Renforcement des mesures contre le recours illégal aux travailleurs détachés : assez d’hypocrisie

La ministre du travail vient d’annoncer 16 nouvelles mesures pour renforcer la lutte contre le travail illégal et notamment les recours frauduleux aux travailleurs détachés. Parmi celles-ci l’accroissement du montant des amendes susceptibles d’être infligées aux fraudeurs et l’augmentation des contrôles.

Ces annonces relèvent de la pure hypocrisie quand on sait qu’au même moment Mme Pénicaud est en train de conduire le plus grand plan de suppression de postes jamais mis en œuvre au ministère du travail. Elle est notamment en passe d’entériner la suppression de plusieurs dizaines de sections d’inspections du travail.

Cette politique de baisse d’effectif à des effets très concrets sur la lutte contre les détachements frauduleux, en premier lieu la diminution du nombre de contrôle. Selon les propres chiffres du gouvernement, ceux-ci sont passés de 1330 en 2016 à 965 en 2017. Mme Pénicaud annonce un objectif de 1500, mais supprime cette année encore plus de 230 postes dans son ministère !

Elle entraîne également l’absence de sanctions pour les situations de fraude constatées. Les amendes administratives ont été théoriquement mises en place pour pallier l’absence de réponse pénale dans des délais appropriés, mais les services qui traitent ces sanctions n’ont pas les moyens de faire leur travail. Le délai d’instruction dépasse ainsi les 18 mois à la DIRECCTE Ile-de-France : des rapports transmis par des agents de contrôle en août 2016 n’ont toujours pas été traités. Et les amendes prononcées ne sont recouvrées que dans 37% des cas.

Nous sommes donc dans un système où la hiérarchie demande aux agents d’effectuer toujours plus de contrôles sur le détachement sachant pertinemment que les demandes de sanction administratives ne seront pas traitées !

Le gouvernement est une nouvelle fois dans une opération de communication, il sait que ces annonces n’auront aucun effet sur la lutte contre le détachement frauduleux des salariés détachés. Depuis 2014 les lois en la matière se succèdent (loi Savary en 2014, loi Macron en 2015, loi El Khomri en 2016), pourtant, selon les derniers chiffres d’un bilan intermédiaire du plan national de lutte contre le travail illégal, le nombre de salariés détachés a explosé : plus 46 % en 2017, ce qui représente 516 000 salariés détachés hors transport routier.

Ces réformes successives sont un pansement sur une jambe de bois. Le détachement entraîne intrinsèquement la fraude, la mise en concurrence généralisée, la baisse des salaires. Il faut donc le supprimer, permettre la libre circulation et installation des salariés pour garantir l’égalité des droits quelle que soit la nationalité. La sous-traitance en cascade doit être interdite et les effectifs de l’inspection du travail doublés. Voilà ce que serait le début d’une politique conséquente de protection des droits des salariés.