Nouvelles règles de promotion : l’opacité et l’arbitraire ça suffit !

La DRH a convoqué les organisations syndicales à un groupe de travail le 1er octobre 2020 afin de discuter des lignes directrices de gestion (LDG) qui réglementeront les promotions à partir de 2021.

En effet, la loi dite de « transformation » de la fonction publique a supprimé la consultation des CAP aussi bien en matière de mobilité que de promotions. Elle a rompu avec le principe du statut de 1946, réaffirmé en 1984 : « Les fonctionnaires participent par l’intermédiaire de leurs délégués siégeant dans des organismes consultatifs à l’examen des décisions individuelles relatives à leur carrière ».

L’avis des CAP, uniquement consultatif, n’empêchait malheureusement pas les promotions « à la tête du client », l’arbitraire, les discriminations, mais il permettait un contrôle, et par l’action des représentant-es du personnel de limiter autant que faire se peut cet arbitraire.

Il y a un autre principe du statut de 1946 réaffirmé en 1984 que les ministres successifs se sont ingénié-es à mettre à bas, c’est celui du droit à dérouler une carrière. L’article 58 prévoyait « l’avancement de grade a lieu de façon continue d’un grade au grade immédiatement supérieur » sauf régime dérogatoire.

Les agents de catégorie C qui partent à la retraite après des décennies de service sans avoir accès au grade d’AAP1 ont été particulièrement victimes de ces politiques d’austérité budgétaire.

Avec ces LDG Le ministère du travail s’apprête à mettre en place un fonctionnement encore plus opaque et à accentuer toutes les dérives passées, à accroître le blocage des carrières.

Le document de travail que nous transmet la DRH – très succinct malgré l’importance du sujet – commence par énoncer les critères qui présideront au choix des futur-e-s promu-e-s :

  • « la valeur professionnelle » – elle-même déclinée en quatre sous-critères,
  • « l’aptitude à assumer des responsabilités élargies et exercer les missions statutaires »,
  • « la qualité du parcours et de l’expérience professionnelle ».

Les deux premiers sont complètement fumeux, inobjectivables : la valeur professionnelle comprend notamment « les qualités développées dont les qualités personnelles et relationnelles », « le niveau d’implication dans l’exercice des fonctions ». C’est ouvrir la voie à toutes les pressions…

Le troisième est plus précis mais non moins problématique : pour mériter une promo, il faut avoir la bougeotte : être passé en centrale aussi bien qu’en service déconcentré, avoir exercé différentes activités professionnelles et fait un crochet par le privé si possible. C’est un encouragement clair et net au passage public-privé et vice versa, au carriérisme et c’est par ailleurs un critère dont l’administration a la totale maîtrise et qu’elle maniera à son gré. Le ministère appelle ça « valoriser les parcours professionnels ». Mais quid des centaines, des milliers de collègues qui ont assuré avec dévouement un métier pendant 30 ou 40 ans ? Visiblement ce sont des has been dont la carrière ne mérite pas de reconnaissance…

Sur la base de ces « critères », qui ne prennent plus en compte l’ancienneté de service (ou de manière accessoire), les chefs de services seront chargés de classer les agent-e-s promouvables chaque année et transmettre ce classement à la DRH. La DRH l’assume, l’objectif n°1 de la réforme est de donner plus de pouvoir aux responsables locaux et régionaux, le ministère se veut « à l’avant-garde de la déconcentration managériale » !

Et en l’état du texte, les tableaux de proposition ne seront plus transmis aux représentant-e-s du personnel. L’agent-e qui souhaite savoir s’il/elle a été proposé-e ou non devra interroger directement le chef de service et prendre sa parole pour argent comptant (si même il/elle a osé demander, car gageons que ce sera mal vu). Aucune vérification de l’égalité de traitement ne sera possible puisque seuls la DRH et les chefs de service disposeront des classements. Le droit de regard et d’intervention dont disposait les représentant-e-s du personnel ne suffisait pas à rendre le système juste mais il permettait de mettre en évidence les différences de traitement les plus criantes, de parfois les réparer, d’éviter, parfois aussi, qu’un-e agent-e ayant déplu au DIRECCTE soit éjecté-e du tableau d’avancement, de donner des informations fiables à nos collègues leur permettant de demander des comptes à leur hiérarchie, à la ministre. La DRH nous affirme « ne pas être fermée » à associer les représentant-e-s du personnel, mais elle n’avance aucune proposition concrète ! D’autres ministères (environnement, justice…) ont pourtant prévu des mécanismes d’alerte que pourront mobiliser les élu-e-s en CAP.

Les lignes de gestion que nous soumet la DRH ne reprennent pas le contenu de l’accord de lutte contre les discriminations signé par le ministère en 2017, selon lequel la DRH doit communiquer aux représentant-e-s du personnel une analyse comparative des tableaux d’avancement au regard de la composition sociale du corps ou grade considéré et prendre le cas échéant des mesures compensatrices. De même, le ministère se prévaut à nouveau du label « égalité professionnelle entre les hommes et les femmes » qui lui a été accordé en 2018 mais se contente sur ce point de déclarer que le ratio promu-e-s/promouvables des effectifs de femmes et d’hommes doit tendre à l’équilibre. Aucune mesure de rattrapage des inégalités de promotions subies par les femmes pendant des années et des années, dont la réalité n’est pas contestée par la DRH, n’est envisagée (rappelons à ce point que l’écrasante majorité des agents de catégorie C, la catégorie la plus malmenée, sont des femmes).

Elles ne reprennent pas même les dispositions réglementaires en vigueur, tel l’article 3 du décret du 28 juin 2010 qui impose au chef de service de porter une appréciation particulière sur les perspectives d’accès au grade supérieur de tout agent qui a atteint le dernier échelon du grade dont il est titulaire.

Cerise sur le gâteau, nos responsables entendent profiter de la mise en place de ces nouvelles règles pour exiger de chaque agent-e susceptible de bénéficier d’une promotion dans un autre corps qu’il/elle signe une déclaration valant engagement à une mobilité fonctionnelle ou structurelle, voire géographique pour les passages de B en A. C’est attribuer un pouvoir discrétionnaire aux chefs de service.

La CGT TEFP s’oppose à ces lignes directrices de gestion qui renforceront l’arbitraire et les discriminations, au détriment des droits statutaires. Dans les cas où elles passeraient il serait inadmissible que les propositions des chefs de service ne soient pas rendues publiques chaque année, et que les représentant-e-s du personnel en CAP n’aient pas accès à l’ensemble des informations et documents préparatoires à l’établissement des tableaux d’avancement. L’engagement de mobilité, particulièrement pénalisant pour les femmes qui assument, dans l’état actuel réel, une plus grande partie des charges éducatives et de famille, doit être purement et simplement supprimé.

Elle revendique un déroulement de carrière linéaire pour l’ensemble des agent-e-s avec l’établissement des tableaux d’avancement sur le critère exclusif de l’ancienneté, seul véritable objectif.

Elle demande notamment le déblocage immédiat des carrières des agent-e-s de catégorie C, coincé-e-s dans le grade AAP2 du fait de ratios de promotions ridiculement faibles et en baisse, l’organisation d’un plan massif de passage de C en SA.

Elle réclame la titularisation de l’ensemble des contrôleurs du travail, dont plusieurs centaines sont par ailleurs toujours bloqués en classe normale, dans le corps de l’inspection du travail.

Elle demande également la suppression du grade de directeur du travail hors classe mis en place par et pour la haute hiérarchie et l’instauration d’un examen professionnel pour l’accès aux grades de DA et de DT, afin de mettre fin aux pratiques clientélistes.

Tous les cas de discrimination signalés doivent donner lieu à enquête immédiate et réparation sans délai s’il y a lieu. La situation de chaque agent-e dont la progression de carrière a été inférieure à la moyenne de son corps doit être examinée sans délai également.

C’est le moment d’y aller, l’opacité, l’arbitraire, les blocages ça suffit !

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