat a mis en garde contre les truquages induits par la politique du chiffre… L’exécutif légitime l’instrumentalisation de l’inspection du travail à des fins politiques.

Peut-on imaginer pire signal adressé à un patronat qui ne cesse de se plaindre d’une législation du travail qui, selon lui, est encore trop contraignante ? Pendant ce temps, les agent•es de l’inspection du travail font l’objet dans l’exercice de leurs fonctions (sans trop de soutien de leur hiérarchie) d’actions judiciaires, d’obstacles, de menaces, d’insultes, de violences. Ils et elles tentent, tant bien que mal, de les assumer et de les surmonter au quotidien, malgré le sous-effectif structurel (à peine 2 000 postes actuellement dont une centaine sont vacants), pour défendre des règles protectrices dont bénéficient les salarié•es. C’est aussi leur indépendance qui est violemment remise en cause.

Pour nos syndicats, c’est la goutte d’eau qui fait déborder un vase déjà bien rempli ! Mme Pénicaud prend systématiquement fait et cause pour le patronat, contre les salarié•es et contre ses propres services. Jamais il n’y a eu un tel fossé entre une ministre et ses services. Les agent•es n’en peuvent plus, ils n’en veulent plus ! C’est pourquoi nous soutenons nos collègues de la région Auvergne-Rhône-Alpes qui se mettent en grève le 18 novembre, et par la suite nous appelons les agent•es du ministère du Travail à faire grève massivement le 5 décembre contre la réforme des retraites, qui les concerne comme tous les fonctionnaires et les salarié•es, mais aussi pour en finir avec une politique qui casse le service public.

Julien Boeldieu, Aude Charcosset, Valérie Labatut, Simon Picou, secrétaires nationaux CGT-TEFP

Pierre Meriaux, Dominique Rols, Corinne Paris, Hervé Jacq, secrétaires nationaux SNU-Tefe-FSU

Isabelle Bay, Vadim Hosejka, secrétaires généraux FO TEFP

Coline Martres-Guguenheim, Sophie Poulet, Jean-François Aze, Camille Planchenault, du bureau national SUD TAS