Pas touche aux droits des salariés, retrait de la loi Macron

Le projet de loi préparé par l’ancien banquier d’affaire Macron sera discuté à partir du 26 janvier à l’Assemblée Nationale. Même si la casse de la médecine du travail et la suppression des dérogations pour affecter les jeunes à des travaux dangereux ont été retirés du texte, le projet demeure une véritable bombe pour les droits des travailleurs.

Au-delà de la généralisation du travail dominical sur laquelle se focalise le débat médiatique, Macron s’en prend aux prud’hommes et à l’inspection du travail, veut faciliter encore un peu plus les licenciements pour motif économique, met encore plus en concurrence la SNCF et privatise des aéroports.

Ouvert 7j/7, 6h-24 h

Voilà ce que les commerces pourront afficher l’année prochaine si le projet de loi porté par le ministre de l’économie va jusqu’au bout. A plusieurs reprises ces dernières années, les syndicats du commerce ont réussi à faire condamner par les tribunaux les grandes enseignes (Séphora, Monoprix, Leroy-Merlin) qui méprisent le droit au repos des salariés. Qu’à cela ne tienne, il suffit de changer la loi !

Macron propose donc de porter le nombre d’ouvertures dominicales autorisées de 5 à 12 par an, d’élargir les PUCES, rebaptisées « zones commerciales », au sein desquelles l’emploi de salariés le dimanche sera désormais de droit, sans aucun besoin de solliciter une dérogation. Il veut également créer des « zones touristiques » internationales pour lesquelles, en plus du travail dominical, le travail « de soirée » serait autorisé jusqu’à minuit !

Et si la loi passe, le code du travail ne fixerait plus aucune contrepartie minimale pour les salariés de ces zones amenés à travailler le dimanche, tout serait renvoyé au contenu des accords de branche, d’entreprise ou même d’établissement…

« Nouveaux pouvoirs de l’inspection », le come-back !

La partie législative de la réforme de l’inspection du travail, retoquée par le Parlement en début d’année dernière fait son retour dans le projet de loi Macron. Après avoir supprimé 10% des postes d’agents de contrôle, le gouvernement veut maintenant faire en sorte que les employeurs échappent le plus possible aux tribunaux et aux audiences publiques, en remplaçant des sanctions pénales par des amendes administratives qui seraient infligées (ou pas !) par le DIRECCTE ou en créant une procédure de transaction pénale. Et comme l’avait promis Hollande, la peine de prison actuellement prévue en cas de délit d’entrave sera supprimée au prétexte de ne pas effrayer les investisseurs étrangers.

L’exposé des motifs de la loi indique de plus que : « Le texte de l’ordonnance visera à ce que la sanction soit le dernier recours : les phases de mise en demeure, d’avertissement et de contradictoire seront renforcées pour assurer l’accompagnement des entreprises de bonne foi et ne sanctionner que celles qui méconnaissent sciemment la loi. » Comme si les entreprises « de bonne foi » étaient aujourd’hui trop sanctionnées !

Au passage, Macron veut retirer à l’administration du travail sa compétence en matière de contentieux pré-électoral. Voilà ce que signifie « renforcer les prérogatives du système d’inspection du travail » pour le gouvernement.

Prud’hommes dénaturés

Au prétexte de raccourcir les délais de jugement, le projet de loi multiplie les cas d’intervention du juge départiteur (qui est un juge professionnel) au détriment de la formation de jugement (composée de magistrats élus). Les conseillers prud’homaux sont en effet suspects de rendre des décisions trop favorables aux salariés. Mais si le gouvernement voulait véritablement raccourcir les délais de jugement, il pourrait commencer tout simplement par augmenter les moyens des Conseils !

Le gouvernement prévoit également d’étendre au droit du travail les procédures de médiation privées lors d’un litige entre un salarié et son patron : une nouvelle façon de sortir les patrons des tribunaux et des audiences publiques et de répandre l’illusion,
comme pour la rupture conventionnelle, que patron et salarié sont sur un pied d’égalité pour négocier leurs désaccords malgré le lien de subordination !

Ajouté à la suppression de l’élection des conseillers, votée en novembre, il s’agit en fait d’avancer vers la suppression de la justice prud’homale et d’en écarter les salariés et leurs organisations syndicales.

Les licenciements économiques toujours plus sécurisés… pour le patronat

C’est sans doute la partie du projet de loi la plus cynique. Les tribunaux administratifs ont retoqué quelques-unes des décisions d’homologation ou de validation des plans sociaux prises par l’administration depuis l’entrée en vigueur de la loi de « sécurisation de l’emploi » en juin 2013, permettant ainsi aux salariés concernés de contester le bien-fondé de leur licenciement aux prud’hommes. Ces quelques annulations sont encore trop pour le patronat ! Le projet de loi prévoit donc qu’en cas d’annulation par le juge administratif de la décision de validation ou d’homologation d’un PSE pour absence de motivation, non seulement que l’administration puisse prendre une décision mieux motivée, mais en plus que l’employeur n’est redevable d’aucune indemnité aux salariés !

De même, l’article 98 du projet de loi crée la possibilité pour l’employeur de fixer sans l’accord des syndicats un périmètre plus restreint que celui de l’entreprise pour l’application des critères d’ordre de licenciement. En clair, l’employeur pourra définir ces critères au niveau des établissements – et pourquoi à un niveau encore inférieur (service, direction…), ce qui ouvre la voie à l’arbitrait patronal dans le choix des salariés à licencier : plus le périmètre est restreint plus la marge de manoeuvre pour s’abstraire des critères fixés pat le code du travail sera grande pour les patrons, autorisés à toutes manipulations possibles.

Au passage Macron offre la possibilité aux grands groupes de fermer leurs filiales jugées trop peu rentables à moindre frais. Les entreprises en redressement ou liquidation judiciaire n’auraient plus l’obligation de rechercher un reclassement dans le groupe pour les salariés licenciés. Les sommes consacrées au plan social seraient appréciées au regard des moyens de l’entreprise et non plus du groupe, dispensant ainsi les véritables décideurs de mettre la main à la poche.

Des mesures liberticides… pour les travailleurs

La loi veut rendre obligatoire la carte d’identification professionnelle pour tous les salariés intervenant sur un chantier du bâtiment ou des travaux publics que l’entreprise soit établie en France ou à l’étranger. Loin de constituer une avancée pour la protection des travailleurs, il s’agit d’abord d’un instrument de contrôle social qui aura pour finalité la limitation de la liberté de circuler et de travailler. Cette mesure rappelle furieusement le livret ouvrier institué par Napoléon en 1803.

Une fois de plus, présentée comme une mesure visant à limiter le travail illégal, elle désigne les individus comme les premiers responsables des situations de travail illicite et ne règle ni la question des rapports entre donneurs d’ordre et sous traitants, ni la question de travailleurs sans papiers pour lesquels notre syndicat demande un droit à la régularisation et la mise en oeuvre de procédures massives à cet effet.

Tous et toutes dans la rue pour le retrait du projet !

Tout ceci obéit à un seul impératif : garantir ou accroître les profits du patronat en privant si nécessaire les salariés de leurs moyens de défense. La loi s’inscrit dans une offensive cohérente qui s’attaque aux droits des salariés et aux institutions qui contrôlent leur application (l’inspection du travail), qui les défendent au quotidien dans les boîtes (les représentants du personnel, qui seront réformés dans une prochaine loi) et qui sanctionnent les employeurs (les prud’hommes et la chaîne pénale du droit du travail).

Le gouvernement a cette fois remisé le « dialogue social » au placard. La loi prévoit de passer par ordonnance sur plusieurs sujets dont l’inspection du travail, donc sans possibilité de discuter précisément des mesures qui seront prises, et elle sera examinée en procédure d’urgence pour éviter tout débat public.

C’est donc d’urgence qu’il nous faut nous mobiliser. Ce projet est porteur d’une régression d’ampleur pour les droits des salariés, pour l’inspection du travail, ses missions, ses agents. Il doit être retiré. Nous ne pourrons y parvenir que par la grève et les manifestations, aux côtés des salariés du privé.

Le SNTEFP CGT s’associera aux appels à la mobilisation contre la loi Macron et invite tous les agents à participer aux manifestations qui auront lieu (un préavis de grève a été déposé).

Paris, le 15 janvier 2015

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